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Moyen Orient et Monde - Décryptage

L’affaire Khashoggi peut-elle mettre fin à l’idylle entre Trump et MBS ?

Si la Maison-Blanche a semblé cautionner l’action saoudienne dans la région ces derniers mois, des critiques commencent à s’élever contre la politique intérieure et extérieure du royaume.

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane et Donald Trump, le 20 mars 2018 à Washington. Mandel Ngan/AFP

Les dirigeants saoudiens ont détesté la période du double mandat de Barack Obama. Le rapprochement de Washington avec Téhéran avec la signature de l’accord nucléaire ainsi que la volonté de l’ancien président de se désengager de la région et de créer un équilibre entre les puissances régionales étaient une véritable hantise pour Riyad. Le royaume a besoin de son allié américain pour endiguer l’influence iranienne dans le monde arabe. En cela, l’alliance avec l’Oncle Sam est sans doute le bien le plus précieux de Riyad sur la scène internationale. Cela vaut d’autant plus depuis l’arrivée de Donald Trump qui a répondu à toutes les attentes du royaume wahhabite : rhétorique anti-iranienne, soutien à toutes les aventures saoudiennes et absence de leçons de morale en matière de droits de l’homme. Le président américain avait d’ailleurs fait, en mai 2017, du royaume saoudien sa première destination officielle en tant que nouveau locataire de la Maison-Blanche. Il y avait conclu des contrats militaires d’une centaine de milliards de dollars, mais avait surtout prononcé un discours très dur contre l’Iran qui avait particulièrement plu aux Saoudiens.

C’est cette idylle qui pourrait aujourd’hui être mise en péril par l’affaire Khashoggi – du nom du journaliste saoudien qui aurait été tué dans le consulat de son pays à Istanbul, selon des responsables turcs. Du point de vue de Riyad, une brouille avec Washington est bien plus problématique qu’une crise avec Ankara. D’autant plus que c’est bien Washington qui serait amené à jouer le rôle d’arbitre entre les deux mastodontes sunnites si la crise s’amplifiait.


(Lire aussi : Affaire Khashoggi : une potentielle bombe à fragmentation pour Riyad)


Blanc-seing

Mohammad ben Salmane, le prince héritier et homme fort du royaume, doit beaucoup à Donald Trump. C’est durant son mandat qu’il a pu écarter son cousin et rival Mohammad ben Nayef, qu’il a effectué sa politique de purge, qu’il a forcé pendant quelque temps le Premier ministre libanais Saad Hariri à démissionner et qu’il a mis en place son embargo contre le Qatar. Le dauphin n’aurait certainement pas pu faire tout cela sous la présidence de Barack Obama. À chacune de ces étapes, il a reçu, sinon un feu vert, du moins un feu orange, de la part de la Maison-Blanche. Le président américain s’est illustré par plusieurs tweets soutenant les purges du Ritz-Carlton ou la mise au ban du Qatar, malgré la position plus nuancée du Pentagone. « Le Pentagone et le département d’État n’approuvent pas forcément ce que disent les Saoudiens ou la situation dans le royaume », dit un bon connaisseur de la région qui a souhaité conserver l’anonymat. Certains experts considèrent d’ailleurs que le blanc-seing accordé par le président américain à son allié pourrait expliquer le caractère incroyable de l’élimination de Jamal Khashoggi qui, si elle est avérée, s’inscrit en rupture avec la tradition saoudienne et marque clairement le passage à une politique beaucoup plus répressive de la part du royaume.


Réactions américaines

Les premiers mots de Donald Trump sur cette affaire étaient donc particulièrement attendus. Contrairement à ses habitudes, le président n’a pas semblé prendre la défense de son allié saoudien, même s’il s’est gardé de prendre le parti turc. Il s’est déclaré lundi « préoccupé » par cette affaire dont il espère qu’elle « s’arrangera vite ». « À l’heure actuelle, personne ne sait rien là-dessus. De mauvaises histoires circulent. Je n’aime pas ça », a ajouté le président américain.

Plusieurs élus républicains et démocrates ont multiplié les déclarations via Twitter en manifestant leur inquiétude. « Si cela est vrai que les Saoudiens ont attiré un résident américain dans leur consulat et l’ont assassiné, cela devra représenter une rupture fondamentale dans nos relations avec l’Arabie saoudite », a déclaré samedi sur Twitter le sénateur démocrate Chris Murphy. D’autres, comme le sénateur républicain Lindsey Graham, un allié de M. Trump, ont prévenu lundi l’Arabie saoudite que, si les informations étaient confirmées, les conséquentes seraient « dévastatrices » pour les relations entre Riyad et Washington. « Nous appelons le gouvernement d’Arabie saoudite à soutenir une enquête approfondie sur la disparition de M. Khashoggi et à être transparent quant aux résultats de cette enquête », a surenchéri dans un communiqué le secrétaire d’État Mike Pompeo.

Cette pression supplémentaire s’ajoute aux critiques exprimées depuis plusieurs mois par le Pentagone, le département d’État américain et le Congrès en ce qui concerne les opérations menées par Riyad au Yémen et la répression au sein du royaume. « Le département d’État ne se prive pas de critiquer le bilan affreux du royaume saoudien sur la situation des droits de l’homme sur place. Mais cela n’a aucun impact politique ni stratégique dans la relation entre les deux pays », estime Thomas Lippman, spécialiste des relations américano-saoudiennes au Middle East Institute, contacté par L’Orient-Le Jour.

Peu préoccupé par la question des droits de l’homme à partir du moment où il peut passer un « deal » avec un régime autoritaire – comme l’a démontré sa nouvelle amitié avec Kim Jong-un –, le président américain n’hésite toutefois pas à humilier le royaume wahhabite en lui rappelant, régulièrement, à quel point il est dépendant des États-Unis en matière sécuritaire.


Allié quoi qu’il arrive

Si les faits sont effectivement avérés, la situation serait particulièrement embarrassante pour les États-Unis. Pas au point, néanmoins, qu’ils remettent en cause leur alliance avec Riyad. Compte tenu des relations difficiles entre Washington et Ankara, la Maison-Blanche pourrait en effet choisir de s’orienter vers son allié tout en lui appliquant des mesures de représailles, de faible ampleur, en guise d’avertissement. « Si une crise devait se produire entre Ankara et Riyad, je pense que le Pentagone s’orienterait plus vers l’Arabie saoudite. Washington pense qu’Erdogan joue sur tous les tableaux et qu’il veut aller contre l’influence américaine dans la région (…) Si des mesures de représailles sont prises, je pense qu’elles se limiteront à une baisse du partenariat militaire avec Riyad et du soutien dans la guerre que mène l’Arabie au Yémen. Mais cela ne peut pas aller plus loin, notamment en raison de l’opinion commune sur le danger que représente l’Iran dans la région et la nécessité de le combattre », analyse la source anonyme.

« À l’heure actuelle, la Turquie a un intérêt évident à embarrasser l’Arabie saoudite et fait de son mieux pour le faire », note pour sa part à L’OLJ Anthony H. Cordesman, spécialiste du Moyen-Orient au CSIS (Center of strategic and international studies). Le principal impact pour MBS pourrait être la dégradation de l’image de réformateur que Mohammad ben Salmane a voulu forger depuis son accession au poste de prince héritier en juin 2017. Le dauphin avait profité de sa visite aux États-Unis en mars dernier pour redorer son image auprès des leaders américains. Cette image de réformateur lui permet de faire sa révolution à l’intérieur comme à l’extérieur. S’il était simplement perçu comme un autocrate, il risquerait de perdre une partie de sa marge de manœuvre.


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commentaires (6)

il faut des fois arrêter de lire certaines chaînes de nouvelle arabe ... et de spéculer ... attendons quelque temps et tout s’éclaircira

Bery tus

14 h 53, le 10 octobre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • il faut des fois arrêter de lire certaines chaînes de nouvelle arabe ... et de spéculer ... attendons quelque temps et tout s’éclaircira

    Bery tus

    14 h 53, le 10 octobre 2018

  • D'un autre côté si les usa sont vexés c'est soit parce que l'héritier tortionnaire ne les a pas mis au courant avant d'agir, soit parce qu'il s'est fait gauler. Peut être que d'autres services secrets étaient au courant et ont donné leur aval . Suivez mon regard .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 55, le 10 octobre 2018

  • "Allié quoi qu'il arrivé" : difficile à comprendre cette mentalité car un allié doit être vertueux si on veut de faire respecter. Enfin il ne s'agit pas de s'aligner aux turcs ou aux saoudiens mais plutôt à la vérité et aux valeurs humaines et des libertés fondamentales que toutes nations respectables doit s'y attacher.

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 50, le 10 octobre 2018

  • On Nous raconte des histoires à faire dormir debout . Les usa de trump-pete n'ont aucun état d'âme concernant l'assassinat charcuterie de Jamal Khashoggi qu'ils n'auraient d'État dame à se débarrasser d'un tocard foireux qui ne réussit pas dans son entreprise de DÉSIRANISATION DE LA RÉGION. Les usa n'aiment pas les LOOSERS, c'est tout . Ils le remplaceront par un autre , pas plus doux ou humain , mais par un autre plus performant dans dans l'intérêt de leurs politiques néfastes pour la région. C'est ce qu'on appelle OPTIMISATION POLITIQUE D'UN VASSAL .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 23, le 10 octobre 2018

  • PRIERE LIRE COMMISE. MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 29, le 10 octobre 2018

  • PLUS GRANDE GAFFE -ET CRIME- NE POUVAIT PAS ETRE CIMMISE ! CA VA COUTER TRES CHER A MBS SURTOUT SI L,HOMME FUT ASSASSINE ET DEPECE... COMME IL EN EST LE PLUS PROBABLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 00, le 10 octobre 2018

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