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Nos Lecteurs ont la Parole - par Antoine MESSARRA

Liban-Suisse : quand la neutralité est humanitaire

À une période où les relations internationales ne sont régies par aucune gouvernance, où des peuples martyrisés sont abandonnés à leur triste sort et où se développe une diplomatie du chantage par des régimes tyranniques face à des États apaisés et nantis mais apeurés par le terrorisme, la Suisse est là pour rassembler et faire renaître l’espoir.

Les jours mêmes où le président de la Confédération suisse, M. Alain Berset, se trouvait au Liban en visite officielle, se déroulait à Lugano le 1er Sommet de la Méditerranée et du Moyen-Orient (MEM), organisé par l’Université de la Suisse italienne, avec la participation de 150 jeunes de 30 pays et des présentations par 50 conférenciers au cours de 15 séances et 6 sessions plénières. Participaient à ce sommet plusieurs jeunes du Liban, ainsi que le professeur Salim Daccache, recteur de l’Université Saint-Joseph, et l’auteur de ces lignes.

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En exergue du livret du 1er sommet cette directive d’une profonde sagesse : « Le secret du changement réside dans l’engagement permanent à développer de nouvelles réponses à des questions anciennes. » L’entreprise est donc de taille tant quant à l’exigence de « repenser, de reprendre sa pensée », suivant les expressions de Paul Valéry, que des problèmes à aborder. À ce propos, le cadre suisse est le plus approprié : « La tradition de neutralité suisse doit servir pour l’écoute, le dialogue et la rencontre » (Boas Erez, recteur). On s’efforce de stimuler la réflexion « dans une région qui jouit d’une tradition de liberté de pensée et d’une culture forgée par l’éducation » (Marco Borradori, maire de Lugano).

Face à l’inflation du savoir, le 1er sommet se propose de « puiser le savoir de témoins, en allant aux sources dans le cadre d’une plateforme de dialogue avec de jeunes acteurs agents de changement, en comptant sur la capacité des jeunes à innover et à appréhender le monde de manière différente » (Manuele Bertoli, conseiller d’État, canton de Ticino).

Le 1er sommet est organisé sous la présidence d’honneur de la Tunisie. Aussi le président de la République tunisienne, Beji Caid Essebsi, adresse-t-il un message :

« La jeunesse est le réservoir de l’élite. Nous traversons peut-être une histoire qui insulte notre passé. Il faudra rattraper le retard en vue d’un État du XXIe siècle grâce à des dirigeants au niveau des exigences et défis. »

Un premier panel, dirigé par Gille Kepel, avec un groupe de jeunes, offre des projets d’action. Il est fort souhaitable, dans toute démarche avec la nouvelle génération qui aurait été « formatée » par un académisme à la mode ou l’avalanche des réseaux sociaux, que les jeunes évitent la reproduction du langage à la mode, témoignent subjectivement à la lumière de leurs propres regards, appréhensions et expériences, et transmettent leur lecture de ce que nous vivons dans le monde d’aujourd’hui.

Un second panel est centré sur l’Irak et Abou Dhabi. Quand un patrimoine vivant est détruit en Irak, il s’agit de « reconstruire des souvenirs » et de sauvegarder « l’esprit de Mossoul ». Le projet d’un musée universel à Abou Dhabi peut sembler impossible ou virer vers « l’imposition de valeurs occidentales ». Or un tel musée montre que « notre identité s’est construite dans la relation et que les valeurs communes sont partagées » (Jean-François Charnier, Agence France-Museums Louvre Abou Dhabi, France).

D’autres panels portent sur la diplomatie de l’eau, la gestion de la diplomatie, la transition démocratique en Tunisie, l’économie mondialisée, la citoyenneté, l’éducation, la société civile… Des interrogations sont soulevées sur les exigences d’une éducation à la gestion de l’eau. À un âge aussi où la démocratie se trouve être victime de son propre progrès (individualisme forcené, perversions du droit, affaiblissement des États, politique spectacle ou réduite à la polémique…), il s’agit de promouvoir une « citoyenneté constructrice d’État ».

On n’oublie pas la Palestine déjà reconnue par 137 pays. Des problèmes cruciaux sont aussi soulevés, notamment ceux de la sécurité, de la migration, de la paix dans des régions martyrisées et de l’utilité de rassembler des jeunes de zones perturbées.

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Le 1er sommet et le séjour en Suisse rappellent le travail fondateur réalisé en coopération avec l’ambassadeur de Suisse au Liban, surtout avec l’ambassadeur François Barras, et qui a débouché sur la publication de deux ouvrages : Expériences comparées Liban-Suisse (en coopération avec l’Association libanaise des sciences politiques, 2008, 256 p., et 2001, 208 p.).

Le pluralisme religieux et culturel, comme dans le cas du Liban, ne peut se consolider et se prémunir qu’en cherchant à profiter de l’expérience culturelle et éducative de la Suisse : distanciation sur le plan diplomatique, développement de la culture de légalité, mémoire collective, sens du public et de l’État.

À une période où les relations internationales ne sont régies par aucune gouvernance, où des peuples martyrisés sont abandonnés à leur triste sort et où se développe une diplomatie du chantage par des régimes tyranniques face à des États apaisés et nantis mais apeurés par le terrorisme, la Suisse est là pour rassembler et faire renaître l’espoir.Les jours mêmes où le...

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