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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Netanyahu flirte avec l’Est européen à Jérusalem

Le Premier ministre israélien exploite les désaccords au sein de l’UE en accueillant les représentants des quatre pays frondeurs de Visegrad.

Benjamin Netanyahu en compagnie de son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, lors du sommet de Varsovie sur le Moyen-Orient, la semaine dernière. « Agencja Gazeta »/Slawomir Kaminski via Reuters

C’est une déconvenue de dernière minute pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Alors que l’État hébreu accueillera, demain et après-demain, des représentants de la Pologne, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie à Jérusalem, à l’occasion du sommet de Visegrad, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki a annoncé hier qu’il ne participera pas à ce rendez-vous et qu’il sera représenté par son ministre des Affaires étrangères. Ce revirement fait suite aux propos polémiques tenus par Benjamin Netanyahu au cours du sommet de Varsovie. « Je dis que des Polonais ont collaboré avec les nazis et je ne connais personne qui a été poursuivi pour une telle déclaration », avait-il déclaré.

Cette minicrise diplomatique apparaît comme une ombre au tableau de l’opération de séduction du Premier ministre israélien envers ces pays de l’est de l’Europe. L’exécutif israélien compte tirer avantage des dissensions au sein de l’Union européenne pour affaiblir la position de celle-ci vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. « Cela fait des années maintenant que le gouvernement Netanyahu entretient des relations avec les États qui sont en désaccord avec la majorité européenne – souvent sur des questions d’immigration ou d’État de droit. Le gouvernement à Jérusalem cherche activement à exploiter les divisions internes, aspirant à affaiblir la ligne politique européenne qui est souvent considérée comme défavorable à Israël, notamment sur les questions palestinienne et iranienne », résume pour L’Orient-Le Jour Raffaella Del Sarto, professeure d'études moyen-orientales à la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies. La position européenne en faveur de la solution à deux États, la condamnation des colonies dans les territoires occupés et la volonté d’honorer l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien ont convaincu Benjamin Netanyahu d’adopter une politique de fermeté et de division vis-à-vis de l’UE. En juillet 2017, il qualifiait l’attitude de l’Union européenne envers Israël de « folle », ajoutant que « l’Europe devrait décider si elle veut vivre et prospérer ou disparaître ». Pragmatique, le Premier ministre israélien veut consolider ses liens avec des pays européens beaucoup plus en phase avec sa vision diplomatique au Proche-Orient. Lorsqu’à l’annonce de l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem en mai 2018, Federica Mogherini rappelait l’attachement européen à une solution à deux États, les ambassadeurs tchèques, hongrois et roumains assistaient à la cérémonie d’inauguration. La Hongrie, la Pologne et la République tchèque s’étaient notamment abstenues de voter la résolution de l’ONU qualifiant de « nul et non avenu » le statut de Jérusalem comme capitale d’Israël. Milos Zerman, président de la République tchèque, a d’ailleurs annoncé le déménagement de l’ambassade tchèque à Jérusalem comme « une priorité ». « La question des ambassades est aussi une priorité pour Netanyahu, on peut d’ailleurs s’attendre à des déclarations dans ce sens au cours du sommet », note Cyrille Bret, enseignant à Sciences Po Paris.

Fenêtre d’opportunité

La coalition de Visegrad y trouve aussi son compte. « Dans la perspective des élections européennes de mai 2019, le groupe de Visegrad envoie un message à l’Union européenne. Le groupe a des positions internes à l’Union, mais aussi externes, qui lui sont propres. Cette coalition de l’Est désire peser sur la ligne politique générale de l’UE », analyse Cyrille Bret. Si en 1992, la coalition de Visegrad avait pris forme à travers un désir commun d’accélérer le processus d’intégration à l’UE, ces États de l’Est voient aujourd’hui dans l’organisation du V4 à Jérusalem une opportunité de se démarquer de la ligne politique du Berlaymont. En décembre dernier d’ailleurs, Visegrad rompait les rangs européens en refusant de signer à Marrakech le Pacte mondial de l’ONU sur les migrations promouvant « des migrations sûres, ordonnées et régulières ». D’autre part, la possibilité de développer une entente commerciale avec Israël, ancre prometteuse du Levant, avec sa technologie de pointe et sa main-d’œuvre qualifiée, allèche les représentants du V4. « Pour les États de Visegrad, une coopération accrue avec Israël est un moyen de cultiver leurs relations avec l’administration Trump. Il nous faut réaliser à quel point ces pays se sentent menacés par la Russie », ajoute Raffaella Del Sarto. Sur la question iranienne notamment, l’Est s’accorde avec l’Amérique trumpiste. « Varsovie considère que l’Iran pose des problèmes de sécurité », constate la politologue Amélie Zima, consultée par L’OLJ. La chercheuse relève que « Varsovie ne peut réellement s’opposer aux demandes américaines, d’autant plus que le gouvernement PiS (le parti Droit et justice au pouvoir) demande l’établissement d’une base américaine en Pologne ».La montée de l’extrême-droite européenne et ses travers islamophobes sont ici catalyseurs d’une entente avec Israël qui « aurait été impensable il y a de cela dix, quinze ans », estime l’expert autrichien Farid Hafez, sollicité par L’OLJ. « Dans une ère dominée par des figures telles que Trump et Netanyahu, caractérisée par une progression fulgurante de l’extrême-droite à travers le globe, une fenêtre d’opportunité s’est ouverte aux ambitions israéliennes », ajoute-t-il. Le fait que la conférence « anti-Iran » voulue par les États-Unis se soit déroulée à Varsovie confirme cette tendance.

Seul hic dans ce tableau idyllique, ces pays sont accusés de vouloir minimiser leur rôle durant la Seconde Guerre mondiale ou même de flirter aujourd’hui avec l’antisémitisme. En Pologne, le Parlement amendait en juin 2018 une loi pénalisant « l’attribution à la nation ou à l’État polonais en dépit des faits, de crimes contre l’humanité » dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Le texte fut pensé comme une défense de la Pologne contre des « abus de langage » comme « les camps de la mort polonais ». La Hongrie aussi, avec la campagne organisée contre George Soros, magnat juif abhorré par le président Orban, a récemment connu ses soubresauts antisémites. L’exécutif israélien, pragmatique, reste cependant fidèle à ses alliés de l’Est. Benjamin Netanyahu n’a qu’une priorité : la sécurité de l’État d’Israël. Quel que soit le rapport de ces États à l’antisémitisme, seul semble compter à ses yeux leur adhésion complète à sa politique.

C’est une déconvenue de dernière minute pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Alors que l’État hébreu accueillera, demain et après-demain, des représentants de la Pologne, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie à Jérusalem, à l’occasion du sommet de Visegrad, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki a annoncé hier qu’il ne...

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