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Idées - Commentaire

Terrorisme, autoritarisme et peine de mort au Moyen-Orient

Illustration  : Nomad Soul/Bigstock

L’état de la question de l’abolition de la peine de mort au Moyen-Orient est connu et largement observé. Les pays « rétentionnistes » y sont tellement nombreux qu’ils sont dans le collimateur des organisations humanitaires et des droits de l’homme.

Les statistiques restent inquiétantes. Selon les chiffres d’Amnesty International, au moins 847 exécutions ont été recensées dans les juridictions dans la région dans 10 pays (sur 19) de la région. L’Iran (au moins 507), l’Arabie saoudite (146) et l’Irak (au moins 125) concentrent l’essentiel d’entre elles, tandis qu’il n’a été possible de confirmer aucun chiffre pour la Syrie et la Libye. Quant aux condamnations à mort, elles furent au moins 619 dans 17 pays (tous ceux de la région, à l’exception d’Oman et d’Israël) –, ce chiffre n’incluant ni la Syrie ni l’Iran faute de statistiques disponibles.Le Vatican s’est définitivement prononcé contre la peine de mort en 1969 et le pape François vient de proclamer la nécessité d’inclure l’abolition de la peine de mort dans le catéchisme. L’islam favorise la reconnaissance du droit à la vie, « don de Dieu », encourage la grâce – souvent présidentielle ; mais il autorise aussi la peine capitale dans trois cas : l’apostasie, l’adultère et le meurtre.

Avec la recrudescence des actes de barbarie et des exactions spectaculaires commis durant « les printemps » arabes entre 2011 et 2018, la peur, le ressentiment, le désir violent de vengeance et de rétorsion se développent tellement qu’il faut désormais réserver une problématique consacrée à la relation entre le terrorisme et la peine de mort.


(Lire aussi : L'ONU dénonce l'injustice des 75 condamnations à mort prononcées par l’Égypte)


Combat d’arrière-garde
On peut ajouter à ce descriptif sommaire une réflexion d’ordre sociopolitique, afin de contribuer à promouvoir une culture de l’abolition dans une région en tourmente permanente depuis des décennies. De la Turquie à l’Iran, en passant par les pays d’Afrique du Nord, les soubresauts ne cessent de se succéder. Tantôt intégriste, tantôt libéral, l’islam est souvent un levier politique majeur. L’exacerbation, relativement récente de l’antagonisme sunnite-chiite, marque fortement les clivages. Depuis la révolution khomeyniste de 1979 en Iran et la montée du radicalisme taliban en Afghanistan et au Pakistan, le monde assiste impuissant à un dangereux combat d’arrière-garde.

Des États musulmans, les émirats du Golfe et la Jordanie (au moins partiellement) ont pris le parti de l’ouverture à l’Occident, au commerce et aux échanges internationaux. Les émirats d’Abou Dhabi, de Dubaï, Muscat et Doha connaissent un tel essor de modernité que la question ne se pose plus de savoir s’il faut ou non céder à la tentation de la globalisation, mais plutôt de savoir dans quelle mesure l’islam joue le rôle d’une pesanteur vivace et dans quels domaines. Modernité certes, mais à condition de ne pas remuer les fondamentaux religieux. Cette tendance visant à préserver l’identité islamique tout en mettant en avant l’ouverture et le libéralisme économiques et financiers est hautement perceptible au travers des codifications nouvelles, de la multiplication des centres d’arbitrage commerciaux, du développement des marchés financiers, de l’essor des entreprises. Ce dynamisme ne se dément pas, même après les crises suscitées par les différents « printemps » arabes.

D’autres pays arabes, comme l’Égypte, l’Irak, la Libye, la Syrie, connaissent les séquelles des mouvements et des soubresauts que l’intégrisme islamique a provoqués depuis moins d’une décennie. L’enjeu y paraît tellement dépendant de la religion, voire du communautarisme – tantôt chiite, tantôt sunnite – que les gouvernements changent ou sont reversés au gré des violences inouïes pratiquées au nom de l’islam. Ceci a été parfois instrumentalisé, grâce à des moyens financiers importants, par les « puissances » régionales agissant ou non de concert avec des alliés étrangers à la région. Mais le fait est que la notion de dignité de la vie humaine a perdu son importance première, pour céder la place à l’horreur et la peur, au nom d’un renouveau de l’islam conquérant. La réaction des pouvoirs en place, en Syrie, en Libye, en Irak, en Égypte, ne fut pas moins violente. La mort – la mise à mort – est ainsi banalisée. Sans compter les désirs de vengeance, la volonté d’imposer des peines expiatoires et exemplaires. Pour rester au pouvoir, ne faut-il pas « imposer son autorité » ?


(Lire aussi : Peine de mort contre al-Aouda : les messages de MBS)


Culture de mort
Les montées en puissance d’une culture, voire d’une doctrine de l’assassinat et du suicide, des actes de terrorisme et d’explosions collectives sont devenus une arme de guerre et de jihad. Depuis 2001, mais surtout 2011, les traumatismes se succèdent au rythme des soubresauts populaires, des renversements de dictateurs impénitents et des printemps arabes. Nous baignons dans les eaux de l’agitation aux horizons imprécis, aux suites aujourd’hui inconnues. La peine de mort ne peut plus servir de sanction à l’encontre de ceux qui ne répugnent pas à gagner le royaume de certains cieux au prix de la terreur que leur action inspire. La mort gagne de nouvelles frontières, celles de l’infiniment odieux et de l’inénarrable culte du martyre politique et de la « bombe humaine ». La vie et la mort n’ont plus droit à un minimum de respect au-delà d’un seuil de fanatisme ou d’inculture.

Il est impossible de considérer l’attitude des pays arabes du Moyen-Orient vis-à-vis de la peine de mort sans avoir une idée globale du climat sociopolitique ambiant. Dans ces pays, le recours à la peine de mort apparaît en effet dépendant de la nature du régime politique, de la religion et de l’idée que l’on se fait de l’ordre public. Plus le pouvoir est autoritaire, plus il a peur pour sa survie, surtout s’il est minoritaire : il voudra dompter et dominer les réactions populaires. D’autres facteurs viennent aggraver la situation, comme le commerce et le trafic de drogue.

Entre-temps rien n’empêche que des pays islamiques établissent un moratoire de fait. Cela préserve leur croyance autant que les idéaux de justice et d’harmonie avec les droits humains. La personne humaine n’est plus une chose. La communauté internationale le déclare depuis des décennies.

Ancien ministre de la Justice (2008-2011).


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commentaires (1)

Il est regrettable que M. Najjar qui plaide ici pour une cause noble et juste - l'abolition de la peine de mort - fasse des amalgames étonnants avec la religion et mette en accusation les printemps arabes. Il place même le mot printemps entre guillemets pour signifier qu'à ses yeux, ce terme est utilisé à mauvais escient. Il n'y a pas selon moi de lien de cause à effet entre la peine de mort et la religion et pas toujours entre la peine de mort et l'autoritarisme politique. Ou alors il faudrait expliquer son application aux Etats-Unis et ailleurs hors du monde musulman. Quant aux printemps arabes, leur vie fut tellement courte qu'il me paraît bien difficile de définir les lignes d'un régime politique qui en serait issu. Le seul exemple qui me vient à l'esprit est la Tunisie où le régime est beaucoup plus progressiste qu'ailleurs dans la région et en Afrique du nord en particulier malgré quelques soubresauts.

Marionet

09 h 23, le 16 septembre 2018

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Commentaires (1)

  • Il est regrettable que M. Najjar qui plaide ici pour une cause noble et juste - l'abolition de la peine de mort - fasse des amalgames étonnants avec la religion et mette en accusation les printemps arabes. Il place même le mot printemps entre guillemets pour signifier qu'à ses yeux, ce terme est utilisé à mauvais escient. Il n'y a pas selon moi de lien de cause à effet entre la peine de mort et la religion et pas toujours entre la peine de mort et l'autoritarisme politique. Ou alors il faudrait expliquer son application aux Etats-Unis et ailleurs hors du monde musulman. Quant aux printemps arabes, leur vie fut tellement courte qu'il me paraît bien difficile de définir les lignes d'un régime politique qui en serait issu. Le seul exemple qui me vient à l'esprit est la Tunisie où le régime est beaucoup plus progressiste qu'ailleurs dans la région et en Afrique du nord en particulier malgré quelques soubresauts.

    Marionet

    09 h 23, le 16 septembre 2018

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