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Moyen Orient et Monde - Reportage

En Jordanie, l’Unrwa veut envoyer un message d’espoir à ses écoliers

L’organisation est en pleine crise en raison notamment de la décision américaine de ne plus contribuer à son financement.


Les élèves de l’école pour filles du camp palestinien de Wehdat, dans le sud de Amman, peignent sur le mur « Protect Education ». Photo Laure Van Ruymbeke

À 10h30 ce dimanche 2 septembre, les élèves de l’école pour filles du camp palestinien de Wehdat, dans le sud de Amman, se tiennent prêtes. C’est la rentrée des classes. Au total, 800 écolières y prennent des cours, de la sixième à la terminale. À l’entrée, certaines d’entre elles peignent sur les murs ces mots : « Protect Education. » Les autres attendent, en rang, dans la cour de récréation, en souriant. C’est un grand jour pour l’école, puisque c’est ici que le commissionnaire général de l’Unrwa, Pierre Krähenbühl, a choisi de célébrer l’ouverture des écoles financées par l’organisation en Jordanie. Une opération de communication visant à rassurer les destinataires des aides alors que les États-Unis, principal contributeur, ont annoncé récemment qu’ils ne financeraient plus l’organisation. Des invités de marque sont présents pour l’occasion : ambassadeurs et représentants de pays donateurs, ceux qui ont décidé, ces derniers mois, d’accroître leur soutien financier à l’Unrwa. Des pays du Golfe, surtout, mais aussi des pays européens.

Pierre Krähenbühl est accueilli en triomphe par des écolières qui l’applaudissent, lui offrent des bouquets de fleurs et brandissent des pancartes sur son passage, « Dignity is Priceless ». C’est le hashtag de la campagne de financement que l’Unrwa a lancée en janvier dernier, lorsque les États-Unis ont annoncé une première coupe budgétaire de 65 millions de dollars. « Nous accueillons, bien sûr, les élèves du royaume de Jordanie ici aujourd’hui, mais nous souhaitons partager cet instant avec les élèves de Gaza, de Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est, et ceux de l’Unrwa au Liban et en Syrie. Ils font tous partie d’une communauté fière d’apprendre », déclare M. Krähenbühl devant l’assemblée. Pour l’agence, l’ouverture des écoles dans la région est un symbole fort. Son speech est suivi par des prises de parole de quelques élèves. Parmi eux, Ahmad Baker, un étudiant d’une autre école de l’Unrwa. D’un ton ferme et assuré, il s’exprime : « L’éducation est notre chemin pour le futur, l’innovation et le succès. Mais je dois vous dire que je suis un peu inquiet pour l’avenir. »


(Lire aussi : Arrêt de financement US de l’Unrwa : un coup dur de plus pour Abbas)


« Est-ce que nos écoles vont rester ouvertes ? »

Après une visite des classes de l’école, le commissaire général se veut rassurant pour les élèves. Lors d’une conférence de presse, il explique : « Les élèves ont neuf ans et ils me demandent “Est-ce que nos écoles vont rester ouvertes ?”. Je ne veux pas qu’ils s’inquiètent à ce point. Je veux que le management de l’Unrwa s’inquiète, car c’est notre responsabilité d’aller trouver de l’argent, et je veux que les élèves et leurs professeurs se concentrent sur ce qu’il se passe dans la classe. » Parmi les 5,3 millions de réfugiés palestiniens dont s’occupe l’agence, plus de 500 000 élèves sont concernés par l’ouverture des écoles, au nombre de 692 dans le Proche-Orient. Les professeurs, quant à eux, sont également des réfugiés palestiniens qui pourraient perdre leur emploi.

Si Pierre Krähenbühl a fait le déplacement, c’est aussi pour défendre les activités de l’Unrwa, qui a fait l’objet de critiques américaines ces derniers jours. La porte-parole du département d’État américain, Heather Nauert, a notamment qualifié l’Unrwa d’« opération imparfaite et incurable. » Le commissaire général répond : « Nous rejetons sans réserve tous les commentaires et toutes les critiques qui ont été dits de façon générique, sur la corruption ou notre manque de discipline. L’Unrwa est une organisation disciplinée. Tous les ans, nous publions un rapport robuste à l’Assemblée générale de l’ONU. Nous sommes probablement l’organisation humanitaire la plus surveillée, chaque donateur contrôle notre action. Nous avons un dialogue critique avec eux, parfois ils nous disent que certaines choses ne vont pas. »

Répondant ensuite aux accusations du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a déclaré que l’agence avait été créée pour perpétuer le statut de réfugiés des Palestiniens, il poursuit : « Cela fait 27 ans que je travaille dans des zones de conflit. Ce n’est pas la première fois que je vois des États membres instrumentaliser l’action humanitaire. Nous ne sommes pas mandatés pour nous ingérer dans la politique, surtout pas dans le conflit israélo-palestinien. C’est la défaite totale des parties et de la communauté internationale pour résoudre ce conflit qui explique pourquoi les réfugiés palestiniens sont toujours des réfugiés, soixante-dix ans plus tard. Cela n’a rien à voir avec une perpétuation du conflit par l’Unrwa. »

« Une pression de plus »

L’Unrwa doit couvrir un déficit de 217 millions de dollars jusqu’à la fin de l’année. Si la rentrée s’est correctement déroulée en septembre, l’agence a-t-elle un avenir ? Selon Majid Asfour, analyste politique jordanien, « elle continuera, mais ils vont devoir supprimer certains de leurs services pour les réfugiés. Les écoles doivent rester en activité, c’est très important. Mais si les fonds ne sont pas trouvés, alors elles n’auront d’autre choix que de fermer ». Il s’agit, d’après l’analyste, d’« une pression de plus mise par les États-Unis aux pays d’accueil pour imposer leur “deal du siècle”, avec le soutien d’Israël ». La Jordanie, qui accueille 2,1 millions de réfugiés palestiniens enregistrés, soit un cinquième de la population, s’est toujours appuyée sur l’Unrwa. « Le pays essaie de trouver des fonds, surtout auprès des pays arabes voisins. Car si l’agence cesse d’opérer, cela voudrait dire que ces réfugiés passeraient sous la responsabilité des Jordaniens, qui n’en ont pas les moyens », poursuit Majdi Asfour. Une collecte de fonds est prévue le 27 septembre, en marge d’une conférence de l’ONU à New York, organisée par la Jordanie, la Suède, l’Union européenne, la Turquie et le Japon.



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