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Moyen Orient et Monde - Analyse

Pourquoi de Mistura a échoué en Syrie

La stratégie « réaliste » de l’envoyé spécial de l’ONU ne lui aura permis d’obtenir aucune avancée diplomatique.


L’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura donne une conférence de presse en décembre 2017. Fabrice Coffrini/AFP

Les dernières semaines de Staffan de Mistura en tant qu’envoyé spécial de l’ONU en Syrie résument l’ensemble de son mandat. Jusqu’au bout, le diplomate italo-suédois s’est accroché à l’idée qu’il pouvait obtenir des concessions du régime syrien en le caressant dans le sens du poil. Et jusqu’au bout il est revenu les mains vides de Damas, malgré sa volonté de ne pas aborder les sujets les plus délicats.

À la proposition de l’ONU de créer un comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution, le régime Assad a opposé une fin de non-recevoir. « La Constitution et tout ce qui y touche, c’est vraiment un domaine de souveraineté sur lequel seul le peuple syrien peut prendre une décision, en excluant toute intervention étrangère par laquelle certains États chercheraient à imposer leurs volontés », a justifié le ministre des Affaires étrangères Walid Moallem, après un entretien avec Staffan de Mistura à Damas le 24 octobre dernier. Le comité devait être composé de 150 personnes : 50 choisies par le régime, 50 par l’opposition et 50 par l’ONU. Mais Damas refuse que l’ONU compose cette troisième liste, probablement de peur que les personnalités prorégime ne bénéficient pas d’une large majorité. Walid Moallem a proposé, en revanche, que cette dernière liste soit choisie par les trois pays garants du processus d’Astana – la Russie, l’Iran et la Turquie – en partenariat avec le régime. Énième camouflet pour le diplomate chevronné : même sur un sujet secondaire – qui concerne les institutions et non la réalité du pouvoir –, le régime lui signifie que l’ONU n’a pas son mot à dire et que les seules négociations diplomatiques qu’il tolère se font dans le cadre du processus d’Astana, dont l’ONU est totalement exclue.

Staffan de Mistura se voulait réaliste pour parvenir à remplir sa mission. Il fallait, selon lui, prendre en compte le changement des rapports de force sur le terrain : la double intervention iranienne et russe qui a sauvé le régime et lui a permis de reconquérir les deux tiers du pays rendait irréalistes les demandes de l’opposition concernant une transition du pouvoir. Plus question donc de s’en tenir à la feuille de route de Genève 1 (juin 2012) – acceptée par l’ensemble des grandes puissances y compris la Russie – qui appelait à la formation d’une « instance de gouvernement transitoire », composée de membres du régime et de l’opposition, « dotée des pleins pouvoirs exécutifs ». Sous le mandat de Staffan de Mistura, les mots « gouvernance », « élections » et « Constitution » sont venus se substituer à la notion de « transition de pouvoir » avec l’avantage évident de ne pas s’attaquer frontalement à la question la plus problématique : le sort du clan Assad. Mais avec l’inconvénient de voir toutes les avancées diplomatiques être condamnées à demeurer purement cosmétiques. Qu’importe en effet de changer la Constitution, d’intégrer des membres de l’opposition au gouvernement ou d’organiser de nouvelles élections si le cœur du pouvoir demeure entre les mains du clan Assad.


(Lire aussi : Le chef de l'ONU va nommer un nouvel émissaire pour la Syrie)


Mission impossible
Moins d’un an après sa nomination, Staffan de Mistura a voulu tendre la main au régime en déclarant, en février 2015, qu’« Assad fait partie de la solution ». Cette approche s’est avérée être une double erreur stratégique : non seulement, il a perdu la confiance de l’opposition syrienne, mais en plus il n’a rien obtenu en contrepartie de la part des loyalistes. Les Russes ont usé de leur droit de veto pour bloquer toutes possibilités de négociations multilatérales dans le cadre onusien. Et le régime a refusé de faire le moindre compromis face à un interlocuteur qui n’en demandait pourtant pas tant.

Staffan de Mistura aura résisté plus de quatre ans, bien plus que ses deux prédécesseurs (Lakhdar Brahimi et Kofi Annan), avant d’annoncer sa démission pour raison personnelle. Mais alors que son mandat a été notamment marqué par la reprise par les forces du régime d’Alep-Est, de la Ghouta ou encore de Deraa, en violation de nombreuses règles du droit international, les rares avancées diplomatiques ont été réalisées à Astana, réunions qui avaient pour première vocation de marginaliser le processus de Genève. Dans un article publié le 29 août 2016, le Guardian a en outre révélé à quel point le régime avait bénéficié des aides de l’ONU pour la Syrie, en se servant dans la caisse et en en contrôlant la destination selon ses intérêts politiques.

L’échec de M. de Mistura est non seulement celui de l’ONU mais également des Occidentaux. Par souci de « réalisme », ils se sont progressivement désengagés du conflit entre le régime et son opposition en se concentrant sur la lutte contre les groupes jihadistes. Sur le plan diplomatique, ils ont opté pour une stratégie de dialogue avec la Russie qui devait aboutir à mettre la pression sur le régime pour le forcer à négocier. C’est pour l’instant un échec. Mais quelles alternatives ont-ils ? Comment l’ONU peut-elle relancer le processus de paix en sortant du piège qui l’oblige par réalisme à négocier avec un régime qui, même dans ses moments les plus difficiles, a toujours refusé de lâcher, ne serait-ce que des miettes, à son opposition ? La mission de Staffan de Mistura était, dès le départ, impossible. Son probable successeur, le Norvégien Geir Pedersen, pourrait mettre beaucoup moins de quatre ans à s’en rendre compte.


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Les dernières semaines de Staffan de Mistura en tant qu’envoyé spécial de l’ONU en Syrie résument l’ensemble de son mandat. Jusqu’au bout, le diplomate italo-suédois s’est accroché à l’idée qu’il pouvait obtenir des concessions du régime syrien en le caressant dans le sens du poil. Et jusqu’au bout il est revenu les mains vides de Damas, malgré sa volonté de ne pas...

commentaires (4)

pour resumer : l'ONU est non seulement inefficace- meme pour ce qui est des aides humanitaires- mais aussi responsable de la poursuite des guerres dans bcp de cas.

Gaby SIOUFI

11 h 43, le 02 novembre 2018

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Commentaires (4)

  • pour resumer : l'ONU est non seulement inefficace- meme pour ce qui est des aides humanitaires- mais aussi responsable de la poursuite des guerres dans bcp de cas.

    Gaby SIOUFI

    11 h 43, le 02 novembre 2018

  • Les representants de l'ONU échoueront toujours en Syrie à moins qu'ils entrent dans les combines Russie-Iran-Turquie Ce pays est fini et il aura du mal à remonter la pente avec un membre la famille Assad

    FAKHOURI

    11 h 09, le 02 novembre 2018

  • CE SONT LES COMBINES HORS ONU DE LA RUSSIE AVEC LA TURQUIE ET L,IRAN QUI ONT SABOTE LE ROLE DE DE MISTURA...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 09, le 02 novembre 2018

  • Je ne me souviens pas que le machin onu ait pu trouver une solution à un conflit donné. C'est pas une question de koffi ou de de mistura l'échec de la paix , c'est une affaire que le machin est entre des mains non fiables. Que diable.

    FRIK-A-FRAK

    00 h 24, le 02 novembre 2018

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