La polémique autour du dossier des réfugiés syriens entre le CPL et les Forces libanaises s’est relativement tassée au cours du week-end. Le feu couve cependant sous la cendre. Le clivage sur ce point est si profond entre les deux camps, soutenu l’un par le Hezbollah et les partis libanais gravitant dans son orbite et l’autre par les courants défendant une application rigoureuse de la politique de distanciation, qu’un éventuel règlement ne pourrait intervenir que si un dialogue sérieux est engagé sur la question en Conseil des ministres. La finalité de ce dialogue serait bien entendu d’établir une feuille de route, prévoyant un mécanisme consensuel pour un retour sécurisé des réfugiés syriens, ce qui éliminerait du coup les appréhensions liées à ce dossier. C’est ce qu’on pense du moins dans des milieux qui suivent de près ce dossier, devenu explosif en raison de ses implications et de ses dangers politiques.
Ce que les échanges acerbes en Conseil des ministres, jeudi, ont révélé, c’est l’ampleur de la mésentente, non pas sur la question du retour des réfugiés, même si le chef du CPL, Gebran Bassil, a tenté de limiter le problème à ce point précis, mais sur la question stratégique des relations avec Damas. Ce qu’ils ont aussi montré, c’est l’absence de confiance entre les composantes d’une équipe censée gérer les affaires du pays. Au cours du week-end, les responsables des Forces libanaises se sont évertués à préciser qu’ils souhaitent, autant que le CPL, le retour chez eux de tous les Syriens réfugiés au Liban depuis 2011, tout en assurant qu’il n’est pas question pour eux que ce dossier serve de prétexte pour renflouer le régime de Bachar el-Assad.
Car c’est à ce niveau que le conflit se situe. Le chef des FL, Samir Geagea, a été clair sur ce point en faisant état, dans une interview au quotidien Ach Charq el-Awsat, parue hier, d’un « besoin iranien de renflouer Assad (…) qui ne semble pas vouloir un retour des réfugiés au moment où des changements démographiques interviennent en Syrie ». « C’est le Hezbollah qui cherche à promouvoir (cette formule) parce que Téhéran a investi dans ce régime et dépensé des milliards de dollars pour le maintenir, ce qui fait qu’il ne peut pas se permettre de le perdre ou de le voir affaibli, à cause des répercussions que cela pourrait avoir sur la scène intérieure iranienne », a-t-il analysé, en s’interrogeant sur le point de savoir « quelle partie politique a convaincu le président Michel Aoun qu’un début de normalisation (avec la Syrie) favoriserait le retour des réfugiés ».
M. Geagea a estimé que son parti fait l’objet d’une « méga- opération de fraude politique puisqu’on lui fait assumer la responsabilité d’empêcher le retour des réfugiés chez eux », avant de se demander « pourquoi le CPL et ses alliés qui étaient majoritaires dans les deux gouvernements de Nagib Mikati et de Tammam Salam n’avaient pas pris contact avec le régime syrien pour commencer à rapatrier ceux qui pouvaient regagner la Syrie sans attendre nécessairement une solution politique » dans ce pays.
Le chef des FL s’est dit favorable à « des contacts avec la communauté internationale pour assurer le rapatriement des réfugiés vers des zones sûres en Syrie » et à ce que celle-ci finance le retour. Il s’est montré sceptique quant à la volonté du président syrien de faciliter ce processus, en confiant que ce dernier « est en train d’établir dans des régions de Syrie, abandonnées par leurs habitants, des groupes d’individus d’une appartenance communautaire déterminée qu’il fait venir d’Afghanistan et de Pakistan, entre autres ».
Coordination
Dans les milieux du CPL, on dément cependant toutes velléités de renflouer Bachar el-Assad, mais on estime qu’il n’est pas possible d’organiser le retour des réfugiés sans coordination avec le régime syrien, occultant par la même occasion l’initiative de Moscou, apparemment toujours en vigueur, pour un rapatriement des réfugiés. Rappelons que lors du sommet d’Helsinki qui avait réuni, en juillet dernier, les présidents russe et américain Vladimir Poutine et Donald Trump, la Russie avait proposé un plan de retour de réfugiés installés au Liban et en Jordanie, suggérant notamment la création d’une commission conjointe libano-syro-russe chargée de plancher sur le retour de 890 000 Syriens installés dans le pays. Ce plan avait été salué par le Liban et le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, en avait discuté avec les dirigeants russes, lors de sa visite à Moscou, en août dernier.Le discours du CPL est cependant loin de convaincre les Forces libanaises qui justifient leur scepticisme par un comportement politique contraire aux procédures constitutionnelles. Normalement, c’est le Conseil des ministres, dans son ensemble, qui devrait s’entendre sur le mécanisme à suivre pour rapatrier les réfugiés syriens. Or la visite officielle impromptue en Syrie du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, proche du camp syrien, avant même que le gouvernement n’obtienne la confiance du Parlement, a conforté les craintes des FL d’une volonté du CPL et de ses alliés de monopoliser la gestion de certains dossiers stratégiques politiques, ce qu’elles ne pouvaient pas accepter. Leur crainte d’une normalisation avec Damas a été renforcée par les interventions des ministres du Hezbollah et d’Amal qui ont tenté de plaider pour un règlement de l’affaire des réfugiés dans le cadre d’une redynamisation du Traité libano-syrien de fraternité, de coopération et de coordination entre la République libanaise et la République arabe syrienne, conclu le 22 mai 1991, par les présidents Hafez el-Assad et Élias Hraoui, à l’époque où Damas consacrait son emprise sur le Liban.
De sources proches des Forces libanaises, on donne deux explications principales à l’intransigeance montrée vis-à-vis du dossier syrien. La première est qu’il n’est pas possible de tolérer une politique susceptible de projeter le Liban officiellement dans l’axe syro-iranien, et la deuxième est que le Liban ne peut pas se permettre de faire cavalier seul et de prendre l’initiative de normaliser avec le régime de Bachar el-Assad, se distinguant ainsi de la Ligue arabe qui avait gelé, rappelle-t-on, l’adhésion de son pays parce qu’il refusait d’appliquer le plan de règlement politique auquel il avait pourtant souscrit. Le prix d’une décision unilatérale pourrait être lourd pour le Liban, craint-on de mêmes sources. Une normalisation avec Damas ne serait pas vue d’un bon œil ni par les pays de la Ligue arabe ni par la communauté internationale et Beyrouth pourrait en payer le prix au plan économique, avertit-on de mêmes sources, en rappelant que 70 % de l’économie locale est dollarisée.
commentaires (5)
LE MALHEUR C,EST QU,IL FAUT TRAVAILLER AVEC L,ONU ET LES INTERNATIONAUX QUI SE FOUTENT DE NOS PROBLEMES ET NE CONSIDERENT QUE LEURS INTERETS. LE LIBAN EST PRIS DANS LA TOURMENTE ET ILS VONT USER DE NOS DEBOIRES ECONOMIQUES ET FINANCIERS POUR NOUS SERRER LA VIS DES REFUGIES SYRIENS. IL EST DEMANDE - UNE POLITIQUE - MAIS REALISTE ET PRATIQUE. AVONS-NOUS LES HOMMES POUR CA ? J,EN DOUTE FORT !
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 22, le 25 février 2019