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Culture - Événement

Ashkal Alwan : l’art au temps d’un Beyrouth maudit

Pour marquer les 25 ans de sa création, l’Association libanaise pour les arts plastiques dévoile aujourd’hui une exposition inédite d’une quarantaine d’artistes. « L’OLJ » revient sur le parcours d’un des acteurs-clés de la sphère publique beyrouthine d’après-guerre.

L’espace occupé par Ashkal Alwan. Photo fournie par Ashkal Alwan

Pour fêter ses 25 ans, Ashkal Alwan dévoile aujourd’hui au public 39 œuvres d’une multitude d’artistes ayant fait partie de son engagement culturel multidisciplinaire né des décombres du Beyrouth d’après-guerre. C’est dans son espace-laboratoire de tous les possibles, dans la cité industrielle de Jisr el-Wati, que la plate-forme a choisi de célébrer ce passage à l’âge adulte où les derniers soubresauts d’une jeunesse insouciante ne sont plus d’actualité. Les artistes qui prennent part à cette exposition, qui se prolongera deux mois durant, ont choisi d’offrir leur travail à Ashkal Alwan ; une manière de montrer leur reconnaissance à cette plate-forme qui les as propulsés, formés ou simplement accompagnés durant de longues années de résistance culturelle. Les artistes mis à l’honneur « ont démarré leur carrière avec Ashkal Alwan, collaboré à ses manifestations culturelles ou encore ils ont accompagné d’une manière ou d’une autre notre parcours », précise Christine Tohmé, cofondatrice et maître à penser de cette association.

Les 39 pièces d’art seront proposées lors d’une vente aux enchères privée qui aura lieu dans quelques jours. Si la démarche peut sembler, en apparence du moins, contraire aux principes de Ashkal Alwan, qui a toujours tenu à proposer gratuitement l’accès à ses différentes manifestations culturelles, c’est qu’il faut aujourd’hui se rendre à l’évidence, déplore Edwin Nasr, responsable de communication de la plate-forme. « Les fonds sont de plus en plus difficiles à obtenir, notamment depuis que Beyrouth a cessé d’être le sujet prisé des ONG et autres bailleurs de fonds », explique-t-il, en précisant toutefois que Ashkal Alwan s’est toujours tenue à distance des moyens de financement qui avaient un certain agenda politique ou autre à mettre en avant. Pourtant, si les mécènes et autres âmes pseudobienveillantes boudent Beyrouth, ils n’auront pas raison, du moins pas dans un futur proche, de son infatigable échange d’idées, de dialogues et de productions artistiques issus d’un contexte en perpétuel changement. En attestent les différentes expériences artistiques qui ont lieu en ce moment même aux quatre coins de la capitale. Le parti pris d’Ashkal Alwan, c’est d’avoir poussé le dialogue et l’échange d’idées à l’heure où Beyrouth ne savait pas où donner de la tête pour panser ses blessures.


(Lire aussi : Christine Tohmé, récipiendaire triplement heureuse d’un prix « humain et humaniste »)


Retour en arrière

Le début des années 90 rimera toujours avec cette vision apocalyptique d’une ville où tout était à réinventer. Des services urbains aux liens communautaires en passant par une identité citoyenne et le devoir de réinvestir la sphère publique, le chantier jamais achevé était de taille. C’est dans ce contexte délétère que Christine Tohmé, Marwan Rechmaoui, Rania Tabbara, Mustapha Yamout et Leila Mroueh prennent le pari de créer Ashkal Alwan (littéralement des formes et des couleurs), une plate-forme autocritique aux contours fluides qui réunit des artistes d’horizons multiples, des chercheurs, des professeurs… En résumé des personnes qui croient au pouvoir de la reconstruction par l’art, de la résistance par une production culturelle alternative, de la survie par l’échange d’idées. Une célébration de l’humain dans toute sa complexité, surtout. Le Forum Home Works, sans doute l’événement annuel le plus connu de Ashkal Alwan, a réussi à travers ses différentes éditions à former des réseaux au-delà des frontières libanaises avec des artistes et des institutions dont la vision est ancrée dans cette même volonté de promouvoir des productions artistiques portées par des contextes urbains particuliers. Beyrouth, mais aussi Ramallah, Le Caire, Charjah ou Bagdad où des artistes, des défendeurs de l’environnement et des étudiants pensent la production artistique en relation avec leurs contextes économiques, politiques et sociaux.

Force est de constater que 350 artistes émergents ont pu profiter du programme Home Workspace qui soutient les nouveaux talents.


Quelle continuité à l’heure du numérique ?

Désormais, Ashkal Alwan met en ligne ses archives audiovisuelles amassées durant des années, et qui jusque-là étaient réservées aux personnes qui visitaient la bibliothèque de l’association. « Nous avons déjà commencé à envisager les manières d’intégrer l’espace numérique », explique Edwin Nasr, qui indique que mettre les archives à la disposition du public s’inscrit dans cette ligne de pensée. Pour le responsable, une forme plus nomade d’Ashkal Alwan est envisageable dans le futur. Et Christine Tohmé de conclure : « Avec la fermeture de plusieurs institutions à vocation culturelle, je ne voudrais pas que Ashkal Alwan soit la seule plate-forme sûre qui résiste à la conjoncture régionale. » Pour le moment, la persévérance des plus téméraires devrait garantir la continuité d’une scène artistique alternative pour quelques années encore, au moins.

Les artistes exposants

Basel Abbas et Ruanne Abou-Rahme, Lawrence Abu Hamdan, Etel Adnan, Haig Aivazian, Monira al-Qadiri, Tamara al-Samerraei, Mounira al-Solh, Doa Aly, Ahmad Badry, Tony Chakar, Ali Cherri, Mandy el-Sayegh, İnci Eviner, Daniele Genadry, Ahmad Ghossein, Saba Innab, Iman Issa, Lamia Joreige, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Samir Khaddaje, Mahmoud Khaled, Maha Maamoun, Rabih Mroué, Oscar Murillo, Joe Namy, Christodoulos Panayiotou, Walid Raad, Khalil Rabah, Raqs Media Collective, Marwan Rechmaoui, Stéphanie Saadé, Walid Sadek, Roy Samaha, Setareh Shahbazi, Rania Stephan, Rayyane Tabet, Raed Yassin, Ala Younis et Akram Zaatari.


Pour mémoire

La Libanaise Christine Tohmé aux manettes de la 13e édition de la Biennale de Sharjah

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