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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Pourquoi, huit mois après les élections, le gouvernement irakien est toujours incomplet

Le secrétaire d’État américain a atterri à Bagdad dans un contexte particulier.


Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, s’entretenant avec le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi à Bagdad, le 9 janvier 2019. Andrew Caballero-Reynolds/AFP/POOL

C’est dans un Irak dont le gouvernement est toujours incomplet que le secrétaire d’État américain Mike Pompeo s’est rendu hier, deux semaines après une visite surprise du président américain Donald Trump dans le pays. M. Pompeo a assuré à son homologue irakien, ainsi qu’au Premier ministre Adel Abdel Mahdi et au président du Parlement, Mohammad al-Halboussi, « le soutien des États-Unis aux efforts du nouveau gouvernement pour assurer la stabilité, la sécurité et la prospérité à tous les Irakiens », alors que six ministères sur vingt-deux attendent toujours un titulaire, dont ceux de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice.

Cinq mois après les élections législatives, la nomination de Adel Abdel Mahdi, 76 ans et vétéran de la politique irakienne, avait été accueillie positivement à la fois par Washington et Téhéran, les deux puissances étrangères ayant un poids considérable à Bagdad. Depuis sa prise de fonctions, le Premier ministre a favorisé une approche conciliatrice dans un pays rongé par les factions, en défendant en premier lieu l’unité et la souveraineté du peuple irakien, marqué par des années de guerres civiles. Le Premier ministre a tenu, pour la première fois depuis 2003, une réunion de cabinet à l’extérieur de la zone verte du centre de Bagdad, une zone inaccessible pour la majorité des Irakiens, dans l’objectif de réconcilier la population avec ses représentants politiques.

Mais malgré toute sa bonne volonté, M. Abdel Mahdi n’arrive toujours pas à compléter son gouvernement. Huit mois après les élections législatives et trois mois après sa nomination, la réalité qui s’est imposée semble être celle d’un Premier ministre à la merci des forces politiques. « Il est important de rappeler que le Premier ministre est un dirigeant indépendant, sans coalition majoritaire pour le soutenir au Parlement », note Abbas Kadhim, directeur du programme Irak à l’Atlantic Council à Washington, interrogé par L’Orient-Le Jour. Le Parlement irakien est en effet divisé en deux blocs de forces presque égales, dans un hémicycle de 329 députés, défendant deux lignes politiques différentes. Ils sont tous deux dominés par des forces politiques chiites, entièrement pro-iranienne pour l’un, et naviguant entre Washington et Téhéran pour l’autre.


(Lire aussi : Trump envoie un double message depuis l’Irak)

Deux blocs alter-ego

Dans un article intitulé « Stalled government formation shows that parties still outweigh a weak PM in Irak » (Le blocage de la formation du gouvernement montre que les partis l’emportent encore une fois sur un Premier ministre irakien faible), publié le 6 décembre dernier sur le site du

World Politics Review, Renad Mansour, spécialiste de l’Irak au Chatham House de Londres, présente les deux blocs politiques. Il note que le premier, Banaa, est conduit par le leader de l’alliance du Fateh, Hadi el-Ameri, qui dirige l’organisation Badr et qui est l’ancien chef des forces de la Mobilisation populaire, un groupe paramilitaire composé d’une soixantaine de milices armées qui ont participé à la lutte contre l’EI. Le bloc comprend également la Coalition de l’État de droit dirigée par l’ancien Premier ministre Nouri el-Maliki, la formation Sadiqoon de Qaïs al-Khazaali « et d’autres dirigeants islamistes chiites considérés de droite, qui entretiennent des relations étroites avec l’Iran ». Ce groupe comprend également des sunnites, « représentés principalement par Khamees al-Khanjar et l’Alliance de l’axe national, il collabore avec le Parti démocratique du Kurdistan, ou PDK, bien qu’ils n’aient pas d’accord de coalition formel ».

Le second bloc, Islah, « est dirigé par le leader du mouvement Sairoon, Moqtada el-Sadr, et comprend le mouvement Hikmeh de Ammar al-Hakim et la coalition Nasr de l’ex-Premier ministre Haider al-Abadi. De même, les sunnites représentés principalement dans la coalition Wataniya d’Iyad Allaoui sont également représentés. « Sur certains votes, ce bloc a obtenu le soutien de l’Union patriotique du Kurdistan, ou UPK, le rival du PDK dans la politique kurde », note M. Mansour. « Le blocage au niveau du partage des portefeuilles ministériels est lié à la répartition du pouvoir et à l’accès aux ressources financières du gouvernement et non à la recherche d’un candidat efficace et qualifié », résume le Pr Kadhim, qui précise que « la majeure partie du conflit porte sur trois ministères : la Défense, l’Intérieur et la Justice ». Ces ministères sont respectivement attribués aux sunnites, aux chiites et aux Kurdes. Concernant le premier, « les sunnites n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un candidat. Leur dernier choix a été rejeté car il était proche du cercle restreint de Saddam Hussein. Pour le second, la coalition Banaa insiste pour qu’il soit attribué à Faleh al-Fayad, mais ce dernier est fortement rejeté par Islah, car il a fait défection des rangs de M. Abadi au profit du Fateh de M. Ameri. S’agissant du troisième portefeuille, celui de la Justice, « chacun des deux principaux partis kurdes, l’UPK et le PDK, affirment qu’il devrait faire partie de leur quote-part », note M. Kadhim, qui rappelle qu’il y a « aussi le cas du Dr Shayma al-Hayali, qui a été confirmé au portefeuille de l’Éducation, mais ne peut toujours pas prêter serment en raison des allégations selon lesquelles son frère serait un responsable de l’EI et que deux de ses neveux ont commis des attentats-suicides ».

Urgence de la situation

Un gouvernement efficace et au complet est d’autant plus urgent que les défis auxquels il sera confronté sont immenses. La reconstruction de l’Irak post-EI, la gestion des milices et des territoires kurdes, et la lutte contre la corruption et la déliquescence des services de l’État sont autant de défis à relever au plus vite, dans un contexte délicat où l’EI reste menaçant et où l’Irak doit rester à l’écart du conflit opposant ses deux parrains, Washington et Téhéran. Alors que Mike Pompeo était reçu par le président Barham Saleh, ce dernier a estimé que l’Irak avait « besoin du soutien américain » car « l’EI est défait militairement mais la mission n’est pas accomplie ». « D’un côté, l’Irak a une frontière de 1 400 km avec l’Iran et un partenariat commercial dépassant 12 milliards de dollars, et dépend de Téhéran pour ses approvisionnements en énergie, ses importations de produits alimentaires et de nombreuses autres de nécessité, et aucune alternative immédiate n’est disponible. Mais d’un autre côté, l’Irak a besoin des États-Unis pour assurer la sécurité, la formation et l’équipement militaire, ainsi que pour obtenir l’appui international », conclut M. Kadhim.


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LE MEME ABRUTISSEMENT QUE CHEZ NOUS... MAIS A UNE DOSE MOINDRE... FRAPPE EN IRAK !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 16, le 10 janvier 2019

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Commentaires (1)

  • LE MEME ABRUTISSEMENT QUE CHEZ NOUS... MAIS A UNE DOSE MOINDRE... FRAPPE EN IRAK !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 16, le 10 janvier 2019

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