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Moyen Orient et Monde - Moyen-Orient

John McCain, serviteur de la grandeur américaine ou va-t-en-guerre ?

Le sénateur, mort samedi à l’âge de 81 ans, candidat malheureux à la présidentielle de 2008, s’est illustré dans la région par son jusqu’au-boutisme en Irak et sa ligne dure à l’égard de l’Iran.

Depuis son entrée à la Chambre des représentants vingt ans plus tôt, John McCain avait trouvé un petit groupe de pairs sur qui compter. Un groupe qui enjambe l’hémicycle de droite à gauche. Qu’ils soient de sa famille politique, comme le républicain Chuck Hagel, ou non, à l’instar des démocrates Jim Webb ou John Kerry, ils appartiennent tous à la famille des vétérans du Vietnam. Ils s’associent plusieurs fois, malgré leurs couleurs respectives. Comme en 1993 lorsque John Kerry, futur secrétaire d’État de Barack Obama, et John McCain, son futur compétiteur, obtiennent le rétablissement des liens diplomatiques avec le Vietnam. Un lien indéfectible semble les rappeler lorsque, au-delà de la routine politique, les intérêts américains sont en jeu. Cette complicité, née dans l’expérience vietnamienne, va trébucher sur un pays du Moyen-Orient. Les honneurs que lui a valu sa détention pendant cinq ans par les Nord-Vietnamiens, après l’abattage de son avion de chasse au-dessus de Hanoi en 1967, ont facilité ses débuts en politique. Il est le héros de guerre qui sait de quoi il parle. Mais en ce début d’année 2008, le dossier irakien sera crucial lors de la campagne présidentielle qui pourrait sceller sa carrière.

John McCain est l’un des seuls, parmi tous ses anciens frères d’armes, à vouloir en faire toujours plus en Irak. Il prône l’envoi de renfort, à hauteur de 100 000 personnels supplémentaires, ce dont l’Amérique ne dispose pas, et une augmentation des dépenses militaires, auxquelles Washington consacre « moins de 4 % du produit national brut, ce qui est sensiblement inférieur à notre effort du temps de la guerre froide », se désole-t-il dans un texte publié en novembre 2017 dans la revue Foreign Affairs. « Compte tenu des dangers actuels, poursuit-il, notre pays ne peut pas se permettre le genre de vague à l’âme, de dérive et de pusillanimité qui ont suivi la guerre du Vietnam. Le prochain président doit être prêt à conduire l’Amérique et le monde à la victoire. » Un « syndrome de Hanoi » semble avoir pris possession de McCain. Il projette systématiquement le Vietnam passé sur le théâtre irakien. Des confrères font remarquer, subtilement et en prenant soin d’honorer l’endurance de McCain durant ses cinq ans et demi passés en prison, où il connut la torture, que les leçons qu’il tire du Vietnam pour l’Irak viennent de son expérience particulière de la guerre. Les pires années de cette dernière, le pilote McCain les a passées dans la prison du « Hanoi Hilton », lieu de détention des GI. Au même moment, John Kerry, Jim Webb ou Chuck Hagel crapahutaient dans la jungle et cherchaient qui, parmi les civils vietnamiens, pourrait se révéler d’une seconde à l’autre être leur assaillant. Une incertitude qui poursuivra leurs enfants une trentaine d’années plus tard en Irak. Pour John McCain, le naufrage américain au Vietnam est à mettre sur le compte d’un électorat et d’une presse défaitistes. Jugeant que la défaite est le résultat d’un épuisement psychologique, le sénateur édulcore un peu la réalité. Ou la transforme carrément parfois. Il est forcé de nier son affirmation selon laquelle le général Petraeus se déplace à Bagdad « presque chaque jour à bord d’un Humvee non blindé ». Mais c’est le tableau qu’il fait à la presse d’une virée sur le marché de Bagdad en mars 2007 qui fait le plus gros flop. À l’émission radiophonique de Bill Bennett, il déclare revenir tout juste d’un quartier de la capitale irakienne « où vous et moi, nous pourrions nous promener tranquillement ». Peu de temps après, le journaliste Michael Ware raconte pour CNN que les militaires qu’il a rencontrés la veille ont accueilli les propos de McCain avec « un éclat de rire général ». Un rire jaune, imputable à l’arsenal sécuritaire déployé pour la balade : un gilet pare-balles, une centaine de fantassins et cinq hélicoptères pour survoler la zone.

Un lien personnel avec Israël

La brouille irakienne a abîmé de façon irréversible la « famille du Vietnam » au Congrès. Mais John McCain cultive d’autres amitiés solides et transpartisanes lors de ses déplacements au Moyen-Orient. L’une d’elles le lie au sénateur démocrate du Connecticut Joseph Liebermann, un juif orthodoxe avec lequel il voyage de nombreuses fois en Israël. Leur duo est complété dans les années 2000 par le sénateur Lindsey Graham, qui se joint à leurs périples en Terre promise. Ensemble, ils se font surnommer « les trois caballeros », d’après un chef-d’œuvre de Disney. McCain taquine son compère démocrate sur son mode de vie pieux et ose s’exclamer tout haut, lors d’une réception à l’ambassade israélienne honorant Lieberman : « Pourquoi, dans chaque put*** de menu casher, doit-on avoir du saumon ? » rapporte le Haaretz. En 2008, Joseph Lieberman, qui n’est plus officiellement démocrate mais continue de fréquenter le parti, apporte son soutien au franc-parleur. McCain pense sérieusement le choisir comme colistier. L’establishment républicain l’en dissuade, et à la dernière minute, c’est la gouverneure d’Alaska Sarah Palin qui est sélectionnée.

Il se rend en Israël durant la campagne électorale qui suit. Celui qui s’oppose vigoureusement à tout dialogue avec Téhéran, comme suggéré alors par son adversaire Barack Obama, y est naturellement bien accueilli. « Les États-Unis d’Amérique n’autoriseront jamais un second Holocauste », promet-il à l’audimat de la deuxième chaîne de la télévision israélienne. Il prend la tête de la fronde contre la signature des accords de Vienne en 2015. Il exprime son remède au problème nucléaire iranien avec la désinvolture un peu revêche qu’on lui connaît à la Chambre des représentants. En pastichant l’air du tube des Beach Boys, Barbara Ann : « Bomb bomb bomb, bomb bomb, Iran… »


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LES DEUX A LA FOIS !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 25, le 27 août 2018

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  • LES DEUX A LA FOIS !

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