Rechercher
Rechercher

Liban - Portrait

Sir Michael Atiyah, génie des mathématiques et défenseur de la paix mondiale, meurt à 89 ans

Le Libano-Britannique se posait en défenseur de la cause palestinienne et critiquait la politique nucléaire des États-Unis et de la Grande-Bretagne.

Capture d’écran d’une interview vidéo du mathématicien libano-britannique Michael Atiyah, sur la plateforme Web of Stories.

C’est un homme hors du commun qu’ont perdu, hier vendredi, le monde scientifique et la diaspora libanaise avec le décès du génie des mathématiques Michael Atiyah. Ce Britannique de père libanais s’est illustré, au cours de ses près de soixante ans de carrière, autant par la découverte d’un théorème à l’origine d’une toute nouvelle discipline mathématique, que par son combat pour la promotion de la paix et contre la prolifération des armes nucléaires.

La famille paternelle de Michael Atiyah, originaire de Beino dans le Akkar, avait fui le joug ottoman au début du XXe siècle pour l’Angleterre, où il naît en 1929. Il passe une bonne partie de son enfance à Khartoum, où son père, Edward, travaillait comme agent de liaison diplomatique entre le gouvernement soudanais et les Britanniques, puis au Caire, où il est scolarisé « toujours avec deux ans d’avance », expliquera-t-il avec modestie, dans une vidéo publiée sur la plateforme Web of Stories. Au cours de son enfance, et jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, le jeune Michael fait de nombreux allers-retours entre l’Angleterre, le Soudan, l’Égypte, la Palestine où vivait sa tante, et le Liban où il rend régulièrement visite à sa famille restée sur place. Il raconte d’ailleurs sur Web of Stories avoir dû « survivre un trimestre » dans une école francophone libanaise pendant la guerre et connu son seul échec scolaire en cours d’arabe, qu’il parle pourtant avec aisance.

Reconnaissances internationales

Rentré en Angleterre à la fin de la guerre, et après deux ans de service militaire, il se lance dans des études de mathématiques à l’Université de Cambridge. Il explique dans une interview au Guardian, en 2004, avoir choisi cette discipline parce qu’il a « une mauvaise mémoire et qu’en mathématiques, il y a peu de faits », contrairement à la médecine, au droit ou à l’histoire. Il obtient son doctorat en 1955, se spécialisant en topologie.

Michael Atiyah arpente tout au long de ses années d’activité les couloirs de nombreuses institutions parmi les meilleures du monde académique, comme Oxford, Cambridge, Princeton aux États-Unis, ou l’Université d’Édimbourg, en Écosse, d’où était originaire sa mère. Mais c’est dès le début de sa carrière, en 1966, qu’il obtient la médaille Fields, considérée comme le Nobel des mathématiques, pour son travail sur la K-théorie, avec son collègue Friedrich Hirzebruch, et pour avoir prouvé, avec l’Américain Isadore Stringer, le « théorème de l’indice ».

En 2004, il remporte le deuxième prix le plus prestigieux des mathématiques, le prix Abel, pour le développement de ce théorème, qui est rapidement devenu une discipline à part entière. Le Libano-Britannique décrira la théorie de l’indice comme « un pont rassemblant toutes les branches des mathématiques et leur myriade d’applications en économie, ingénierie et physique », des découvertes qui motiveront certains de ses contemporains à le comparer à... un certain Isaac Newton.

Visitant régulièrement le Liban tout au long de sa vie, sir Atiyah contribue en 2007 à la fondation, avec une dizaine d’autres prééminents scientifiques d’origine libanaise, de l’Académie des sciences du Liban, une organisation visant à promouvoir et faire évoluer les sciences au niveau national.

Défenseur de la paix

De 1990 à 1995, il préside la Royal Society, la Société royale de Londres pour l’amélioration des connaissances naturelles. Le président actuel de l’institution, Venki Ramakrishnan, décrit dans un hommage le mathématicien comme « une personne merveilleuse, qui a montré, quand il était président de la Royal Society, qu’il était un véritable internationaliste et qu’il soutenait fermement l’investissement dans les jeunes talents ».

Ce côté « internationaliste » de la vie de Michael Atiyah, fait chevalier de l’ordre du Mérite en 1983, s’est particulièrement concrétisé dans ses activités de promotion de la paix et ses prises de position, parfois très tranchées. Il se pose notamment en défenseur de la cause palestinienne et critique de la politique occidentale au Proche-Orient. De 1997 à 2002, il préside le mouvement Pugwash, une organisation récompensée par un prix Nobel en 1995 et rassemblant des scientifiques et érudits qui cherchent à limiter les risques de conflits armés et de trouver des solutions aux menaces contre la sécurité mondiale. Au cours de son mandat, il consacre beaucoup de son temps à désamorcer un éventuel conflit nucléaire entre l’Inde et le Pakistan et à réduire les tensions au Moyen-Orient. Il se montre également très critique des politiques nucléaires de la Grande-Bretagne et des États-Unis. En 2000, lors d’une conférence du mouvement, il s’affirme en défenseur « d’une approche politique, incluant dialogue et aide économique » envers les petits pays possédant l’arme nucléaire, comme la Corée du Nord, la Libye, l’Irak et la Syrie, qui menaçaient alors les États-Unis.

En 2003, il manifeste à Édimbourg contre l’invasion de l’Irak. Dans un interview au Guardian en 2004, il estime que la guerre contre le terrorisme est un véritable cercle vicieux, motivant « autant si pas plus de personnes à devenir des terroristes que ceux qui sont détruits ou arrêtés ». « Tony Blair (qui était alors Premier ministre britannique) se trouve devant un dilemme terrible. George Bush aussi, mais il a des excuses, il est tout bonnement stupide. Tandis que Tony Blair est intelligent, et il est donc beaucoup plus difficile de comprendre ce qui le pousse à prendre de telles positions » concernant la guerre en Irak, affirme alors le Libano-Britannique. Il estime également que la véritable cause de toutes ces questions se situe dans le conflit israélo-palestinien et au niveau de l’impact de l’Occident sur ses anciennes colonies. « Il est terriblement ironique que les juifs, qui ont horriblement souffert pendant la guerre, lors de l’Holocauste, sont maintenant, d’une certaine manière la cause du prochain Holocauste », déclare-t-il dans la même interview, en défense de la cause palestinienne.

C’est un homme hors du commun qu’ont perdu, hier vendredi, le monde scientifique et la diaspora libanaise avec le décès du génie des mathématiques Michael Atiyah. Ce Britannique de père libanais s’est illustré, au cours de ses près de soixante ans de carrière, autant par la découverte d’un théorème à l’origine d’une toute nouvelle discipline mathématique, que par son...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut