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Scan TV - SCAN TV

Divorce à la libanaise

Rita Choucair et son petit, partageant un moment de bonheur le temps d’un selfie.

Au Liban, ce ne sont pas uniquement les deux conjoints qui divorcent, mais également leurs deux familles, les avocats, les voisins, l’épicier du coin, les institutrices de l’école, les amis et... les médias à scandale. Si le mariage se défait, par miracle, à l’amiable, il se trouvera toujours quelques-uns dans l’entourage du couple pour contester et demander que justice soit faite, en rejetant en bloc toutes les négociations entamées par le couple déjà meurtri par la rupture et parfois pressé d’en finir avec ce mélo quotidien. Et quand l’affaire atteint les feux de la rampe, certains journalistes ne se privent pas d’y rajouter leur grain de sel.

Une récente émission sur une chaîne de télé libanaise, dans laquelle on avait invité Rita Choucair, jeune maman mariée à 19 ans et contre laquelle le tribunal jaafarite (chiite) a prononcé une peine d’emprisonnement pour avoir refusé de remettre son fils à son ex-mari suite aux crises de nerfs secouant le petit à l’idée de se séparer de sa mère en est un parfait exemple. Les interventions acerbes, archaïques et machistes, du journaliste animateur face à la jeune femme n’ont pas connu de limites, montrant à quel point la société libanaise reste dominée non seulement par la suprématie patriarcale, mais aussi par l’intolérance et la misogynie. Et les remarques de l’avocat invité, visiblement dépourvu de toute empathie, concernant la supériorité du père à la mère, en se référant au nom de famille porté par le petit garçon, renforçaient encore cette image oppressante.

Pour de nombreux Libanais plus ou moins instruits, ce genre d’émissions est l’occasion de tirer la sonnette d’alarme quant à la nécessité et même l’urgence de reformer le système légal ancestral toujours en vigueur dans les tribunaux religieux au Liban. Une bonne partie de la société réclame d’ailleurs depuis très longtemps une réforme au niveau du statut personnel, dans le sens d’une unification des textes, d’une laïcisation et d’une adaptation à l’évolution des mœurs. Et il faut aussi empêcher que certaines personnes ou instances, partageant la même vision que celle du journaliste animateur en question, ne puissent continuer à faire fi des liens indéfectibles qui lient une mère à ses enfants, et cela uniquement dans le but d’être plus royalistes que le roi et de défendre les intérêts des différentes instances religieuses. Mis à part les détails des histoires déplaisantes se cachant derrière toute séparation de conjoints, plusieurs leçons sont à tirer pour être en mesure de neutraliser l’effet des programmes tirant leur bénéfice de gros scandales à la une. Il s’agit d’abord et surtout de faire bouger les choses dans le sens de la protection de l’enfant, souvent manipulé et traumatisé dans ce genre de situations, et qu’il faudra impérativement éloigner des batailles médiatiques et sur les réseaux sociaux.

D’autre part, si le mariage fait partie du folklore familial et tribal au Liban, le divorce est, au contraire, une affaire intime à régler au sein du couple, et certainement pas à la télévision.

Toujours est-il que dans un pays où le crime d’honneur fait toujours école dans certains milieux, où le mariage précoce ne choque toujours pas autant qu’il le faut et où la séparation de la mère et de ses enfants est perçue comme une sanction juste et bien méritée réservée à la femme rebelle, des progrès se font ressentir grâce au travail de plusieurs ONG, dont Kafa et Abaad, que des émissions comme celle citée plus haut prennent systématiquement pour cibles. À ces ONG, nous sommes nombreux(ses) à dire : « Merci d’exister. »


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