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Moyen Orient et Monde - Décryptage

À Jérusalem, combat rapproché dans les urnes entre laïcs et religieux

Trois candidatures juives se distinguent, représentant chacune trois groupes majeurs, tandis que deux personnalités arabes ont bravé le boycott des élections pour la première fois.

Une photo montrant une affiche de campagne du candidat à la mairie de Jérusalem Yossi Deitch. Menahem Kahana/AFP

Jour de congé et de vote à Jérusalem. Les habitants de la Ville sainte sont appelés aujourd’hui à choisir un successeur à Nir Barkat, maire depuis une décennie. Pour la première fois à Jérusalem, le premier tour des élections municipales est programmé sur un jour chômé, et l’effet de ce calendrier n’est pas anodin : minime sur la participation des ultraorthodoxes dont la majorité est inactive, il devrait relativement favoriser la mobilisation des laïcs qui pourront se rendre aux urnes à toute heure de la journée.

Si l’opinion internationale devrait juger les candidats en fonction de leur position sur les colons, la moitié palestinienne de la ville ou le statut de cette dernière dans le cadre d’un éventuel accord de paix, ces dossiers n’ont pas été au cœur de la campagne électorale. Dans les isoloirs, les différents candidats seront aussi jaugés par rapport à leurs propositions pour gérer le délicat statu quo entre juifs ultraorthodoxes et juifs laïcs : plieront-ils devant une tentative de faire fermer un commerce de plus durant le shabbat, dans les rares enclaves commerçantes encore illuminées le jour du repos juif, ou d’instaurer la non-mixité sur une ligne de bus ? Chacun des concurrents a également dû y aller de sa solution au logement, trop rare et trop cher à Jérusalem. Le problème est étroitement lié à celui des équilibres entre laïcs et religieux. Ces derniers élèvent en moyenne sept enfants par famille, et migrent vers des quartiers laïcs faute de place dans les enclaves historiquement religieuses de la ville. Pour parer aux tensions sur le parc immobilier, un gigantesque projet conçu par l’architecte Moshe Safdie prévoyait une extension urbaine vers l’ouest sur la « Jérusalem verte ». Le plan a été abandonné en 2007 à l’issue d’une bataille remportée par le mouvement écologiste israélien. Le seul candidat à vouloir sauver le plan Safdie est Zeev Elkin, un proche du Premier ministre fraîchement débarqué de sa colonie de Cisjordanie. La semaine dernière, Benjamin Netanyahu est apparu au grand marché de Mahane Yehuda, où il a fait campagne pour M. Elkin, qui est également son ministre de la Protection environnementale, son ministre des Affaires hiérosolymitaines et son interprète en russe. La séquence n’a pas vraiment arrangé son image de « candidat parachuté », qui serait à Jérusalem l’obligé de Netanyahu. Aux questions délicates, ce natif de Kharkov, en ex-Union soviétique, oppose des réponses dilatoires.

Cet été, par exemple, des élus ultraorthodoxes ont pris en grippe la station de bus centrale de Jérusalem, à laquelle un centre commercial a été adjoint il y a quelques années. De rares commerces ne baissent pas le rideau le vendredi soir à la tombée de la nuit. Interrogé à ce propos par le Haaretz, Zeev Elkin a refusé de se prononcer, laissant seulement entendre, face à l’insistance des journalistes, qu’il est « un grand avocat du statu quo ».


(Lire aussi : Voter ou non avec les Israéliens, le dilemme des druzes du Golan occupé


Poids lourd ultraorthodoxe

Yossi Deitch, député maire issu d’Agoudat Israël, le parti hassidique qui forme avec le Deguel HaTorah la coalition du Judaïsme unifié de la Torah (JUT), est le seul candidat qui puisse véritablement se targuer d’une expérience du terrain. Membre du conseil municipal depuis 13 ans, il a des dizaines de projets locaux menés à bien à son actif. C’est un ultraorthodoxe, mais un précédent à Jérusalem, celui d’Uri Lupolianski, montre que ce n’est pas forcément un chèque en blanc pour les « craignant-Dieu ». M. Lupolianski s’était, par exemple, trouvé contraint d’encadrer les gay prides annuelles. En fait, les ultraorthodoxes ont presque plus de pouvoir lorsqu’ils sont dans l’opposition, et cela s’est vérifié sous le mandat de Nir Barkat. Ils peuvent défendre des intérêts religieux (obtention de fonds publics pour les écoles talmudiques, fermeture des commerces pendant le shabbat) sans mettre les mains dans les dossiers généraux qui exigent compromis et compromission.

Fin septembre, les collaborateurs de Deitch laissaient entendre qu’il était sur le point de mettre l’ensemble du camp religieux en ordre de bataille derrière sa candidature. Les rabbins du Deguel HaTorah et d’Agoudat Israël, éminence grise des partis ultraorthodoxes ashkénazes, avaient approuvé sa candidature, et M. Deitch laissait courir le bruit dans la presse que même le Shas, parti religieux séfarade, abandonnerait son candidat Moshe Lion pour le soutenir. L’unification ne s’est pas produite, et M. Lion, candidat déçu à la précédente élection il y a 5 ans, a bien reçu le soutien du Shas dont il est un ami personnel de son chef et ministre de l’intérieur, Arieh Dery.


Fin d’un tabou à Jérusalem-Est

Ce sont ainsi principalement trois candidats qui s’affrontent pour ce scrutin : Zeev Elkin, Yossi Deitch et Ofer Berkovitch, un jeune candidat de 35 ans, seul laïc déclaré à part Avi Salman, une personnalité un peu obscure qui n’a pas de visibilité dans la presse israélienne. M. Berkovitch est le fondateur du mouvement social Hitorerout (« Réveil ») qui travaille à rassembler les différentes composantes sociologiques de la ville. C’est le candidat juif qui présente le profil le plus ouvert, le seul parmi les trois « poids lourds » à avoir critiqué ouvertement le club de football local Beitar Jerusalem, longtemps resté la seule équipe israélienne à ne pas compter de joueurs arabes.

Deux candidats arabes ont brisé le boycott observé depuis près de 50 ans. Aziz Abu Sarah s’est désisté, a priori sous la pression conjointe des nationalistes palestiniens et du règlement électoral prescrivant que les candidats doivent posséder la nationalité israélienne, ce que le leader de la liste al-Quds Lana n’avait pas. Ramadan Dabbash est pour sa part l’actuel président de la division administrative de Sur Baher à Jérusalem-Est. Il est tenu en estime par les autorités israéliennes et les membres du conseil municipal grâce à son bilan dans le quartier. Sous son mandat, les rues ont été repavées pour la première fois depuis 1967 et des cours d’hébreu et d’informatique mis à la disposition des résidents. Son dévouement à la fonction publique a eu pour effet de dégrader sa réputation dans certains rangs palestiniens, car M. Dabbash a également reconnu avoir été par le passé membre du Likoud. Le mufti de Jérusalem, cheikh Mohammad Hussein, a émis une fatwa bannissant le vote, mais une étude conduite par un institut de sondage palestinien concluait en septembre que 22 % des habitants de Jérusalem-Est aimeraient se rendre aux urnes.


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commentaires (2)

Les Loubavitch sont sionistes. Dommage que la vaste majorité des juifs ultra-orthodoxes, antisionistes, ne votent pas....

Jean abou Fayez

13 h 12, le 30 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • Les Loubavitch sont sionistes. Dommage que la vaste majorité des juifs ultra-orthodoxes, antisionistes, ne votent pas....

    Jean abou Fayez

    13 h 12, le 30 octobre 2018

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