Le ministre libanais du Tourisme, Avedis Guidanian, a annoncé lundi qu’il souhaitait fermer les deux derniers offices du tourisme libanais à l’étranger, situés à Paris et au Caire pour des raisons d'économie.
Lors d'une conférence de presse organisée à l’hôtel Phœnicia au cours de la laquelle il a présenté sa stratégie pour développer le tourisme, le ministre a justifié cette décision en invoquant la nécessité de réduire les dépenses publiques, alors que le gouvernement doit en principe commencer à examiner jeudi le projet de budget pour 2019. Il a également affirmé que les deux offices visés ne remplissaient pas leur mission et ne généraient aucun bénéfice pour le Liban, malgré « 15 millions de dollars dépensés ces 10 dernières années. »
Les premiers offices libanais du tourisme ont été créés dans les années 1960 en pleine période d’explosion du tourisme international. D’abord rattachés au Conseil National du Tourisme (C.N.T), une association privée reconnue d'utilité publique à qui l’Etat va confier par décret, de 1967 à 1992, « certaines missions notamment en matière de propagande à l'étranger et d'exécution de projets touristiques », selon les informations disponibles sur le site du ministère du Tourisme. Après plusieurs années de flottement, ces offices vont être placés sous l’autorité du Conseil des ministres, qui est depuis seul compétent pour en ouvrir de nouveaux, fermer les existants ou nommer leurs directeurs. Le fait que le ministre évoque sa décision de fermer les offices du Caire et de Paris signifie donc qu’un dossier a déjà été monté afin que ce sujet soit inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres.
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Visit Lebanon
Le Liban a ouvert plusieurs offices du tourisme depuis les années 1960, notamment à Francfort, à Londres ou encore à Djeddah, mais tous à l’exception de ceux de Paris et du Caire ont été fermés pendant ou après la guerre civile de 1975-1990. « Si l’office du Caire est bien inactif depuis plusieurs années, son directeur n’ayant pas été remplacé après son départ à la retraite, celui de Paris continuait de promouvoir l’image du pays à l’étranger avec une certaine efficacité, et malgré des moyens humains et financiers limités », indique à L’Orient-Le Jour un responsable local, sous couvert d’anonymat. « La décision de fermer cet office ne cadre pas vraiment avec l’objectif affiché du ministère d’attirer davantage de touristes européens, et de ne pas uniquement dépendre de ceux du Golfe », souligne-t-elle.
« L’annonce du ministre survient enfin environ une semaine après la polémique concernant les conditions dans lesquelles le gouvernement a renouvelé le contrat de la société de représentation touristique Visit Lebanon, de gré à gré, sans passer par un appel d’offres et avec une clause de reconduction tacite », ajoute le responsable précité. Une information confirmée dans la presse (le montant de 2,2 millions d'euros (soit 2.5 millions de dollars) l’année, TVA incluse, a été avancé), tandis que le PDG de la société, Nadim G. Freiha, a indiqué dans une interview publiée la semaine dernière sur le site Beiruting que le gouvernement lui-même avait décidé de passer ce marché de gré à gré.
Enfin, l’ancien ministre du Tourisme, Michel Pharaon s’est dit « surpris » de la position de son successeur vis-à-vis de l’office libanais de Paris. « Autant j’approuve la décision du ministre de fermer l’office du tourisme du Caire, autant je reste réservé concernant celui de Paris, qui a été très actif, notamment pendant mon mandat (NDLR : de février 2014 à décembre 2016), aussi bien dans le domaine touristique que culturel », a-t-il déclaré à L’Orient-Le Jour. Il rappelle en outre qu’il envisageait de faire de l’office de Paris une plateforme de promotion de l’image du Liban en Europe.
Le Liban s’est engagé lors de la CEDRE, le 6 avril 2019 à Paris, à baisser de cinq points de pourcentage le ratio déficit public/PIB sur une durée de cinq années consécutives. Un objectif qu’il n’a pas réussi à atteindre en 2018. Le déficit devait dépasser les 6 milliards de dollars sur cet exercice, selon les estimations qui circulent en attendant les chiffres définitifs du ministère des Finances, soit plus d’un milliard de dollars que celui inscrit dans le budget prévisionnel pour cette même année.
Le ministre du Tourisme a par ailleurs présenté les principaux axes de sa stratégie pour développer le secteur. Traditionnellement habitué à compter sur les visiteurs du Golfe, le Liban doit, selon lui, s’employer à attirer des touristes chinois, russes et indiens, une stratégie qui mobilisera « 20 % des activités » du ministère. Ce dernier réservera toutefois l’essentiel de ses efforts aux opérations promotionnelles à destination des touristes du Golfe et d’Europe (France, Allemagne, Grèce, etc).
Le ministre a en outre appelé à créer une Autorité de promotion du tourisme, un organisme doté de prérogatives qui ne soient pas simplement consultatives ; la modernisation de la législation régissant le secteur ou encore la promotion du tourisme local. Il a en outre annoncé l’organisation du Forum Visit Lebanon les 30 et 31 mai prochains, avec la participation de 150 entreprises arabes.
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commentaires (10)
Ce qui est pathétique dans cette histoire est que la vérité est travestie au profit de contrats juteux et sans aucune transparence. L’Office du Tourisme à Paris avec un budget plus que limitée et grâce au formidable travail de Serge Akl, a drainé des centaines de journalistes au Liban, a donné une plateforme au cinéma libanais, aux activités culturelles de toutes sortes, et permis à des centaines d’artistes et écrivains de profiter de ce formidable lieu toujours disponible pour les accueillir. Si on ferme l’office pour des raisons budgétaires, on le remplace par un contrat à une société privée ? Je ne vois aucune logique dans cette décision.
Mehanna Tania
18 h 28, le 19 avril 2019