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Liban - Diplomatie

Liban-Syrie : le gouvernement toujours divisé, mais sans menace sur sa cohésion

En Russie, Gebran Bassil plaide pour un retour de Damas à la Ligue arabe ; le CPL appelle le cabinet à adopter cette position.

Gebran Bassil prononçant son allocution en Russie. Photo ANI

Les profondes divergences entre les composantes gouvernementales autour de l’épineuse question des rapports avec la Syrie n’en finissent pas de diviser l’équipe ministérielle de Saad Hariri. Face aux Forces libanaises, au courant du Futur et au Parti socialiste progressiste, tous trois résolument hostiles au régime Assad, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, poursuit sa campagne habituelle pour que Damas recouvre son siège au sein de la Ligue arabe, d’où la Syrie a été suspendue en 2012.

C’est dans ce cadre qu’il conviendrait d’inscrire les propos que le ministre des Affaires étrangères a tenus hier lors de la cinquième session du Forum de coopération Russie-Monde arabe, à Moscou. « À chaque fois que nous nous réunissons, un vide gâche notre rencontre. Il ne faut donc pas que la Syrie reste en dehors de la Ligue arabe », a-t-il lancé, tout en soulignant que « tout le monde a des remarques concernant le régime Assad ». « Mais lorsque les troupes syriennes se sont retirées du Liban, nous avons accepté d’avoir de bonnes relations avec la Syrie, a nuancé le chef de la diplomatie, se disant favorable à une solution politique du conflit, approuvée par le peuple, ainsi qu’à des élections démocratiques, à la reconstruction et au retour inconditionnel des réfugiés, pourvu qu’il soit sécurisé et dans la dignité. »Et Gebran Bassil d’ajouter, sur la question des réfugiés : « Je veux que les intérêts du Liban soient pris en compte et que l’initiative russe visant à assurer le retour des déplacés reçoive le soutien qu’il faut, au lieu que l’on se contente de remercier le Liban (pour avoir accueilli les réfugiés), celui-ci ne pouvant plus supporter ce fardeau et ayant besoin d’une solution permanente. »

« Il est du devoir des Arabes et de la communauté internationale, et non de la Russie seule, d’aider le Liban à assurer le retour », a estimé M. Bassil, soulignant qu’aucune solution n’est possible loin de l’enceinte arabe.

Gebran Bassil s’est adressé aux Arabes en ces termes : « Ramenez la Syrie à la Ligue arabe et œuvrons ensemble pour le retour des réfugiés. La ligue devrait prendre l’initiative de résoudre les problèmes arabes, à commencer par la Syrie (…). »

Bien que contrevenant à la politique officielle du gouvernement, cette prise de position de M. Bassil, plus théorique que concrète, ne menace toutefois pas, du moins jusqu’ici, la cohésion de l’équipe ministérielle. Comme l’assure à L’Orient-Le Jour un proche du Premier ministre, Saad Hariri, il s’agit d’une opinion personnelle du chef du CPL.

D’ailleurs, Assaad Dergham, député CPL du Akkar, reconnaît dans un entretien accordé à L’OLJ que les propos du leader de sa formation ne représentent pas le gouvernement et ne l’engagent pas sur le plan politique. « Nous estimons que le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe serait à même de faciliter le retour des réfugiés », souligne-t-il, invitant le cabinet Hariri à adopter la position du courant aouniste sur ce plan.


(Lire aussi : Réfugiés syriens : la proposition de Geagea bute contre le mutisme et... les réalités)


« La politique du grand écart »

Il n’en reste pas moins que les déclarations de Gebran Bassil ne sauraient être dissociées de ce que des observateurs contactés par L’Orient-Le Jour appellent « la politique du grand écart » qu’adopte le chef du CPL. Selon eux, ce dernier œuvre bec et ongles pour maintenir le compromis présidentiel de 2016, dans une volonté manifeste de préserver son partenariat avec Saad Hariri. Cela est à même d’expliquer le caractère théorique des prises de positions favorables à un retour de Damas dans l’enceinte arabe. Parallèlement, nuancent les observateurs, le chef du CPL ne manque pas de lancer des clins d’œil à ses alliés du 8 Mars, comme pour les rassurer quant au maintien de leurs bons rapports.

C’est également sous l’angle de cette ambivalence de Gebran Bassil que Karim Bitar, politologue, analyse l’appel lancé par le leader du CPL en Russie. « Le chef de la diplomatie serait probablement contraint à maintenir cette politique durant les prochaines années, afin de préserver son entente avec Saad Hariri », explique M. Bitar à L’OLJ, estimant toutefois qu’« il s’agit d’une façon pour assurer les électeurs et la base populaire aounistes que M. Bassil œuvre pour accélérer le processus du retour des réfugiés ».


(Lire aussi : Retour des réfugiés : le Liban doit "concilier" les positions de Moscou et Washington, selon Aoun)


Quoi qu’il en soit, M. Bassil s’est attiré les foudres des Forces libanaises hostiles tant à un retour précaire des réfugiés qu’à une éventuelle normalisation des rapports libano-syriens. Fady Karam, ancien député FL du Koura et secrétaire général du bloc la République forte, a répondu à M. Bassil via Twitter. « Celui qui plaide pour le retour des réfugiés syriens dans les plus brefs délais ne devrait pas établir de lien entre cela et le recouvrement, par le régime, de son siège au sein de la Ligue arabe, dans la mesure où cette éventualité n’est pas à même de faciliter les choses. Bien au contraire, elle les complique », a écrit M. Karam, avant d’ajouter : « Peut-être cherche-t-on à satisfaire le régime syrien », dans ce qui sonne comme une attaque implicite contre le ministre des Affaires étrangères.

En attendant une vision gouvernementale unifiée quant au dossier des réfugiés, le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, poursuit ses contacts à ce sujet. À cet effet, il s’est entretenu hier avec le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, et avec l’ambassadeur de Syrie, Ali Abdel Karim Ali.


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commentaires (4)

Fakhamat Gebran Bassil poursuit en Russie sa campagne pour que Damas retrouve son siège au sein de la Ligue arabe... La prochaine fois, ce sera sur la Lune puis sur Mars. La Syrie dispose d'une Ambassade à Beyrouth. La Syrie dispose du Haut-Conseil libano-syrien. La Syrie ne reconnait pas la libanité des fermes de Chebaa et du demi-Ghajar. Tout cela ne regarde pas Fakhamat Gebran Bassil, son souci est de s'assurer la prochaine présidence de la République. C'est clair, net et précis.

Un Libanais

13 h 17, le 17 avril 2019

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Commentaires (4)

  • Fakhamat Gebran Bassil poursuit en Russie sa campagne pour que Damas retrouve son siège au sein de la Ligue arabe... La prochaine fois, ce sera sur la Lune puis sur Mars. La Syrie dispose d'une Ambassade à Beyrouth. La Syrie dispose du Haut-Conseil libano-syrien. La Syrie ne reconnait pas la libanité des fermes de Chebaa et du demi-Ghajar. Tout cela ne regarde pas Fakhamat Gebran Bassil, son souci est de s'assurer la prochaine présidence de la République. C'est clair, net et précis.

    Un Libanais

    13 h 17, le 17 avril 2019

  • IL FAUT UN JOUR RETABLIR LES RELATIONS AVEC LA SYRIE NOUVELLE ISSUE DES REFORMES DEMOCRATIQUES MAIS PAS AVANT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 19, le 17 avril 2019

  • C'est pourtant très simple de comprendre qu'on peut être divisé sur une question sans qu'il y ait de menace sur une cohésion, ça arrive partout dans le monde politique de tous les pays . Pas besoin d'explication. Tout l'enjeu de ces démarches de Bassil puissant MAE du Liban c'est de dire aux acteurs observateurs internationaux et nationaux que le Liban, assis sur le brasier sait mieux que personne où se trouvent ses intérêts , le Liban libéré des contraintes de l'ancien système sous le joug des occidentaux prédateurs vit la situation réelle du terrain militaro politique , et que IGNORER la Syrie du heros BASHAR EL ASSAD agressé par l'occident comploteur ne sert pas LES INTÉRÊTS DU LIBAN , PAS PLUS QUE LES INTÉRÊTS DES OCCIDENTAUX QUI N'ONT QU'UNE CHOSE À FAIRE : RECONNAITRE LEUR DÉFAITE, ET S'AMENDER AU PLUS VITE .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 07, le 17 avril 2019

  • Comment expliquer que le gouvernement soit "divisé...mais sans menaces sur sa cohésion..." ??? Bon, c'est l'éternel BLA BLA pour tranquiller le peuple libanais, mais à Moscou cette fois ! Notre ministre des affaires étranges se plaint du "vide laissé par la Syrie qui est en-dehors de la Ligue Arabe..." Juste une question: qu'a fait cette fameuse Ligue Arabe concernant tous les graves problèmes qui ont secoué les pays arabes ces derniers temps, Jérusalem, le Golan syrien, la guerre au Yémen etc. ? La même question est posée au ministre des affaires étranges libanaises: que fait-il de concret pour son pays, le Liban...à part des déclarations qui ne mènent à rien...aux quatres coins du monde ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 50, le 17 avril 2019

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