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Culture - Théâtre

Les Libanais doivent rire, avant qu’il ne soit trop tard...

Sur les planches du Tournesol, « Ma fina nedfa3, ma rah nedfa3 »*, adaptation d’une œuvre de Dario Fo, est une comédie mordante et engagée qui vacille entre farce burlesque et pièce contemporaine. Une jubilation grinçante.

La troupe de « Ma fina nedfa3, ma rah nedfa3 », compose, sous la direction de Lina Abyad, une belle brochette de personnages loufoques et grinçants.

Honoré du prix Nobel en 1997, Dario Fo, celui que Georg Hensel appelait le « clown politique le plus talentueux d’Europe », était un homme de théâtre que l’on pouvait qualifier de « total » : écrivain, dramaturge, metteur en scène, acteur et théoricien de théâtre. Si Lina Abyad, femme de théâtre engagée et metteure en scène prolifique (plus d’une dizaine de pièces à son actif) a choisi d’adapter sa pièce Faut pas payer en gardant le texte d’origine, c’est d’abord pour ce qu’elle représente comme satire pittoresque et acerbe du monde politique et social conforme à une situation actuelle, ensuite pour son rythme enlevé et explosif, son texte loufoque et particulièrement drôle. Une adaptation audacieusement réussie à laquelle elle ajoute sa touche personnelle, en lui insufflant des couleurs locales. Dario Fo n’avait-il pas dit : « Le rire libère l’homme de la peur. Tout obscurantisme tout système de dictature est fondé sur la peur. Alors rions ! » À l’heure où le Liban va à vau-l’eau, voilà ce qu’il est encore permis de faire. De rire…


Une grossesse en tomates et courgettes
À l’heure où les prix ne cessent de grimper, le peuple est en colère. Dans une banlieue ouvrière où les hommes vont à l’usine malgré eux, laissant les femmes composer avec des frigidaires vides, quelques audacieuses et révoltées envahissent un supermarché, raflent des produits alimentaires sans passer par la caisse. L’ordre et le pouvoir, représentés par un agent sur le point de changer de camp, les poursuivent jusque dans leurs modestes intérieurs. Pour échapper à la perquisition, mais surtout pour éviter d’avouer la vérité à son mari Tony, Antoinette cache les sacs de provisions dans des placards béants et vides, sous le lit et sous le manteau de Rita son amie et voisine venue l’aider, lui donnant ainsi des allures de femme enceinte en tomates courgettes et macaronis, avec risque d’accouchement prématuré. Prêts ? Action !


(Pour mémoire : Dario Fo, la mort d’un anarchiste...)


Qui se cache au fond du placard ?
Au menu : du rythme, de la tension, des performances gymnastiques, de la danse indienne, une macarena inattendue, du comique de situation, mais surtout des acteurs inspirés et efficaces au service d’un dialogue explosif… On ne vexera pas les hommes – qui offrent néanmoins une palette de moments irrésistibles et mémorables – en disant que les femmes sont à l’honneur. Darine Chams el-Din réalise une performance tout en couleur, dans un rôle à la mesure de son talent, passant haut la main le test de bouffonnerie gratuite, sans jamais sombrer dans le ridicule ou la démesure. Elle se surpasse en diatribes et monologues à l’égyptienne, dans une belle maîtrise de jeu. Entre elle et Hibba Sleiman, la magie opère. Celle-ci, par ses répliques désopilantes, à la fois incrédules et naïves, manque au spectateur à chaque sortie de scène. Surprenante de naturel et de spontanéité, sa prestation est tout en justesse et jamais forcée. Les quiproquos qui se succèdent selon un principe d’enchaînement par l’absurde, qui rappelle l’art de Feydeau, sont servis par Sami Abdel Baqui, Hicham Khaddage et Raffi Feghali qui affichent une fantaisie débridée, une aisance énergique et une sacrée vitalité.

La pièce est truffée de perles serties de mots drôles. La scénographie est minimaliste et change selon les scènes exposées. Il peut s’agir d’un appartement, ou d’une rue devant un immeuble et même d’un placard qui s’ouvre et se referme sans arrêt sur plus d’un macchabée. Mais il y a juste le nécessaire pour que le jeu des acteurs prévaut, et pour que prime surtout le symbolique sur le réalisme.

Hormis le fait d’être une comédie fort sympathique, Ma fina nedfa3, ma rah nedfa3 est une plongée bien menée dans la société d’aujourd’hui, servie par un texte qui fustige les institutions, le pouvoir en place et les classes dirigeantes. Une pièce qui en met plein la vue, avec musiques et éclairages de qualité. Un théâtre qui fait planer un nuage d’humour sur un public dont même les détracteurs se trouveront déridés.


*Théâtre Tournesol

Rond-point Tayyouneh.

Ma fina nedfa3, ma rah nedfa3

Mise en scène et adaptation : Lina Abyad

Production : 62 Events

En collaboration avec l’Institut culturel italien

Du jeudi 17 au dimanche 20 janvier, puis du jeudi 24 au dimanche 27 janvier, à 20h30. Billets chez Antoine Ticketing.

Honoré du prix Nobel en 1997, Dario Fo, celui que Georg Hensel appelait le « clown politique le plus talentueux d’Europe », était un homme de théâtre que l’on pouvait qualifier de « total » : écrivain, dramaturge, metteur en scène, acteur et théoricien de théâtre. Si Lina Abyad, femme de théâtre engagée et metteure en scène prolifique (plus d’une...

commentaires (1)

MOI JE DIS QU,ILS DOIVENT PLEURER, SE PLAINDRE, S,EXHIBER ET NE PLUS SE TAIRE !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 29, le 14 janvier 2019

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Commentaires (1)

  • MOI JE DIS QU,ILS DOIVENT PLEURER, SE PLAINDRE, S,EXHIBER ET NE PLUS SE TAIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 29, le 14 janvier 2019

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