D’où est née l’idée de ce film ?
Il y a deux ans, la municipalité de Zghorta-Ehden a décidé de lancer une année Saliba Douaihy, proposant plusieurs activités autour de ce grand peintre né à Ehden aux alentours de 1910 (sa date de naissance n’est pas déterminée avec précision, certains l’estiment même à 1915) et décédé à New York en 1994. Dans ce cadre, elle m’a sollicité pour la réalisation d’un documentaire qui retracerait les événements majeurs de son parcours. Outre notre origine « ehdeniote » commune, cette « mission » m’a été confiée pour différentes raisons : d’abord parce que j’ai eu la chance de le connaître un peu, l’ayant rencontré à plusieurs reprises au cours des dernières décennies de sa vie. Et puis, sans doute, parce que, étant moi-même tout à la fois cinéaste (réalisateur, entre autres, de La Grande Famine, un documentaire historique de 77 mn) et artiste peintre, je pouvais appréhender les différentes facettes de l’homme et de l’artiste qu’il était.
Comment l’avez-vous conçu ?
Je me suis lancé dans le projet en l’envisageant comme un moyen-métrage, un documentaire d’une vingtaine de minutes. Sauf qu’au bout de six mois de recherches, de lectures et d’interviews de spécialistes de son œuvre, je me suis rendu compte que cette figure exceptionnelle de l’art libanais méritait bien plus. J’ai approfondi mon travail en fouillant chaque indice qui m’emmenait sur ses traces. Je suis ainsi parti à la rencontre d’un grand nombre de personnes qui l’ont connu, même brièvement… Je me suis même rendu à Paris, où, titulaire d’une bourse en 1932, il a étudié à l’École nationale, et à New York, la ville qui a été fondamentale dans l’évolution de son style, de l’académisme à l’abstraction au tout début des années 1950. J’ai notamment été au MoMa qui possède une de ses œuvres, ainsi qu’à l’église maronite de Brooklyn qui recèle nombre de ses peintures et vitraux. Puis, à partir de la somme d’informations et d’images récoltées (plus de 500), je me suis attaqué à la construction de ce film – en solo rider – avec une approche cinématographique. Pour en sortir ce Saliba Douaihy de 75 mn, comportant 19 chapitres chronologiques rehaussés de séquences d’animations et de reconstitutions virtuelles.
Qu’apporte ce film de nouveau aux amateurs de Saliba Douaihy ?
Il met en relief l’envergure internationale de cet artiste. Cet homme était une force de la nature ! Sa trajectoire en témoigne. il y a une sorte de mystère Saliba Douaihy. Alors que moi-même, je pensais le connaître à titre personnel, j’ai découvert des choses, à New York, que personne ne savait…
Après la séance au musée Sursock, où sera-t-il projeté ultérieurement ?
J’aimerais beaucoup que ce tout premier film en langue arabe (classique) sur un artiste arabe, comme me l’a assuré la critique d’art Maha Sultan, passe dans les salles de cinéma au Liban. Quant à sa version anglaise, qui est déjà prête, je pense l’envoyer à des festivals à l’étranger.
Pour mémoire
Un Saliba Douaihy de la collection Rockefeller adjugé 336 500 dollars à New York
commentaires (4)
(suite et fin ) De retour en France, Saliba Douaïhy s'installe dans l'est parisien,à Champigny-sur-Marne une quinzaine de Km de la capitale,avec sa femme et leur jeune enfant Yasmine. C'était un modeste pavillon, faisant aussi office d'atelier de peintre. Au cours de cette période de sa vie parisienne, je le voyais, à l'occasion de ses visites à mon cabinet médical, quartier des gobelins de Paris, à deux pas de la rue Mouffetard. Des liens d'amitié se nouèrent entre nous, favorables à quelques confidences sur son art outre-atlantique,dont le style évolua de l'impressionnisme de ses débuts, vers un symbolisme empruntant parfois le graphisme syriaque,langue qui a laissé des traces dans son dialecte du nord- Liban, et que ses amis juifs de New-York, prenaient pour de l'hébreu...!
MELKI Raymond
22 h 58, le 14 mai 2019