Assistante de communication et chargée d’événementiel à l’AUF pour une durée d’un an, Ameni Mabrouk a obtenu son poste par le biais du programme de volontariat international de la francophonie (VIF). « Nous étions plus de 200 candidats à postuler, et entre 40 et 50 ont été retenus. Il y avait plusieurs postes un peu partout dans l’espace francophone, parmi lesquels l’AUF à Beyrouth », indique la jeune Tunisienne. Ce programme de mobilité internationale, accessible à tous sur dossier puis entretien en visioconférence, est créé par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) en partenariat avec l’AUF. Les conditions d’accès : avoir entre 21 et 34 ans, être titulaire d’un diplôme universitaire et, bien sûr, parler français. Mais pourquoi a-t-elle choisi l’AUF Beyrouth et pas une autre institution proposée par l’un des 57 États membres de la francophonie ? D’abord parce que le poste qui y était proposé entrait en parfaite adéquation avec sa formation. Puis, il y a le pays : « J’ai grandi avec la culture libanaise. En Tunisie, les artistes libanais sont très appréciés. J’écoute Fairouz depuis l’âge de deux ans ! Et puis il y a les films aussi, et la politique, les guerres, les crises qui ont retenti jusque chez nous... » Ameni Mabrouk est née à Hamem Zriba Zaghouan en Tunisie, où elle est élevée dans un environnement culturel mixte, entre l’arabe et le français. À 18 ans, comme beaucoup de jeunes Tunisiens voulant poursuivre des études universitaires, elle se rend à Tunis pour faire ses études. C’est là-bas qu’elle se lance dans le design de l’image à l’École supérieure des sciences et technologies du design (Essted). Après l’obtention de sa licence, elle poursuit sa formation par un master en cinéma et art visuel à l’École supérieure de l’audiovisuel et de cinéma (ESAC).
En parallèle, Ameni Mabrouk s’implique dans diverses causes, elle intègre des ONG et des associations qui lui assurent un enrichissement à la fois personnel et professionnel. « J’ai toujours été engagée. À ce titre, j’ai travaillé avec l’association tunisienne pour l’expression artistique et numérique, au sein de laquelle j’ai participé à des projets très intéressants, tels que le projet Témoin oculaire. Suite à la révolution tunisienne, nous avons collecté des témoignages de gens ayant été victimes de torture en prison pendant le régime de Ben Ali. J’ai travaillé aussi dans la Ligue tunisienne des droits de l’homme, qui a remporté le prix Nobel de la paix l’année où j’y étais, en 2015 », raconte-t-elle.
Culture libanaise et langue française
Depuis qu’elle est arrivée en février, la jeune Tunisienne anime les réseaux sociaux à l’AUF, s’occupe des appels à candidature et des projets de recherche et d’entrepreneuriats. Elle raconte, pleine d’enthousiasme : « Grâce à ma mission ici, j’ai eu l’opportunité de faire des rencontres et de découvrir la jeunesse libanaise à travers plusieurs projets très intéressants comme la compétition du Mot d’or de la francophonie organisé en mars 2018, un concours qui promeut l’initiative en français. J’ai été vraiment impressionnée par les discours des jeunes qui proposaient des projets de solutions pour la crise des déchets, les embouteillages ou d’autres problèmes sociaux… »
On pourrait presque parler d’une vie idyllique à Beyrouth pour Ameni Mabrouk, si un petit point ne la dérangeait pas au pays du Cèdre : « Avant de venir ici, j’avais des attentes, pour moi, le Liban, Beyrouth, c’étaient vraiment des lieux de culture. J’ai été déçue de la difficulté d’accès à cette culture. Aller au cinéma, au musée, à des concerts, c’est cher. Tout le monde ne peut pas se le permettre, c’est dommage. Je me suis toujours battue pour que la culture soit gratuite. J’ai assisté à un concert de Ziad Rahbani récemment : quand bien même je le respecte et l’admire, payer 40 dollars pour voir un monsieur qui est censé défendre les pauvres, ça me paraît pour le moins paradoxal... » avoue-t-elle un peu embarrassée.
Et la langue française dans tout ça, comment se porte-t-elle au Liban ? La réponse est claire pour Ameni Mabrouk : elle est perçue comme un vecteur de discrimination sociale : « Quand je parle français ici, on me prend pour une bourgeoise, notamment d’Achrafieh. J’ai du mal à comprendre ce stéréotype, moi qui ai appris le français à l’école publique… » Selon la jeune volontaire, le Liban est divisé entre les chrétiens francophones et les musulmans anglophones, et elle parle même (en prenant des pincettes) d’une forme de racisme linguistique sur le plan social. De plus, le français est relégué au second plan à cause du marché du travail qui propose des offres anglophones. « La mission de l’AUF est de rappeler que la langue française est aussi une langue de commerce, une langue d’avenir : il faut proposer plus d’opportunités en français pour les jeunes ! »
Pour mémoire
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