Ce qui caractérise le plus le Liban, c’est son peuple. On ne peut pas dissocier le pays de Khalil Gibran de ses habitants. L’ADN du Liban, ce sont les Libanais. Plus que le temple de Baalbeck, le hommos ou Feyrouz. Et c’est pour cette raison là qu’on l’aime et le déteste. Pour cette raison-là que lorsque quelque chose vacille ou part en vrille, on répond quasiment toujours : « Hayda Lebnen ». C’est le Liban. Alors que ce sont des Libanais dont il s’agit. Des dirigeants libanais ou du peuple tout simplement. Le Liban en tant que nation n’y est pour rien. C’est lui qui subit. Subit les crises, économique, politique, écologique.
« Les Libanais. » Quel peuple extraordinaire, au sens étymologique du terme. Hors de l’ordinaire. Totalement hors. À la fois génial et méprisable, doux et violent, grand et petit. Un peuple schizophrène. Qui blesse et apaise en même temps. À cause de lui, on a fini par détester notre pays. Grâce à lui, on l’aime encore. Ces sentiments contradictoires et paradoxaux sont extrêmement pénibles à gérer, à digérer. À expliquer surtout. Ce sont les mêmes qui nous rebutent et nous attachent. Mais ce n’est pas le syndrome de Stockholm. C’est juste que ce pays est composé de gens tellement différents les uns des autres qu’il en devient difficile d’avoir une opinion unanime. Et, particulièrement, une opinion neutre. Pas de tiède nous concernant. Ni de gris. On oscille inlassablement entre le blanc et le noir, le glacé et le brûlant. « K*** ek** l’lebneniyyé », « fazi3in lebneniyyé ». La première, nous l’utilisons (très) souvent lorsque l’on conduit. La seconde, lorsque quelqu’un a fait quelque chose pour nous. Ou pour un autre.
Oui, les Libanais peuvent être exécrables. Nous pouvons être odieux, manquer de civisme et de respect, ne penser qu’à notre poire. Empiéter sur les plates-bandes d’autrui, arnaquer les uns, entuber les autres. Oui. Mais non. Non, nous ne sommes pas tous comme ça heureusement. Et si la majeure partie d’entre nous est foncièrement genuine, l’autre, plus minime, a également quelque chose de bon au fond. Ce petit quelque chose inscrit dans le génome libanais. Ce petit quelque chose qui nous différencie (peut-être) des autres peuples. Ce petit quelque chose qui fait parler tout un chacun, de cette fameuse hospitalité libanaise. Nous recevons, et bien, c’est vrai, mais nous savons aussi et surtout donner. Donner de nous-mêmes, de notre temps. Nous secourons, épaulons. Nous nous entraidons. Et les exemples pleuvent à foison parce que chacun d’entre nous a tenu, un jour, la main tendue par l’autre.
Emmener aux urgences une amie, revenir chez elle pour lui ranger son sac et lui rapporter ses affaires à une heure indue. Donner un lit, une salle à manger, un canapé, des rideaux, un service en porcelaine à cet(te) autre qui emménage. Préparer des petits plats et laver le linge à ses potes qui vivent seul(e)s. Garer sa moto sur le bord de l’autoroute de Saïda, après avoir joué à Zouzou 2ebba, pour prendre dans ses bras deux petits gamins qui mendiaient entre les deux voies rapides, afin qu’ils se retrouvent en sécurité de l’autre côté de la mer. Changer le pneu crevé de ce jeune débutant du volant, paumé entre le cric et la roue de secours. Raccompagner chez elle la petite copine de classe de son fils parce qu’elle se sentait mal. Passer prendre et ramener un collègue qui n’a pas de voiture. Apporter tous les jours à manger au gardien de l’immeuble de son bureau. Donner les vêtements trop petits de ses gamins pour que la nounou qui s’est occupée de nous pendant 25 ans puisse les envoyer à ses petits-enfants. Proposer un café à ceux qui se sont perdus. Tendre son parapluie au petit vieux d’en face. Arroser les plantes de la voisine et donner à manger à son chat quand elle n’est pas là. Rapporter les restes d’un mezzé (trop) copieux et les donner aux ouvriers qui vivent dans le squelette de l’immeuble d’à côté. Offrir des baklavas au fils du coiffeur qui a réussi le bac. Appeler une femme pour lui dire qu’on a retrouvé son sac volé. Manifester côte à côte un jour de mars 2005.
Bref, s’enquérir de ceux que l’on connaît à peine, tendre la main à ceux que l’on ne connaît pas, aider, offrir, donner. Voilà ce que font les Libanais. Voilà ce qui fait le Liban.
commentaires (10)
ça fait 3 jours que cette photo m'irrite. On dirait des chinois aux yeux bridés. il suffit de leur rajouter un petit point en guise d’œil en dessous de l’œil existant, qui lui deviendra un cil ! (suis fier de moi j'ai expliqué en quelques mots le problème et j'ai apporté la solution !)
Shou fi
23 h 22, le 01 avril 2019