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Moyen Orient et Monde - Environnement

Ocean Cleanup lave les océans et essuie les critiques

L’initiative inédite ne fait pas l’unanimité auprès des experts.


Le bateau d’Ocean Cleanup a quitté San Fransisco au début du mois de septembre. Josh Edelson/AFP

Trente tonnes de plastique sont déversées chaque seconde dans les océans. D’ici à 2050, il y en aura davantage que de poissons dans les eaux du globe. Au gré des vents, à la force des courants, les déchets s’accumulent dans des zones bien définies, et finissent par créer de véritables continents artificiels : le plus gros s’étend entre la Californie et Hawaii, dans l’océan Pacifique.

La mécanique est simple : les eaux chaudes du Pacifique rejoignent les eaux plus froides de l’Arctique, créant un courant tellement puissant que tous les déchets qui passent par cette zone sont embarqués dans la même direction. En rencontrant un courant contraire, ils s’agglutinent et créent une zone ultraconcentrée en déchets, en l’occurrence d’environ 160 fois la taille du Liban.

Après cinq années de recherche et de développement, le System 001 de l’organisation à but non lucratif Ocean Cleanup a été lancé sur les mers. Le premier système de nettoyage des océans grandeur nature sera tracté jusqu’au continent de déchet par un énorme navire : sa mission sera de nettoyer quelque 70 000 kg des 80 000 tonnes de plastique flottant dans l’océan Pacifique.

Boyan Slat, l’ingénieur néerlandais fondateur d’Ocean Cleanup, a séduit les investisseurs du monde entier, à commencer par son propre gouvernement. Et pour cause : c’est la première machine qui s’attaque au vortex de déchets du Pacifique. L’exclusivité du projet est l’argument phare dans la collecte des fonds nécessaires à son aboutissement. Ainsi le jeune ingénieur a pu collecter assez d’argent pour réunir une équipe de près de cent personnes et même avoir de l’avance dans le coup d’envoi de l’expérimentation.

En investissant 20 millions de dollars dans ce nouveau projet, l’organisation ajoute une pierre importante à l’édifice laborieux qu’est le nettoyage des eaux mondiales. Le système, qui devait devenir opérationnel il y a une dizaine de jours, effectue en ce moment un test final et arrivera à son but ultime la semaine prochaine.

Les critiques

Mais l’expérimentation essuie plusieurs critiques. Le ramassage se fait grâce à une barrière flottante qui mesure 600 mètres de long pour 3 mètres de profondeur. Elle avance et assemble les débris grâce aux courants maritimes et aux vents qui les font s’accumuler. Après quelques semaines ou mois de collectes, un bateau viendra regrouper les déchets pour les recycler.

Afin d’en récupérer un maximum, la toile qui récupère les déchets n’est pas un filet mais une jupe imperméable, qui ne fait pas de distinction entre les déchets d’un côté, et les petits animaux ou la flore de l’autre. « Même si le système de récupération est une jupe imperméable, il avance doucement, au gré des courants, donc la faune qui éventuellement pourra se prendre dedans aura le temps de réagir et s’éloigner », précise à L’Orient-Le Jour Laurent Lebreton, l’océanographe en chef d’Ocean Cleanup.

L’imperméabilité des jupes est cependant considérée comme une «   menace  à la vie marine » par la Marine Conservation Society, le principal organisme à but non lucratif du milieu marin britannique. « C’est utopiste, ce projet va faire plus de mal que de bien. En plus d’être nuisible pour la faune et la flore, dès qu’il y aura des tempêtes, le système va exploser. Ils ont peut-être trouvé des systèmes résistants mais j’ai de sérieux doutes là-dessus. Ça ne fonctionnera pas et je ne comprends pas comment ils ont pu réunir autant de fonds », estime pour sa part Bruno Dumontet, fondateur d’Expédition MED, un collectif d’environnementalistes créé pour protéger la biodiversité marine.

« Une goutte d’eau »

Le projet est également critiqué pour son manque d’efficacité : les efforts se concentrent sur les déchets qui mettront longtemps à se désagréger, les plus gros. Les microparticules, moins visibles, sont ingérées par tous les animaux tandis que les plus gros déchets ne sont nuisibles que pour certains d’entre eux. « Une goutte d’eau. Ils vont avoir un résultat ridicule par rapport au volume de déchets en mer. C’est un mal qui ne fera même pas de bien : les dégâts sont là, si on fait un rapport masse retirée/masse totale, c’est dérisoire », poursuit le chef d’expédition. Aussi réussie soit l’expérience, la pollution marine représente trois cents millions de tonnes de déchets se déplaçant au gré des courants dans les océans, avec une demi-tonne qui s’y ajoute chaque seconde. « On a 60 ans d’accumulation de plastiques sur les plages, dans les rivières et les océans du globe. On doit aujourd’hui gérer cette situation, tant sur le front de la prévention que du nettoyage. Ce n’est pas l’un ou l’autre, il faut se battre sur les deux fronts et c’est un bon début que de s’attaquer au nettoyage de l’eau », rappelle néanmoins M. Lebreton.

« Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas. Je préfère mettre mon énergie dans des solutions pour éviter leur déversement dans les océans que dans un système qui les ramasse », tance M. Dumontet, qui conclut toutefois par une note plus optimiste : « Le projet a quand même le mérite de faire parler du problème des déchets maritimes. C’est un bon début, cela sensibilise les gens à la pollution marine. »

Trente tonnes de plastique sont déversées chaque seconde dans les océans. D’ici à 2050, il y en aura davantage que de poissons dans les eaux du globe. Au gré des vents, à la force des courants, les déchets s’accumulent dans des zones bien définies, et finissent par créer de véritables continents artificiels : le plus gros s’étend entre la Californie et Hawaii, dans...

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