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Moyen Orient et Monde - Focus

Le dilemme de Bagdad face au Hachd el-Chaabi

La question de l’intégration de la coalition paramilitaire au sein de l’appareil sécuritaire irakien fait aussi débat entre ses membres.

Des combattants des unités paramilitaires du Hachd el-Chaabi avancent en convoi vers les villages situés entre Hawija et Kirkouk, le 6 octobre 2017. Photo d’archives/AFP

Arrivé en deuxième place derrière la liste de Moqtada Sadr lors des élections législatives irakiennes du 12 mai dernier, le bloc de l’Alliance du Fateh formé par les milices de la Mobilisation populaire – le Hachd el-Chaabi en arabe – s’impose en acteur incontournable. Les groupes de la coalition paramilitaire tracent désormais leur chemin sur la scène politique du pays, une évolution qui soulève une question de taille à Bagdad, à savoir s’il faut intégrer ces milices aux sphères de l’État, tandis que le Premier ministre irakien, Haïder al-Abadi, tente de former un gouvernement.

Le Hachd el-Chaabi, qui entend profiter de l’affaiblissement des institutions de l’État irakien, joue de la légitimité acquise au fil de ces quatre dernières années grâce à son rôle crucial aux côtés des troupes irakiennes dans la chute de l’organisation État islamique proclamée en décembre dernier.
Créée en 2014 suite à l’appel de l’influent ayatollah irakien Ali Sistani à combattre l’EI, la coalition proche de l’Iran est composée de 60 à 70 milices formant un ensemble hétéroclite regroupant près de 90 000 Irakiens majoritairement chiites, mais aussi sunnites et chrétiens, entre autres. Elle est financée par le gouvernement irakien et par des sources privées. En novembre 2016, les forces du Hachd sont officiellement intégrées à celles du gouvernement irakien, mais le poids de Téhéran reste le plus prégnant. En ce sens, les groupes de la coalition ne font pas front uni sur le plan politique au sujet de leur intégration à l’appareil sécuritaire irakien.

Si l’ayatollah Sistani a demandé la dissolution des milices et que toutes les armes soient rendues à l’État dans un sermon lu en son nom en décembre dernier, l’idée est loin de faire l’unanimité. Les groupes acquis à Téhéran, tels que les Kataëb du Hezbollah ou encore l’Organisation Badr menée par Hadi el-Amiri, détiennent le plus de poids au sein de la coalition et défendent le modèle iranien basé sur le velayat-e-faqih.

La problématique d’une possible insertion du Hachd el-Chaabi au sein des forces gouvernementales était au centre du rapport de l’International Crisis Group (ICG) présenté lundi au Centre Carnegie de Beyrouth par Renad Mansour, chercheur à Chatham House, et Heiko Wimmen, le directeur du projet Irak, Syrie et Liban de l’ICG. La dualité des pouvoirs qu’implique la présence du Hachd el-Chaabi au sein de la sphère étatique inquiète certains observateurs. Cette dynamique n’est toutefois pas étrangère aux pays de la région et « est souvent le résultat de conflits ou d’arrangements politiques suite à une crise », a nuancé Yezid Sayegh, chercheur associé au Centre Carnegie, également présent à la conférence. Le Liban, l’Iran, la Libye, le Soudan sont autant d’exemples où l’État opère au quotidien avec une force armée militaire parallèle. L’option est applicable au cas irakien « tant qu’elle reste dans le cadre réglementaire et opérationnel sur la manière dont le recrutement est effectué, sur l’entrée à l’école des officiers, sur l’attente selon laquelle tous les agents doivent avoir une formation professionnelle et sur une structure financière claire en termes de salaires, d’avantages et de pensions », a souligné M. Sayegh.


(Pour mémoire : « L’avenir des relations entre Washington et Téhéran risque de déstabiliser l’Irak à court terme »)


Compétition avec l’État
Une stratégie qui pourrait permettre de limiter l’emprise de Téhéran sur Bagdad alors que la République islamique « considère le Hachd comme une politique d’assurance contre le retour d’un État irakien fort et antagoniste à sa frontière, soutenu par les États-Unis et l’Arabie saoudite, ou contrôlé par un ennemi tel que l’État islamique », note le rapport de l’ICG. Plutôt que de dénoncer l’influence iranienne, « une meilleure façon de juguler le phénomène paramilitaire est de rendre le Hachd redondant en transférant le pouvoir et la capacité, par étapes, aux institutions formelles de sécurité », préconise-t-il. Selon le document, « cette approche pourrait exploiter les puissants courants politiques irakiens qui résistent déjà à l’infiltration iranienne dans les institutions étatiques de sécurité et de renseignement et qui repoussent l’influence iranienne ».

L’entre-deux dans lequel se trouve le Hachd est loin de faciliter la mise en place de mesures gouvernementales à l’égard de la coalition paramilitaire alors que M. Abadi lui-même semble ne pas avoir de vision claire sur l’avenir des membres du Hachd el-Chaabi au sein de l’État. La possibilité d’intégrer les milices à l’État en tant que garde nationale a été mise en avant dans un projet de loi par le Premier ministre irakien en 2015 avant d’être rejetée par le Parlement. Pourtant, cette proposition convient aux groupes de la coalition car « ils n’ont pas les compétences techniques ou les capacités comme le service de lutte antiterroriste (CTS) ou de l’armée, ils n’ont pas ce type d’entraînement », a observé Renad Mansour.

Fort de son succès militaire, le Hachd el-Chaabi s’est également imposé comme un élément indispensable pour combler le vide laissé par l’État dans certains domaines, une dynamique qui se répète en Irak depuis l’invasion américaine de 2003. « Parfois, ils (les membres du Hachd el-Chaabi) coopèrent avec l’État et à d’autres moments, ils sont en compétition avec l’État », a souligné M. Mansour. À titre d’exemple, « la compagnie nationale n’était pas en mesure de ramasser les déchets à Bassora » où les manifestations populaires se sont multipliées ces dernières semaines, a-t-il indiqué. Selon lui, « le Hachd a décidé de prendre le contrat, sans recevoir de paiement mais en l’utilisant comme un outil de diplomatie publique ».



Pour mémoire

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commentaires (2)

L'indispensable recette pour bâtir un pays digne de ce nom c'est d'enlever les armes des mains de partis... Les exemple sont légions...

Pierre Hadjigeorgiou

10 h 14, le 01 août 2018

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Commentaires (2)

  • L'indispensable recette pour bâtir un pays digne de ce nom c'est d'enlever les armes des mains de partis... Les exemple sont légions...

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 14, le 01 août 2018

  • IL FAUT S,EN DEBARRASSER !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 11, le 01 août 2018

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