Alors qu’il était interrogé le 31 août dernier par le bureau de lutte contre la cybercriminalité, vraisemblablement pour avoir relayé sur les réseaux sociaux une publication portant sur saint Charbel, le directeur du Centre libanais pour les droits de l’homme (CLDH), Wadih el-Asmar, a appris par la même occasion qu’il faisait l’objet d’une plainte déposée contre lui par le Centre catholique d’information concernant cette même publication. Une information confirmée à L’Orient-Le Jour par le directeur du centre, le père Abdo Abou Kasm.
« Nous avons effectivement porté plainte contre Wadih el-Asmar parce que ce dernier a porté atteinte à saint Charbel et qu’il a adopté intentionnellement un ton moqueur », a déclaré le père Abou Kasm à L’OLJ. L’affaire a commencé en juillet dernier lorsque l’activiste Charbel Khoury avait posté une blague sur saint Charbel sur les réseaux sociaux. Wadih el-Asmar a relayé cette publication en ligne au moment où le jeune homme était interrogé par le bureau de lutte contre la cybercriminalité, « pour défendre les personnes qui donnent leur opinion », comme il l’avait assuré à L’OLJ auparavant. Le père Abou Kasm a révélé que le centre a retiré la plainte qu’il avait déposée à l’encontre de Charbel Khoury après que ce dernier eut effacé la publication en question. Il a souligné que le centre fera de même pour Wadih el-Asmar s’il efface la publication relayée, chose que le directeur du CLDH refuse catégoriquement.
« Nous exprimons l’avis des fidèles chrétiens et ils sont beaucoup plus nombreux que ceux qui appuient Wadih el-Asmar (…) On nous a dit que Wadih el-Asmar était croyant et qu’il allait à l’église, mais ce qu’il a fait est faux. Nous voulons lui ouvrir les yeux à ce sujet », a affirmé le père Abou Kasm à L’OLJ.
Une affaire qui n’est pas sans rappeler celle de l’homme d’affaires Michel Éleftériadès, dont des sculptures avaient été saisies en 2016 car soupçonnées de représenter des symboles sataniques. Le Centre catholique d’information était alors intervenu pour dénoncer les dangers du satanisme au Liban et avait analysé la symbolique religieuse de certains des animaux représentés par M. Éleftériadès.
Contacté par L’OLJ, Wadih el-Asmar a dénoncé pour sa part une « répression étrange et inacceptable ». « Je ne pense pas que le père Abou Kasm travaille sans l’accord de Bkerké. C’est cela les préoccupations de Bkerké à l’heure actuelle, poursuivre les activistes ? » s’est demandé le directeur du CLDH.
M. Asmar devrait comparaître aujourd’hui devant la procureure générale Ghada Aoun, mais son avocat va demander un report de l’audience car il est actuellement en voyage. « Je pense que l’audience prévue aujourd’hui était une tentative de la procureure générale de procéder à un arbitrage entre le Centre catholique d’information et moi-même pour qu’il retire sa plainte si j’effaçais ma publication sur les réseaux sociaux (...) Je ne vais pas enlever le post ; c’est la seule chose que j’ai dite aux enquêteurs vendredi dernier après concertation avec mes avocats », a révélé M. Asmar qui a tenu à ne pas répondre durant son interrogatoire, en vertu de l’article 47 qui donne le droit au prévenu de garder le silence.
« C’est cela la liberté d’expression ?
La loi fait la différence entre la moquerie et la liberté d’expression. La liberté d’expression est sacrée pour nous, mais il y a une façon civilisée de dire les choses. M. Asmar voulait clairement se moquer », s’est défendu le père Abou Kasm.
Le prélat a toutefois tenu à assurer que le Centre catholique d’information respectait la loi libanaise et ses décisions. « Nous ne sommes pas un pouvoir répressif (…) Nous respectons ce que la loi aura à dire. Si la loi ne voit pas une atteinte à la religion dans cette affaire, nous accepterons son verdict », a-t-il dit.
« J’ai été insulté »
L’interrogatoire subi par Wadih el-Asmar le 31 août dans les bureaux de lutte contre la cybercriminalité a été pour le moins surréel. « On m’a appelé la veille de ma convocation, à 22 heures, pour me dire que la personne qui devrait m’interroger était occupée, et on m’a donc demandé de ne pas me présenter le lendemain, a confié M. Asmar à L’OLJ. J’ai refusé d’obtempérer et me suis quand même présenté avec mes trois avocats. » Sur place, ses avocats s’écharpent avec un des militaires avant d’apprendre qu’il s’agissait de la personne qui devait l’interroger et qui l’a appelé pour annuler l’interrogatoire.
« Je pense que c’était une tentative pour me dissuader de me présenter à la date convenue pour que l’on puisse ensuite m’arrêter pour ne pas avoir été à l’interrogatoire », a souligné M. Asmar.
Il a ensuite été interrogé pendant trois heures et assailli de questions auxquelles il n’a pas répondu, telles que : « Par qui es-tu financé ? Est-ce quelqu’un de l’étranger qui t’as demandé de relayer la publication ? Sais-tu que tu as manqué de respect à la religion ? »
« Je n’ai pas été frappé, mais insulté en permanence. Je pense qu’ils avaient des instructions pour ne pas me battre, mais ils ont proféré des paroles qui ne sont pas dignes des agents des FSI, a-t-il souligné. Je pensais durant tout ce temps aux personnes qui sont soumises à ce genre d’interrogatoire et qui ne sont pas soutenues par qui que ce soit et n’ont même pas d’avocats. Je pense porter plainte pour mauvaise conduite contre le lieutenant qui m’a interrogé car il m’a insulté devant tout le monde. »
Wadih el-Asmar a par ailleurs demandé « plus de transparence » de la part des autorités. « Je veux qu’on me dise clairement pour quelles raisons on me reproche de porter atteinte aux religions », a souligné l’activiste qui a dit ne pas savoir pour l’instant si c’est la plainte du Centre catholique d’information qui est à l’origine de sa convocation ou s’il fait l’objet d’une autre plainte dont il n’a pas encore été informé.
commentaires (9)
100% avec mr Asmar. St Charbel n’a pas besoin qu’ on defende son honneur. D’ailleurs le Centre Catholique “d’information” essentiellement repand de l’information religieuse. Je doute fort que la plainte soit strictement cela.
Allam Charles K
12 h 50, le 07 septembre 2018