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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Quand des jeunes Syriens sont envoyés à l’École militaire en Russie

Des enfants iraient s’entraîner chaque année afin de former la future fine fleur de l’armée syrienne.


Capture d\'écran du reportage de Russia Today sur les enfants syriens envoyés dans des écoles militaires russes.

Crâne rasé, le regard vague, un jeune garçon affublé d’un costume militaire de l’armée russe se confie aux caméras de Russia Today, un média gouvernemental russe. « Ma mère a d’abord cru que j’allais être envoyé 15 jours, mais ensuite on lui a dit que j’allais rester ici pour étudier durant sept ans  », dit Mohammad al-Jamaa, l’air quelque peu incrédule. Ce jeune Syrien est l’un des huit enfants ayant quitté leur pays pour intégrer un cursus scolaire dans différentes écoles militaires en Russie.

C’est à Saint-Pétersbourg plus précisément que la petite équipe a posé ses valises le mois dernier. « On m’a dit que j’allais intégrer une école militaire sans en sortir, sauf pour quelques exceptions, et puis… il y a de la nourriture », ajoute un autre petit soldat en herbe du nom de Haydar Ayoub. Le ministère russe de la Défense a annoncé mi-août qu’un groupe de jeunes Syriens avait rejoint un institut de l’Académie militaire russe, dans le but de « les préparer à devenir officiers dans les forces de Bachar el-Assad ». Cité par Russia Today, le directeur du Centre de la culture syrienne à Saint-Pétersbourg, Waddah al-Jundi, a affirmé que ces enfants étaient les premiers citoyens syriens à recevoir une éducation militaire en Russie. Sorte de « pupilles de la nation » à la mode syrienne, les huit « sélectionnés » sont enfants de « martyrs tombés pour la patrie », et l’un deux est orphelin. Âgés de 10 à 15 ans, ces cadets seront amenés à suivre la même formation que leurs petits camarades russes qui ont troqué leur cocon familial pour des tenues de camouflage et des kalachnikovs. « Il existe bien des écoles de cadets en Russie où de jeunes adolescents peuvent entrer et envisager une carrière dans les forces armées. Il s’agit d’une ancienne tradition soviétique », rappelle, pour L’OLJ, Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe de Moscou. Même si il n’est pas question ici d’enfants soldats utilisés sur des théâtres de guerre, l’existence de telles écoles de nos jours peut paraître déconcertante. Contactée, l’Unicef n’a pas été en mesure de répondre à nos questions avant la publication.


(Lire aussi : Quatre obstacles à la « pax poutinia » en Syrie)


Us et coutumes russes

À en croire les médias prorégime, ces huit préadolescents ne seront pas les seuls à bénéficier d’un pareil traitement puisque d’autres enfants pourraient chaque année obtenir leur sésame pour s’envoler vers la Russie, en vertu d’un récent accord signé entre les deux gouvernements alliés.

En juillet dernier, la Douma a en effet publié un décret autorisant les jeunes Syriens à intégrer des écoles militaires russes, et ce aux frais du ministère de la Défense russe, après avoir été sélectionnés au préalable par concours, incluant un test de langue. Durant tout leur séjour sur le territoire, ces cadets « devront respecter les lois russes » et les « us et coutumes des différentes groupes ethniques vivant en Fédération de Russie », stipule le décret en question. L’accord sur l’éducation militaire entre la Russie et la Syrie sera valable sept ans et sera automatiquement prorogé pour une période supplémentaire de sept ans, à moins que l’une des parties ne décide de s’en retirer. « Ce programme fait écho à la proximité culturelle militaire qui existe entre Damas et Moscou depuis des décennies », explique Igor Delanoë. Depuis l’annonce de son soutien militaire au régime d’Assad en 2015, la Russie n’a eu de cesse de renforcer son influence sur le terrain syrien, à tel point qu’elle apparaît davantage comme un parrain que comme un allié de Damas. Le russe est désormais enseigné dans certaines écoles syriennes, et un département de langue et de littérature russes a récemment ouvert à l’université de Damas. Selon les médias russes, près de 500 étudiants syriens ont fait leur rentrée cette année dans des écoles et des facultés russes.

« L’approche russe reste la même : consolider le régime syrien, ce qui passe bien sûr par le fait de lui apporter une aide militaire directe et des livraisons de matériels, mais, à plus long terme, cela passe aussi par la formation d’officiers. Moscou souhaite prendre une part active à la formation de la future armée syrienne, et cela commence notamment par la formation précoce de ses futurs cadres », poursuit Igor Delanoë. La Russie déploiera « tous ses efforts pour former ces garçons, afin qu’ils deviennent de vrais officiers dans la future armée syrienne », a déclaré le ministre adjoint de la Défense, Dimitri Boulgakov, ajoutant que ces « enfants de la guerre » devaient aujourd’hui « retrouver une vie normale et professionnelle ».


(Lire aussi : Réfugiés syriens : le pari russe du « fait accompli »)


Fidèles à la Russie

En envoyant des adolescents suivre un cursus militaire en Russie, Damas espère ainsi former la fine fleur de ce qui constituera sa future armée. « Ces enfants grandiront et ils seront fidèles à la Russie et non à la Syrie. La Russie essaie de créer de nouveaux agents et essaie de s’enraciner plus profondément en Syrie pour la prochaine génération », déplore un activiste de l’opposition qui a souhaité conserver l’anonymat. Pour Moscou, l’intérêt d’une telle action serait double selon Igor Delanoë. « Il s’agit, d’une part, de cristalliser à long terme son influence au sein de l’armée régulière syrienne à travers la formation d’officiers imprégnés de culture militaire russe. D’autre part, il s’agit de prendre le contre-pied de l’Iran qui souhaite conserver la main sur les différentes milices qu’elle contrôle et finance, et qui est récalcitrante à les voir intégrer les forces régulières, comme le souhaite la Russie », affirme Igor Delanoë.

L’ambassade russe à Damas et l’ambassade syrienne à Moscou n’ont pas souhaité répondre aux sollicitations de L’Orient-Le Jour. L’omerta est de mise. Aucune information ne filtrera également du côté des écoles des Enfants de martyrs, dont sont issus les huit garçons envoyés en Russie, faute d’obtention d’accréditation du ministère de la Défense syrienne. Sur le site internet de l’école, un article rend compte de la visite de parlementaires russes, en avril dernier, venus distribuer des cadeaux, dont des maillots de l’équipe nationale russe aux jeunes collégiens syriens. À la même époque, la presse révélait que les enfants de Bachar et Asma el-Assad avait secrètement passé, durant l’été 2017, plusieurs semaines en Crimée annexée, dans un ancien camp de pionniers de l’époque soviétique, reconverti en centre de loisirs pour adolescents.





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Crâne rasé, le regard vague, un jeune garçon affublé d’un costume militaire de l’armée russe se confie aux caméras de Russia Today, un média gouvernemental russe. « Ma mère a d’abord cru que j’allais être envoyé 15 jours, mais ensuite on lui a dit que j’allais rester ici pour étudier durant sept ans  », dit Mohammad al-Jamaa, l’air quelque peu incrédule. Ce...

commentaires (3)

Bonne nouvelle, ainsi, ces futurs militaires syro-russes sauront faire, inchallah, la différence entre un Illiouchine -20 et des missiles israéliens...et épargner des vies russes ! Irène Saïd

Irene Said

08 h 40, le 22 septembre 2018

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Commentaires (3)

  • Bonne nouvelle, ainsi, ces futurs militaires syro-russes sauront faire, inchallah, la différence entre un Illiouchine -20 et des missiles israéliens...et épargner des vies russes ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 40, le 22 septembre 2018

  • ILS APPRENNENT A ABATTRE LES AVIONS DE LEURS ALLIES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 07, le 22 septembre 2018

  • il est pas mal leur coup marketing/buzz

    George Khoury

    05 h 59, le 22 septembre 2018

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