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Moyen Orient et Monde - Conférence de Palerme

L’Italie a du mal à reprendre l’initiative en Libye

Le maréchal Haftar lors de sa visite à Paris en mai 2018. Philippe Wojazer/File Photo/Reuters

Annoncée il y a quelques mois par le gouvernement italien, la conférence de Palerme « pour la Libye et non sur la Libye », comme l’a définie le Premier ministre Giuseppe Conte, aura lieu entre le 12 et le 13 novembre 2018. Une conférence parrainée par Emmanuel Macron, qui avait réuni les dirigeants libyens à Paris le 29 mai, n’avait pas abouti à une résolution écrite et la proposition de la France pour la tenue d’élections le 10 décembre 2018 avait été retoquée par les Nations unies.

Minée par les divisions, la Libye est dirigée par deux gouvernements rivaux : d’un côté le gouvernement d’union nationale (GNA) présidé par Fayez el-Sarraj et basé à Tripoli – qui contrôle l’Ouest – et de l’autre un gouvernement basé dans l’Est, soutenu par le maréchal Khalifa Haftar, à la tête d’une puissante force armée, et un Parlement élu.

En convoquant cette conférence, l’Italie veut réaffirmer son leadership sur un pays dont la stabilité est primordiale pour ses intérêts économiques et politiques.

Alors qu’en septembre Arturo Varvelli, expert des relations entre l’Italie et la Libye au sein de l’ISPI (Centre pour les études de politique internationale) contacté alors par L’Orient-Le Jour, définissait la conférence de Palerme comme plus « inclusive » au vu de la tentative d’impliquer les représentants de certaines milices, les attentes de Rome semblent plutôt déçues à ce jour. « Les invités sont nombreux, cela étant dit, et il est difficile de savoir qui prendra vraiment partie à la conférence », explique à L’OLJ Alberto Negri, journaliste et membre de l’ISPI. Le général Haftar qui avait d’abord confirmé le 28 octobre, lors d’une rencontre avec M. Conte, sa participation semble avoir démenti quelques jours plus tard. De sa présence, dont dépend en fin de compte la réussite de la conférence, dépend également celle d’autres acteurs comme Emmanuel Macron, qui a fait comprendre qu’il ne se rendra pas à Palerme, ou d’Angela Merkel qui a également récemment annulé sa participation. Les États-Unis devraient envoyer le secrétaire d’État Mike Pompeo, alors que M. Conte avait exprimé son souhait de voir Donald Trump assis à la table des négociations. De même, Vladimir Poutine ne se rendra pas à Palerme, mais le Premier ministre russe Dmitri Medvedev devrait être présent. Khaled el-Michri, président du Haut Conseil d’État en Libye, ainsi que le diplomate Béchir Saleh ont confirmé leur présence, mais cela ne garantit pas celle des milices armées. Alberto Negri explique que « très souvent on a convoqué des représentants de la société libyenne qui ne possédaient pas de pouvoir réel, détenu au contraire par les milices armées. Cette fois-ci il me semble aussi que l’un des problèmes est la transformation des milices armées en sujets politiques, car personne au sein de la communauté internationale ne veut avoir la responsabilité de leur attribuer une représentation politique ». Il estime en outre que même si le général Haftar devait se rendre à Palerme, « aucun des deux acteurs principaux, ni Haftar ni Fayez el-Sarraj, ne peuvent être considérés comme fiables pour garantir l’ordre sur tout le territoire national ».


(Lire aussi : Ils se retrouvent lundi à Palerme : qui sont les principaux acteurs du chaos libyen)


Message flou

Le message porté par la conférence étant également flou jusqu’aux derniers jours, le 8 novembre, l’émissaire de l’ONU pour la Libye, le Libanais Ghassan Salamé a présenté au Conseil de sécurité un agenda incluant des réformes économiques pour mettre fin aux privilèges des groupes armés, la création de forces de police régulières et la tenue d’une conférence nationale au début de 2019 dans le but d’entamer le processus électoral au printemps. Les mesures présentées par M. Salamé étant les mêmes qui seront discutées à Palerme, cela prive en partie les acteurs libyens de la liberté de proposer leur propre agenda, explique à L’OLJ Karim Mezran, professeur à la Johns Hopkins University. « Si la conférence sera purement une consécration de la feuille de route de Salamé, je ne vois plus son sens », précise-t-il.

Selon Alberto Negri, il aurait également fallu organiser avant celle de Palerme « une conférence de clarification entre la France et l’Italie ». En effet, le journaliste qualifie l’attitude française à l’égard de l’Italie de « provocatrice », étant donné qu’elle « a convoqué au Conseil de sécurité de l’ONU des représentants de Misrata, ville où il y a une forte présence militaire italienne et qui est souvent encline à avoir de bonnes relations avec le gouvernement italien ». La France souhaite donc élargir sa sphère d’influence à la région de Tripoli, sous contrôle italien et international, et ne semble pas accepter un rôle de second plan dans un pays dont le contrôle lui permettrait d’élargir son influence au Maghreb. En effet, derrière le soutien français à l’ONU, explique Karim Mezran, « les déclarations contradictoires de Haftar quant à sa participation démontrent la tentative de la France de faire échouer la conférence et d’imposer à la communauté internationale la tenue proche d’élections, et donc la victoire de Haftar ». De même, « les États-Unis ne s’intéressent pas beaucoup à ce qui se passe en Libye, mais plutôt à l’influence des autres pays, notamment la Russie. De son côté, Moscou souhaite élargir son influence militaire notamment en Cyrénaïque et peut-être construire une base militaire à l’instar de l’accord militaire conclu avec Abdel Fattah al-Sissi en Égypte », poursuit Alberto Negri.

Au vu de ces prémisses, la conférence de Palerme semble s’éloigner à ce jour de ses intentions initiales. Mais rien n’est encore sûr et, comme le dit Karim Mezran : « Même si le gouvernement italien a pris un grand risque, si les circonstances le permettent, il se peut que la conférence se transforme en une grande fête. »



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