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Moyen Orient et Monde - Éclairage

En Inde, un sort incertain pour quatre millions de musulmans

Les autorités s’apprêtent à déchoir de leur nationalité un grand nombre de personnes qui avaient migré illégalement dans les années 70 après l’indépendance du Bangladesh.

Une manifestation contre des violences contre des musulmans en Assam en 2014. Archive Reuters

Ils sont officiellement des musulmans qui ont migré vers l’Inde illégalement après l’indépendance du Bangladesh en 1971. En réalité, l’Inde s’apprête à déchoir de leur nationalité un nombre indéterminé de ses citoyens (quatre millions) en radiant les sans-papiers musulmans du NRC (Registre national des citoyens). Entre la fraude et les erreurs, l’État risque de conserver des citoyens qui ne devraient pas l’être et d’exclure certains qui y appartiennent de plein droit. Une fois déchues de leur nationalité, ces personnes deviendront un véritable problème pour les voisins de l’Inde, en particulier le Bangladesh, dont elles sont originaires : qu’adviendra-t-il de ces migrants illégaux ?

Un avenir difficile

Analphabètes et pauvres, ceux qui sont sans papiers n’ont qu’un difficile accès aux procédures mises en place pour les aider. Membres de familles éparpillées dans tout le pays, il leur faut trouver des documents prouvant leur arrivée en Inde avant le 24 mars 1971, documents qu’ils ne savent déchiffrer et « que nombre de citoyens indiens eux-mêmes ne sont pas en mesure de fournir », selon les mots de Gilles Vernier, professeur de sciences politiques à l’Ashoka University de Delhi, interrogé par L’Orient-Le Jour.

Le délai du recours est très court : la liste est parue le 30 juillet et les anciens Bengalis ne pourront déposer un recours pour contester la liste qu’à partir du 30 août jusqu’au 28 septembre. Mais au regard des moyens de chacun et du nombre de requêtes qui pourraient être déposées, « le processus complet va prendre des années », s’inquiète Gareth Price, chercheur à Chatham House interrogé par L’Orient-Le Jour. La liste définitive est attendue pour le 31 décembre : le président du BJP, parti nationaliste hindou qui a porté la réforme, Amit Anilchandra Shah, a promis qu’ils pourraient ensuite faire appel. Mais ces migrants en auront-ils la possibilité, au vu de leurs moyens et de la partialité d’une Cour suprême « perçue comme étant aux ordres du pouvoir », selon les mots de Gilles Vernier ?

Ces injustices factuelles se poursuivent dans le domaine juridique : de quel droit accorder un statut différent à des migrants illégaux selon leur religion ? Les hindous sont effectivement comptabilisés dans le NRC, alors que les musulmans sont exclus et menacés d’expulsion. Ils sont présentés comme une « menace à la sécurité nationale » par Amit Shah, oubliant que c’est leur avenir et surtout leur sécurité personnelle qui sont en jeu.

Un sort avant tout incertain

Toutefois, cette situation n’est une surprise pour personne. Face à l’immigration de masse en provenance du Bangladesh, la réticence de l’État d’Assam (extrémité est de l’Inde) avait conduit à un accord. « L’accord d’Assam, au milieu des années 80, stipulait que les migrants les plus récents (après 1971 et la création du Bangladesh) devraient être identifiés, et, si possible, expulsés », explique Gareth Price. Depuis longtemps, les hindous attendent du BJP qu’il applique cet accord. Ils avaient donc signé une pétition, qui avait conduit à une première tentative, en 2009, mais qui a échoué pour cause d’attentats à cette époque. « Cette décision ne ferait que rendre effective la marginalisation dont ils font preuve depuis des décennies », estime Gilles Vernier.

Entre-temps, la procédure juridique suit son cours, et c’est la Cour suprême qui décidera du sort de ces personnes. Au regard du nombre de personnes concernées, il est difficile pour les leaders indiens de choisir parmi une des insatisfaisantes options envisagées : camps aux conditions affreuses ou expulsion vers le Bangladesh qui refuse de les accueillir ? « Tant que la Cour suprême n’a pas encore émis d’avis, il sera difficile d’avancer un avis certain », avance Gareth Price.

La Cour suprême, à qui la décision finale appartient, devrait juridiquement parlant suivre l’accord d’Assam qui viole pourtant les principes de base des droits humains. La non-inscription de ces quatre millions de personnes sur le NRC a suscité un immense tollé parmi les ONG humanitaires. Cela n’a pas empêché la communauté internationale, soucieuse de conserver ses relations économiques avec l’Inde, puissance régionale majeure, de rester de marbre face aux décisions indiennes. La seule certitude est que tout cela laisse cette communauté musulmane dans la situation d’une pesante incertitude.

La seule chose certaine est que ces personnes, à partir du moment où leur sera retirée la nationalité, deviendront une communauté d’apatrides… Privés de nationalité, ils seront privés de tout droit.

Ils sont officiellement des musulmans qui ont migré vers l’Inde illégalement après l’indépendance du Bangladesh en 1971. En réalité, l’Inde s’apprête à déchoir de leur nationalité un nombre indéterminé de ses citoyens (quatre millions) en radiant les sans-papiers musulmans du NRC (Registre national des citoyens). Entre la fraude et les erreurs, l’État risque de...

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