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Économie

Paiements extérieurs : besoin de précaution et de solutions

Photo : D.RE.

L’Administration centrale de la statistique (ACS) a récemment publié ses estimations pour les comptes nationaux de 2017. En les analysant, il convient de mettre en exergue trois agrégats. Premièrement, la croissance économique a été faible en n’atteignant que 0,6 %, contre 1, 6% en 2016. Ainsi, le PIB nominal était de 53,4 milliards de dollars en 2017, contre 51 milliards un an plus tôt. Cette faible croissance n’a rien de nouveau, puisque le taux de croissance annuelle moyen de 2011 à 2017 n’a pas dépassé 1,5 %. Deuxièmement, l’ACS confirme que le revenu national brut (RNB) est équivalent au PIB en 2017.

En d’autres termes, le solde entre les flux des revenus envoyés par les sociétés libanaises opérant à l’étranger et les revenus des sociétés étrangères opérant au Liban et transférés à l’étranger n’ajoute rien au PIB. En revanche, le solde entre les transferts de fonds des Libanais travaillant à l’étranger et ceux des travailleurs étrangers au Liban vers leurs pays est positif et affiche un excédent estimé par l’ACS à 1,2 milliard de dollars pour 2017, contre 2,45 milliards en 2016. Ainsi, le revenu national brut disponible (GNDI, en anglais) pour la consommation et l’épargne est de 54,6 milliards de dollars.

Il convient de noter que la baisse des remises des travailleurs libanais à l’étranger est le troisième fait relaté par l’ACS. Sur les plans économique et social, cela signifie que la tendance croissante à remplacer la main-d’œuvre libanaise qualifiée par une main-d’œuvre étrangère non qualifiée aurait atteint ses limites. Le Liban ne pourra plus poursuivre une telle équation puisqu’il est à un stade d’équilibre démographique, et ce faisant, le taux de natalité couvre à peine le taux de mortalité. En conséquence, la capacité à « exporter » de la main-d’œuvre libanaise en contrepartie d’envois de fonds vers le pays diminue chaque année et aurait peut-être atteint, à son tour, ses limites. En outre, la situation politique actuelle, le ralentissement de la croissance, le volume de gaspillage et de corruption font que les résidents du Liban sont désespérés quant à toute possibilité de réformes et de changements, alors comment les non-résidents peuvent-ils ne pas désespérer ?

Ces trois développements identifiés par l’ACS indiquent que les soldes de la balance des transactions courantes et la balance financière du Liban se détérioreront davantage dans les années à venir, et impliqueront des répercussions douloureuses pour l’économie et la société. La plupart des récents rapports internationaux, sur lesquels nous reviendrons, font ces constats délicats. Mais au lieu que ceux qui détiennent le pouvoir décisionnel de l’État ne concentrent leurs efforts et n’exercent leur autorité pour réformer, ils perdent leur temps et leur potentiel dans des conflits futiles, tandis que le confessionnalisme neutralise tout mécanisme de contrôle effectif ou de responsabilisation.

Outre la faiblesse de la croissance économique, les rapports internationaux sur le Liban mettent l’accent sur le déficit extérieur qui est dans le cas du Liban très négatif ! Pour les dix premiers mois de 2018, il a dépassé les 3 milliards de dollars !

Les rapports de la Banque mondiale, de Goldman Sachs et de Moody’s (consacrés au Liban) se sont tous d’ailleurs arrêtés sur ce déficit extérieur, c.à.d. courant. La Banque mondiale, citant le FMI, a estimé ce déficit à 12,4 milliards de dollars, soit 23,4 % du PIB, lui-même estimé à 53,4 milliards.

Si nous tenions compte de la valeur des omissions et des erreurs, estimée par le FMI à 3,3 milliards de dollars pour 2017, et que nous considérions comme des revenus entrant dans le pays sans que leur nature ne soit précisée, le déficit courant serait alors de 9 milliards de dollars, soit 16,7 % du PIB. Ce pourcentage demeure néanmoins très élevé par rapport aux normes internationales. Ces estimations très différentes d’une source à l’autre sont liées à l’état des statistiques au Liban. Nous devons toutes, banques, Banque du Liban et ACS, redoubler d’efforts pour rendre les statistiques encore plus fiables et plus détaillées.

Le rapport de Goldman Sachs du 3 décembre 2018, intitulé « Jusqu’à quand le Liban pourra-t-il financer ses déficits ? » et faisant référence aux déficits jumeaux (intérieur et extérieur), estime que le pays aura de grandes difficultés à trouver des financements à l’avenir, particulièrement pour le déficit extérieur. Car ce dernier est énorme et nécessite 3 à 4 milliards de dollars par an pour le couvrir, ce qui fait qu’il risquerait d’absorber les réserves en devises étrangères du pays. Le rapport attribue cette difficulté au rythme soutenu des dépenses publiques exagérées et au déficit public qui atteindrait 9 à 10 % du PIB, au moment où les dépôts bancaires n’augmentent que de 3 % ; leur croissance ne serait pas suffisante dans les années à venir pour subvenir aux besoins financiers de l’État libanais, et encore moins pour répondre aux besoins de financement du secteur privé !

Quant au rapport de Moody’s, publié le 13 décembre, il a maintenu une évaluation du risque du Liban à B3 et ajusté les perspectives de stables à négatives. Moody’s a attribué cela à l’absence d’accord pour former un gouvernement, dont résulterait que le programme de réformes engagé lors de la Conférence de Paris (CEDRE) ne serait pas mis en œuvre. Une telle situation priverait le pays de financement des projets d’infrastructures qui, dans leur situation actuelle, constituent un obstacle aux investissements privés. La croissance économique resterait ainsi faible et insuffisante, alors que le coût de l’endettement public augmenterait avec la montée des risques, notamment géopolitiques. Tout ceci, selon Moody’s, conduirait à une réduction de la capacité des autorités à contrôler le déséquilibre croissant des déficits budgétaire et extérieur.

Une solution est toujours possible malgré les conditions complexes du pays, et les risques d’une détérioration demeurent si des solutions ne seront pas mises en œuvre ou échoueront.

Afin de remédier au déficit extérieur, il convient de réduire la consommation de biens importés, notamment en contrôlant et en rationalisant les importations. Plusieurs dossiers ont été récemment soumis à l’étude, notamment pour l’importation de médicaments, de carburant, de véhicules et de matériel de construction (bois, fer, aluminium, etc.). Faire l’économie de ces importations est du ressort des autorités ; les Libanais seront plutôt compréhensifs au vu des dangers liés à cet énorme volume de marchandises importées. Le ministre de la Santé nous a par exemple informés de la disponibilité de génériques pour un grand nombre de médicaments essentiels. De même, le parc des immeubles et des appartements, résidentiels et commerciaux, non loués et invendus, rendrait logique la réduction des importations de biens liés aux activités de construction. Reste la facture des hydrocarbures d’environ 4 milliards de dollars (pour l’électricité et d’autres utilisations, notamment les voitures à essence). La solution serait de rationner la consommation des carburants !

Le sacrifice temporaire sera acceptable pour les gens afin de maintenir la stabilité financière, jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur un ensemble de politiques et de mesures adéquates. L’insinuation ou la menace implicite ou explicite d’une annulation de dette publique, ou d’autres politiques étrangères à la culture et à l’histoire libanaises, mèneraient le pays vers un effondrement sans précédent. Cela pourrait affecter très gravement les économies et la richesse des Libanais pour de nombreuses décennies à venir.

La stabilisation du taux de change de la livre pendant plus de deux décennies et demie a conféré aux Libanais un pouvoir d’achat réel important qui a permis un volume d’importation non justifié. Si nous voulons maintenir la stabilité monétaire, il est nécessaire, voire urgent, de réduire la facture d’importation ! Avant la guerre libanaise, nous couvrions 50 à 70 % de nos importations par des exportations !

Aujourd’hui, nous n’en couvrons que 14,5%. Les ingénieries financières pour attirer des devises ne seront plus suffisantes. Il serait indispensable de procéder à une correction de l’économie réelle – de ce que nous produisons et de ce que nous consommons. Espérons que le nouveau gouvernement oserait donc adopter des politiques à la mesure des risques et des défis auxquels nous faisons face !

*Contenu produit par Makram Sader, secrétaire général de l’Association des banques du Liban (ABL).

L’Administration centrale de la statistique (ACS) a récemment publié ses estimations pour les comptes nationaux de 2017. En les analysant, il convient de mettre en exergue trois agrégats. Premièrement, la croissance économique a été faible en n’atteignant que 0,6 %, contre 1, 6% en 2016. Ainsi, le PIB nominal était de 53,4 milliards de dollars en 2017, contre 51 milliards un an...

commentaires (2)

Traduction en termes simples: espèces de politiciens, trêves de plaisanteries et de comédies et laissez le Liban et les Libanais sauver le pays d'une catastrophe imminente. Catastrophe que vous avez conçue, établie et exécuté aux dépends des intérêts du pays. Classe politique? Non! Honte Publique!

Wlek Sanferlou

20 h 17, le 27 décembre 2018

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Commentaires (2)

  • Traduction en termes simples: espèces de politiciens, trêves de plaisanteries et de comédies et laissez le Liban et les Libanais sauver le pays d'une catastrophe imminente. Catastrophe que vous avez conçue, établie et exécuté aux dépends des intérêts du pays. Classe politique? Non! Honte Publique!

    Wlek Sanferlou

    20 h 17, le 27 décembre 2018

  • Article alarmant au delà du nécessaire. La capacité de l'économie privée libanaise, et des personnes aisées vivantes au Liban, à offrir du travail est phénoménale. L'ennui est que les libanais ne veulent pas faire n'importe quel travail et les étrangers transfèrent le produit de leurs activités à l'étranger. La moindre restriction au niveau des importations pourrait engendrer une panique. La France accueille chaque année des touristes autant que le nombre de ses habitants et un plus plus, 70 millions de touristes. Ok, nous n'avons pas une tour Eiffel ni un Mont Saint-Michel, mais nous ne manquons pas de trésors archéologique. Si on construit les infrastructures nécessaires nous pourrions accueillir le tourisme de masse et l'économie repartira de plus belle.

    Shou fi

    19 h 34, le 27 décembre 2018

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