Rechercher
Rechercher

Santé - Cardiologie

Comment prévenir les morts subites, surtout chez les jeunes

Les spécialistes insistent sur la nécessité de former le public aux gestes de premiers secours cardiaques et à l’usage des défibrillateurs automatisés.

Un problème cardiaque est dans la majorité des cas à l’origine de la mort subite. Photo Bigstock

Des histoires de jeunes étudiants décédés subitement lors d’un entraînement sportif, comme un match de foot, sont souvent rapportées. Si la mort subite est plus facilement acceptée dans le cas d’une personne âgée, elle constitue un drame pour la famille et la société lorsqu’il s’agit d’une personne jeune, apparemment en bonne santé.

Et pourtant, la mort subite touche une personne sur mille dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé, qui la définit comme une mort inattendue, de cause naturelle, qui survient soit chez un individu qui ne présentait pas de symptômes, soit dans les soixante minutes qui suivent l’apparition des symptômes.

 « Un problème cardiaque est dans la majorité des cas à l’origine de la mort subite, explique le Dr Mario Njeim, cardiologue et rythmologue à l’Hôtel-Dieu et chargé d’enseignement à l’Université Saint-Joseph. Celle-ci est prouvée par une histoire connue d’une maladie cardiaque ou encore par une autopsie qui établit une cause cardiaque. La mort subite est aussi considérée d’origine cardiaque lorsque aucune autre cause apparente n’a pu être déterminée. » 

Au Liban, il n’existe pas de chiffres officiels sur les morts subites d’origine cardiaque (MSOC) chez les jeunes. D’après la littérature internationale toutefois, on sait que ces morts touchent trois jeunes de moins de 35 ans sur 100 000. Pour mieux faire connaître ce problème, le ministère de la Santé organise, jusqu’à la fin de l’année en cours, une campagne de sensibilisation en collaboration avec le Champs Fund à l’Université américaine de Beyrouth. Dans le cadre de cette campagne, des électrocardiogrammes (ECG) sont effectués chez des athlètes âgés entre 12 et 35 ans. De même, les professionnels de la santé sont formés à l’usage des défibrillateurs externes automatisés et aux techniques de réanimation cardiopulmonaire.

Ces campagnes sont d’autant plus importantes qu’il faudrait sensibiliser les jeunes « qui pensent être protégés et intouchables aux signes qui doivent les alarmer et les pousser à rechercher une aide médicale », avance le Dr Njeim, également membre de Yohan for Life, une ONG qui sensibilise à la MSOC chez les jeunes.



Gêne thoracique, douleur abdominale, difficulté à respirer…
L’arrêt cardiaque reste la principale cause de la mort subite. « Celui-ci survient lorsque l’activité électrique du cœur devient chaotique et anormale et n’arrive plus à générer une activité mécanique normale du muscle cardiaque, note le Dr Njeim. Par conséquent, le cœur arrête de perfuser les organes, en particulier le cerveau. » Et de préciser : « Le cœur est formé de deux chambres supérieures et de deux autres inférieures. L’activité électrique se propage des chambres supérieures vers celles inférieures de façon séquentielle, permettant ainsi au cœur de pomper le sang. On parle d’un arrêt cardiaque lorsque l’activité électrique commence dans les chambres inférieures, devenant ainsi rapide, chaotique et irrégulière (tachycardie), ou lorsque cette activité est interrompue (asystolie) ou inefficace (dissociation électromécanique). » 

Les crises cardiaques ou les infarctus (lorsqu’une artère est bouchée par des plaques de cholestérol) restent les principales causes de l’arrêt cardiaque, constituant près de 70 % des cas. Au nombre des causes également une structure anormale du cœur ou encore un problème au niveau des canaux électriques cardiaques. Il s’agit de maladies cardiaques qui sont souvent à transmission génétique. « Ces cas sont toutefois rares, rassure le Dr Njeim. Cependant, si on sait qu’un membre de sa famille souffre de l’une de ces maladies, il est recommandé de consulter un spécialiste. » Il s’agit essentiellement de « la cardiomyopathie dilatée, qui se traduit par un muscle cardiaque élargi et défaillant », de « la cardiomyopathie hypertrophique, caractérisée par un épaississement du muscle cardiaque » et de « la dysplasie ventriculaire droite arythmogène qui se manifeste initialement par une dégénérescence du muscle cardiaque ». « Dans ces deux derniers cas, l’arrêt cardiaque risque de survenir lors d’un effort physique intense, fait remarquer le spécialiste. Aussi, les sports compétitifs sont déconseillés aux personnes qui en souffrent, ainsi qu’à celles qui présentent des maladies qui affectent les canaux électriques cardiaques. » 

Identifier une crise cardiaque
Comme la majorité des morts subites sont causées par une crise cardiaque, il est important, selon le Dr Njeim, d’éduquer les gens à « identifier et traiter cette crise le plus tôt possible pour éviter qu’elle ne progresse et qu’elle n’aboutisse à l’arrêt cardiaque ». « Généralement, celle-ci se traduit par une gêne thoracique, comme une pesanteur ou une oppression au niveau du thorax, explique-t-il. Parfois, elle est atypique, se traduisant par une douleur ressentie au niveau de l’abdomen ou des épaules. La crise cardiaque peut aussi s’associer à des sueurs ou à une difficulté à respirer… Dans certains cas, elle est indolore. Les gens ressentent alors une fatigue et ont une difficulté à respirer. Ils peuvent également se plaindre d’une indigestion. » Et le Dr Njeim de rassurer : « De nombreuses personnes vont ressentir à un moment donné de leur vie l’un de ces symptômes. Cela ne signifie pas qu’elles font systématiquement une crise cardiaque. Notre objectif est d’éduquer les gens et non pas de créer une panique générale. Néanmoins, si on ressent un symptôme qui paraît nouveau, il est recommandé de consulter un médecin le plus tôt possible. » 

Le risque de crise cardiaque augmente chez les personnes ayant une histoire familiale de crise cardiaque survenue chez un homme âgé de moins de 55 ans ou chez une femme de moins de 65 ans. À cela s’ajoutent des « facteurs de risque modifiables », comme le tabagisme, une hypertension artérielle, un diabète mal contrôlé, une obésité surtout viscérale, une sédentarité, une consommation excessive d’alcool, ainsi que la consommation de stimulants adrénergiques, comme la cocaïne et l’amphétamine.

Par ailleurs, « une histoire personnelle d’arrêt cardiaque ressuscité augmente le risque d’une récidive », observe le Dr Njeim. « Ces personnes doivent être médicalement suivies », recommande-t-il.


Attitude à adopter
L’un des objectifs des médecins et des associations reste celui d’éduquer les gens à intervenir immédiatement lors d’un arrêt cardiaque. Pour cela, « il faut savoir l’identifier, d’autant plus que lorsqu’il survient, un arrêt cardiaque peut évoluer en quatre à six minutes vers la mort ».

Le Dr Njeim précise qu’une personne victime d’un arrêt cardiaque devient « flasque » et « perd le tonus musculaire ». De plus, elle est inconsciente et ne respire pas normalement. « Si après l’avoir légèrement secouée, elle ne répond toujours pas, on observe sa respiration, indique-t-il. Si elle n’est pas efficace, on palpe le pouls, pendant dix secondes, au niveau du cou en palpant la carotide. Si on perçoit un battement, il n’y a pas un arrêt cardiaque. » 

Si, par contre, aucun battement n’est perçu, il faut essayer de réanimer le malade. « Il n’est pas nécessaire d’être un cardiologue ou un réanimateur pour le faire, affirme le Dr Njeim. Les soins doivent être prodigués de façon rapide. C’est un travail d’équipe. Donc il faut commencer par appeler une ambulance, puis demander l’aide d’une tierce personne si possible. Si on a un défibrillateur externe automatisé, on y a recours et on suit les instructions. À défaut de cet appareil, on pratique une réanimation cardiopulmonaire qui consiste à effectuer un massage cardiaque, en comprimant l’os du thorax (sternum) pour donner une fonction artificielle à la pompe cardiaque. Ces compressions doivent être rapides (100 à 120 par minute) et profondes (environ cinq à six centimètres). Elles doivent aussi être alternées avec une ventilation artificielle (bouche-à-bouche). » 

Un dépistage de masse peut-il aider à prévenir la MSOC chez les jeunes? « Il n’y a pas de consensus dans ce sens, répond le Dr Njeim. Toutefois, si on décide de procéder à des ECG de masse, il faut qu’ils soient interprétés par un cardiologue ou un rythmologue, d’autant que chez les jeunes, il existe des variantes de la normale qui ne sont pas pathologiques. Parfois même, on peut être face à des anomalies très minimes qu’il faut savoir détecter. Ces ECG doivent en plus être associés à un examen clinique et à un interrogatoire ciblé effectués par un professionnel de la santé. » 

Mais les ECG ne sont pas entièrement fiables. « C’est vrai, d’ailleurs le recours à cette technique dans un dépistage de masse est très controversé à l’échelle mondiale. Il faut savoir que la cause des MSOC chez les jeunes est souvent génétique ou à transmission génétique. Donc ce qui peut s’appliquer à une population peut ne pas s’appliquer à une autre. Idéalement, il faudrait collecter des données sur notre société pour savoir ce qui la caractérise. Cela permet de mieux cibler notre intervention et de mieux choisir les moyens de dépistage. » Et le Dr Njeim de conclure : « Il est primordial de former le public aux gestes de premiers secours cardiaques et à l’usage des défibrillateurs automatisés. Il est aussi important de distribuer ces défibrillateurs dans les écoles, les sociétés de travail et les endroits publics, parce qu’ils permettent de sauver la vie des gens. Les ONG, comme l’association Yohan for Life, aident à remplir cette tâche, mais elles ne peuvent pas couvrir l’ensemble du pays. Le ministère de la Santé a un rôle à jouer dans ce cadre. »


Lire aussi

Un facteur génétique jouerait un rôle dans la mort subite du nourrisson

Mort subite des jeunes : l’engagement inébranlable de la Fondation Remy Rebeiz Young Heart

Des histoires de jeunes étudiants décédés subitement lors d’un entraînement sportif, comme un match de foot, sont souvent rapportées. Si la mort subite est plus facilement acceptée dans le cas d’une personne âgée, elle constitue un drame pour la famille et la société lorsqu’il s’agit d’une personne jeune, apparemment en bonne santé.Et pourtant, la mort subite touche une...

commentaires (1)

Sensibiliser le citoyen aux gestes qui sauvent ... Ne coûte pas cher et peut sauver beaucoup de vies.

Sarkis Serge Tateossian

04 h 42, le 19 août 2018

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Sensibiliser le citoyen aux gestes qui sauvent ... Ne coûte pas cher et peut sauver beaucoup de vies.

    Sarkis Serge Tateossian

    04 h 42, le 19 août 2018

Retour en haut