Paula Yacoubian, députée indépendante de Beyrouth, s’en est à nouveau pris hier au Courant patriotique libre et à son chef, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, lors d’une conférence de presse à l’hôtel Alexandre à Beyrouth. Mme Yacoubian, qui est poursuivie en justice par le chef de la diplomatie après avoir accusé ce dernier de corruption lors d’un passage télévisé, a lancé de nouvelles accusations contre M. Bassil, documents à l’appui.
Parmi les documents figure une vidéo que des membres du CPL auraient fait parvenir à la députée et sur laquelle on peut voir son ancien chauffeur qui accepte de toucher un pot-de-vin pour dire du mal d’elle. Mme Yacoubian, qui est sujette à toutes sortes d’accusations et d’insultes sur les réseaux sociaux depuis sa confrontation avec M. Bassil, a accusé le parti Sabaa et le CPL d’être à l’origine de la campagne menée contre elle. « La campagne menée contre moi sur les réseaux sociaux est fabriquée. Ils en sont arrivés jusqu’à s’en prendre à ma vie privée (…) Cette campagne est une tentative pour m’assassiner moralement à travers les rumeurs, et si ça ne marche pas, c’est ma personne qui sera en danger », a-t-elle dit.
« C’est le parti Sabaa qui a filmé la vidéo et qui l’a remise au CPL, un des partis corrompus au pouvoir. Je suis au courant de toutes vos histoires personnelles, mais je ne vais pas utiliser ces informations », a-t-elle ajouté. À noter que la députée a récemment été désavouée par le parti Sabaa, alors qu’elle était proche de cette formation lors des dernières législatives.
Mme Yacoubian a, en outre, dénoncé l’existence d’un « consensus pour protéger la corruption et les corrompus », affirmant que « le pouvoir politique s’est ligué » contre elle. « Les portes de l’enfer ont été ouvertes lorsque j’ai reçu la plainte de M. Bassil, qui demande 75 000 dollars de dommages-intérêts », a-t-elle dit.
Ces derniers temps, Paula Yacoubian s’est attirée les foudres du chef du CPL, ainsi que du Premier ministre et chef du courant du Futur Saad Hariri, de même que son ancien bras droit, Nader Hariri, le tout sur fond d’accusations de corruption. Fin février, lors d’une émission de télévision, Mme Yacoubian avait déclaré qu’il y avait beaucoup de points d’interrogation concernant l’implication de M. Bassil dans l’affaire des navires-centrales et indiqué avoir demandé au procureur général d’entendre M. Bassil sur cette question. Elle avait ensuite accusé le ministre ainsi que Nader Hariri d’être à l’origine du marché douteux articulé autour des navires-centrales, tout en assurant que M. Bassil avait obtenu une commission de 8 %.
À la suite de sa conférence de presse hier, c’était au tour de la société de construction Butec de déclarer qu’elle comptait poursuivre Mme Yacoubian en justice. « La société Butec et Nizar Younès ont décidé de porter plainte contre la députée, après qu’elle s’en est prise à plusieurs reprises à Butec, la dernière fois étant lors de sa conférence de presse aujourd’hui (hier). Mme Yacoubian a lancé des accusations à notre encontre au sujet des incinérateurs », a indiqué Butec dans un communiqué.
Corruption organisée
« Je ne fais rien hors du cadre de la loi », a poursuivi Paula Yacoubian, soulignant que le pouvoir politique « s’est ligué » contre elle. Ces responsables « n’ont pas d’autres armes pour se protéger que de détourner l’opinion publique sur les réseaux sociaux », a-t-elle souligné. « Il y a une véritable organisation de la corruption dans le pays », a-t-elle accusé, tout en assurant qu’elle n’avait « aucune intention » d’arrêter de lutter contre ce fléau. Elle s’est notamment interrogée sur la présence « au sein du ministère de l’Énergie d’une ONG qui reçoit 4 millions de dollars par an », annonçant qu’elle allait présenter un dossier à la justice à ce sujet. Elle a également soulevé le fait que ce ministère n’importe du fioul pour alimenter les centrales « que via des importateurs privés », appelant l’institution à « importer directement » les hydrocarbures, « comme tous les autres pays du monde ». Mme Yacoubian a par ailleurs évoqué la présence d’un recours en justice au Pakistan visant la société turque Karadeniz qui opère les navires-centrales loués par le Liban.
La députée de Beyrouth s’est ensuite attaquée au dossier des incinérateurs, qu’elle a qualifié d’« affaire du siècle ». « Vous allez voir la vérité sur les incinérateurs, qui est l’affaire du siècle et un des dossiers qui rapportent le plus d’argent. Ils se préparent à diviser entre eux deux milliards de dollars. L’incinérateur de Beyrouth est le plus grand et sa construction va coûter 350 millions de dollars », a révélé Mme Yacoubian.
La députée s’est ensuite adressée directement à Gebran Bassil. « J’ai évoqué le sujet des navires-centrales et nombreux sont ceux qui l’ont fait avant moi, comme le ministre des Finances. Pourquoi n’ont-ils pas été poursuivis ? Le quotidien al-Moustaqbal a parlé d’une maison (appartenant à M. Bassil) évaluée à 5 millions de livres sterling. Vous n’avez même pas répondu à cela », a-t-elle lancé.
Répondant à ses détracteurs qui demandent qu’elle soit délestée de son immunité parlementaire pour être jugée pour diffamation, Paula Yacoubian a estimé que son immunité « est importante », car elle lui « permet de remplir son rôle et de demander des comptes ».