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Moyen Orient et Monde - Algérie

La présidentielle, un moyen pour le régime algérien « de toiletter sa vitrine »

Alternant la carotte et le bâton, le pouvoir tente de se maintenir tout en essayant d’amadouer les manifestants.

Des forces de sécurité algériennes encerclent des manifestants qui exigent un changement de régime, le 10 avril à Alger. Ryad Kramdi/AFP

Trois mois pour organiser une présidentielle dans un pays qui sort à peine de 20 ans avec le même président, Abdelaziz Bouteflika. Le délai est court et donne l’impression que le régime algérien tient absolument à contrôler la transition du pouvoir. En annonçant que la prochaine élection présidentielle aurait lieu le 4 juillet prochain, le pouvoir semble vouloir calmer les manifestants tout en gardant la main.

Si le président par intérim, Abdelkader Bensalah, a promis que l’élection serait « transparente », la rue ne croit pas à des élections libres et reste mobilisée. M. Bensalah, pur produit du régime, a déjà été sollicité par le pouvoir en 1994, lorsqu’il lui a été demandé de présider le Conseil national de transition, assemblée transitoire mise sur pied pendant la guerre civile. Il a présidé le Sénat sous les mandats Bouteflika pendant 17 ans. C’est aussi Noureddine Bedoui, ancien ministre de l’Intérieur devenu Premier ministre, qui garde la main sur l’appareil politique interne, instigateur des fraudes électorales qui ont caractérisé les élections algériennes de ces 20 dernières années.

« La grande majorité des jeunes qui manifestent n’ont même pas de carte d’électeur. Ils sont nés pendant la décennie noire. Les élections n’étaient pas à l’ordre du jour et ils n’ont ensuite connu que l’ère Bouteflika, et ont donc été peu incités à s’inscrire sur les listes électorales », précise pour L’OLJ Naoufel Brahimi el-Mili, professeur à Sciences Po Paris. Aux yeux des manifestants, l’élection n’est qu’un moyen pour le régime « de toiletter sa vitrine », selon le politologue Antoine Basbous, sollicité par L’Orient-Le Jour, « de proposer une nouvelle façade présidentielle qui garantirait la préservation du régime et la sécurité de ses représentants ». Si le Premier ministre a promis une Commission électorale indépendante, pour l’instant, personne ne sait rien de ses modalités, de sa composition ou encore de son degré d’autonomie. Les partis d’opposition, laminés par vingt ans d’un pouvoir sans partage du FLN, le parti au pouvoir, « sont décrédibilisés, affaiblis par l’exercice politique », décrit pour L’OLJ Marina Ottaway, chercheuse au Wilson Center. Il y a fort à croire que ces partis, par le boycott, refuseront cette fois de jouer le jeu du FLN.


(Lire aussi : Libye, Algérie, Soudan : les trois crises qui inquiètent Le Caire)

« Revendications irréalisables »

Le régime, n’ayant plus grand-chose à offrir à des manifestants qui réclament un changement radical, oscille entre menaces et tentatives d’apaisement désespérées. Emblème de l’État profond, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, quasi-octogénaire indéboulonnable, a haussé le ton hier contre les manifestants, décriant des « revendications irréalisables », pointant du doigt « certaines parties étrangères (…) chargées d’infiltrer les marches populaires, de les orienter en coordination avec leurs agents à l’intérieur du pays ». Brandissant le spectre habituel de la main de l’étranger, le gouvernement, mécontent de la couverture médiatique des manifestations, a expulsé mercredi Aymeric Vincenot, chef du bureau de l’AFP à Alger.

Pour la première fois depuis le début de cette « révolution du sourire », les forces de l’ordre ont, en outre, fait usage de la force mardi, pour disperser les étudiants protestant contre la nomination de Abdelkader Bensalah mardi. Tirs de grenades lacrymogènes et canons à eau, la police dresse autour des grandes villes des barrages filtrant les autobus transportant les manifestants. Dans un effort de calmer la rue, mercredi, le général a promis que « la justice rouvrira tous les dossiers de corruption » et qu’elle agira « en toute liberté (…) pour entamer des poursuites judiciaires contre toute la bande impliquée dans les affaires de détournement de fonds publics et d’abus de pouvoir pour s’enrichir illégalement ». Par ailleurs, le pouvoir algérien se repose sur le cadre constitutionnel pour légitimer la manœuvre électorale. « Le pouvoir algérien s’appuie sur la Constitution, entretenant l’illusion de la légalité : le général Gaïd Salah, aussi vice-ministre, sait que la présidence par intérim n’a qu’un pouvoir très limité, elle est inapte à altérer la composition du gouvernement – le chef d’état-major jouit aujourd’hui des pleins pouvoirs sur l’armée », poursuit Naoufel Brahimi el-Mili.

Si le régime tient à ce que la transition s’opère au sein de la Constitution, les manifestants, eux, exigeant la rupture complète, rejettent le texte comme feuille de route de la transition. Le régime opère là ce que M. Brahimi el-Mili considère comme un « formalisme outrancier ». La Constitution, prétexte de la continuité, a déjà été violée le 11 mars dernier, lorsque Abdelaziz Bouteflika a pris la décision d’annuler les élections, dernière façade d’un régime qui se refuse à une transition profonde, une remise en cause de sa mainmise sur l’appareil d’État.




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commentaires (2)

LE REGIME ET L,ARMEE NE LACHERONT PAS LE POUVOIR COMME D,AILLEURS AU SOUDAN. ILS PRENNENT POUR EXEMPLE CE QUI S,EST PASSE EN EGYPTE.

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 08, le 12 avril 2019

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Commentaires (2)

  • LE REGIME ET L,ARMEE NE LACHERONT PAS LE POUVOIR COMME D,AILLEURS AU SOUDAN. ILS PRENNENT POUR EXEMPLE CE QUI S,EST PASSE EN EGYPTE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 08, le 12 avril 2019

  • Il ne faut pas se leurrer, quand on a pas d'alternative on s'oriente vers le compromis . J'aurai souhaité voir un opposant crédible représenter ce mouvement extraordinaire et le mener à bon port , mais je crains fort que le vide qui sinstallerait serait pire que le diable qu'on connaît. EN ALGÉRIE ET AU SOUDAN CE QUI EST ARRIVÉ AUX 2 PRÉSIDENTS PEUT S'EXPLIQUER, EN CE SENS QUE CES 2 PAYS ONT EU AVEC L'OCCIDENT DES CONNECTIONS COUPABLES PARFOIS , TANDIS QUE AVEC DAUTRES RÉGIMES QU'ON NE NOMMERA PAS , IL N'Y A PAS EU CES GENRES DE COMPROMIS COMPROMETTANTS . CECI POUVANT EXPLIQUER CELA , de façon empirique !

    FRIK-A-FRAK

    13 h 17, le 12 avril 2019

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