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Moyen Orient et Monde - Décryptage

En Irak, un ultime bras de fer avant la formation du gouvernement

Le nouveau Parlement s’est réuni hier pour la première fois alors que deux coalitions revendiquent la majorité.


Les députés irakiens lors de la première session du nouveau Parlement hier. Stringer/Reuters

Il aura fallu presque quatre mois pour que la situation politique commence à se décanter en Irak. Après les élections du mois de mai, et le recomptage manuel des voix ordonné par la Cour suprême, le nouveau Parlement s’est finalement réuni hier pour la première fois. Caractéristique de la politique de plusieurs pays de la région, des alliances se sont faites et défaites à l’ombre des influences étrangères, et dans la nuit de dimanche à lundi, deux coalitions ont finalement vu le jour, issues des quatre listes en tête des élections. La situation n’est pas devenue beaucoup plus limpide pour autant.

Et pour cause : c’est à la veille de la première séance du Parlement que les deux coalitions ont vu le jour. La première regroupe les listes Sairoon (54 députés) et al-Nasr (42 députés), emmenées respectivement par le religieux chiite Moqtada Sadr et le Premier ministre sortant Haider el-Abadi, et revendique 177 députés, soit plus de la moitié du Parlement. En face, la coalition issue de l’alliance entre les listes Fateh (47 députés), groupement issu des milices Hachd al-Chaabi, proches de l’Iran, et État de droit (State of Law, SOL, 25 députés), emmenée par l’ancien Premier ministre Nouri el-Maliki. Elle revendique 153 députés.

Malgré la différence en nombre de députés, les deux blocs nouvellement formés se disputent le titre de la plus large coalition. MM. Ameri et Maliki affirment avoir la signature de chacun des 153 députés de leur coalition, tandis que l’autre coalition a les signatures de 16 têtes de liste. L’argument mis en avant par les partisans de M. Maliki est que certains députés refuseront de suivre les consignes de liste. Le bloc Maliki-Ameri affirme même avoir débauché 21 députés d’al-Nasr, la liste de M. Abadi, dont l’ex-chef des unités paramilitaires du

Hachd al-Chaabi, Fadel el-Fayadh. M. Abadi avait destitué jeudi dernier M. Fayadh de ses fonctions de chef du Hachd et de conseiller à la sécurité nationale, lui reprochant de « s’être impliqué dans des affaires politiques partisanes, ce qui contrevient aux règles de neutralité auxquelles sont astreints les membres des forces de sécurité et du renseignement ». Le premier soupçonnait le second de négocier derrière son dos avec la liste du Fateh, emmenée par M. Ameri. Au-delà de ces affirmations et au niveau légal, il n’y a pas « d’explication dans la Constitution » qui précise si le sens de coalition la plus large est « en termes de listes électorales ou de députés individuels », indique à L’Orient-Le Jour Hosham Dawod, anthropologue et spécialiste de l’Irak au CNRS français, qui souligne que « la Cour fédérale devra trancher cette question très vite », et que sa décision fera jurisprudence.


(Lire aussi : Moqtada Sadr, le clerc chiite qui défie Téhéran)


« Affaissement du rôle de l’Iran »

Dans cette configuration, les partis kurdes, avec une soixantaine de députés, devraient jouer le rôle de faiseur de roi. Leurs décisions sont toujours incertaines. M. Dawod explique qu’il y a « trois tendances » actuellement sur la scène politique irakienne. La première est « irako-nationale », se concentrant au-delà de l’ethnie ou de la religion sur la consolidation de l’État de droit, poursuivant une politique étrangère équilibrée et indépendante. Celle-ci est incarnée aujourd’hui par des gens tels que MM. Abadi et Sadr. La deuxième se méfie de la première, par peur principalement d’un pouvoir central trop fort, et est plutôt constituée de forces politiques kurdes et sunnites, qui mettent l’accent sur la reconnaissance des spécificités du peuple irakien. Enfin, la troisième tendance, incarnée aujourd’hui par MM. Ameri et Maliki, est pro-iranienne et ne voit pas d’objection à ce que la légitimité de l’État soit partagée avec des groupes paramilitaires. Dans ce contexte, la position des Kurdes, qui partagent avec la première tendance le refus de ce qui est perçu comme une soumission à une puissance externe, et avec la troisième la méfiance envers un État central trop fort, reste en suspens.

Au-delà des éléments internes qui n’indiquent pas de manière certaine laquelle des deux listes sera chargée de former le gouvernement, il y a les facteurs externes : l’influence des pays étrangers, et notamment de l’Iran. Suite à la victoire de la liste de Moqtada Sadr aux élections de mai, Téhéran s’était activé pour tenter de sauvegarder et renforcer son influence en Irak, alors que M. Sadr était présenté comme un partisan de la souveraineté de l’Irak et adversaire des tendances expansionnistes de l’Iran en Irak. Le général Kassem Soleimani en personne, chef de la force al-Quds, bras armée des gardiens de la révolution, s’était déplacé pour tenter de former une grande alliance regroupant toutes les forces politique chiites, mais en vain. « Toutes les tentatives de Kassem Soleimani depuis mai pour trouver la formule politique qui lui convient et imposer un rôle important à son allié (Hachd el-Chaabi) ont échoué », note à L’OLJ l’analyste Moustapha Fahs, qui ajoute que « c’est ce que nous appelons un affaissement du rôle de l’Iran : il a toujours ses outils, mais ils ne suffisent plus à implémenter une décision ».

La session du Parlement doit reprendre aujourd’hui à huis clos sous la direction du doyen, et les députés doivent élire le président de la Chambre (qui, selon un gentlemen’s agreement, est sunnite) ainsi que ses deux adjoints. Ceux-ci élus, les députés ont 30 jours pour élire le président de la République (kurde), qui disposera de 15 jours pour charger la plus large coalition parlementaire de former un gouvernement dirigé par un chiite. Le prochain nœud est d’identifier celle-ci.



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CHERCHEZ L,IRAN...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 06, le 04 septembre 2018

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  • CHERCHEZ L,IRAN...

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    12 h 06, le 04 septembre 2018

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