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Nos Lecteurs ont la Parole - par Nicolas SBEIH

Tourniquet des « réalisations »

L’un des termes les plus serinés dans le jargon politique libanais est « réalisations » – traduction de l’original injazate. On verse la sauce injazate sur tout plat insipide qu’un des responsables à la Bocuse se vante d’avoir concocté après des efforts surhumains.

En guise d’exemples, les loyalistes ressassent jusqu’à la nausée les « réalisations » de ces deux dernières années, dont les plus fréquemment citées en économie : deux budgets de l’État (les premiers depuis 2005), avec en corollaire l’imminente clôture des comptes budgétaires des années passées, l’adoption de l’échelle des salaires des fonctionnaires, le lancement du projet d’exploration pétrolière, etc.

Mais regardons de plus près. Peut-on imaginer un exercice plus basique que l’élaboration d’un budget annuel? Même les pays avec un taux d’illettrisme de 120 pour cent y arrivent. Tous les ans. Idem pour les plus corrompus si c’est ça ce qui les motive. Ce n’est donc pas parce qu’ils ont raté leur certificat d’études primaires 12 fois de suite qu’on va leur décerner la palme d’or quand ils le passent avec rachat.

Pour le corollaire de la clôture des comptes, un autre exercice de routine, c’est encore mieux. Pour la énième fois, on annonce en grande pompe que « ça y est, cette fois on va y arriver, promis, juré ». Mais un ministère des Finances qui n’a manifestement pas les moyens, ou les ressources humaines, pour réussir cet exercice de logarithme népérien aurait pu faire appel tout simplement à KPMG, PwC ou au comptable du coin.

Pour l’échelle des salaires, on en paie encore le prix : déficit étatique boursouflé, impôts plus lourds, prix en hausse, écoles privées dans l’impasse, prêts-logement interrompus… Tout cela pour engraisser des fonctionnaires dont la moitié sont des gratte-papiers superflus. Difficile de faire pire comme réalisation.

Enfin, l’affaire du pétrole. On annonce une préqualification des sociétés intéressées en 2013, et plus de 50 y participent. On leur lance alors un pied de nez, on les laisse poireauter au soleil sur les plages de Jiyeh pendant quatre ans, le ministre bloque leurs numéros sur son mobile. Puis tout se débloque en 2017-2018, et on décerne un contrat d’exploration à un consortium. « Le résultat est bon, dit alors en substance le très sérieux ministre, mais il aurait été meilleur si on l’avait fait il y a quatre ans car le marché mondial était meilleur. » Il vient de donner une quatrième dimension au terme réalisation.


L’un des termes les plus serinés dans le jargon politique libanais est « réalisations » – traduction de l’original injazate. On verse la sauce injazate sur tout plat insipide qu’un des responsables à la Bocuse se vante d’avoir concocté après des efforts surhumains. En guise d’exemples, les loyalistes ressassent jusqu’à la nausée les « réalisations »...

commentaires (1)

Excellent article surtout la référence à la réussite au certificat après 12ans d'essai... De plus on aurait bien pu se passer de bien de ces injazats impromptus tel que la sélslé aux résultats loufoques, ou la loi électorale mal comprise par ses inventeurs même... Improvisation continue... welcome à l'absurde en attendant Godot???!!

Wlek Sanferlou

03 h 48, le 18 novembre 2018

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Commentaires (1)

  • Excellent article surtout la référence à la réussite au certificat après 12ans d'essai... De plus on aurait bien pu se passer de bien de ces injazats impromptus tel que la sélslé aux résultats loufoques, ou la loi électorale mal comprise par ses inventeurs même... Improvisation continue... welcome à l'absurde en attendant Godot???!!

    Wlek Sanferlou

    03 h 48, le 18 novembre 2018

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