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Culture - Festival de Baalbeck

Dans la coupe de Bacchus, le nectar sacré de Rossini

Demain vendredi 27 juillet, une musique magnifique et grandiose retentira à ciel ouvert au temple de Bacchus : le « Stabat Mater » de Rossini. Cette musique sacrée, cassant les canons d’écriture conventionnelle, oscille entre ferveur et théâtralité pour quatre solistes, chœur mixte et orchestre symphonique.

Les quatre solistes Paolo Fanale, Joyce el-Khoury, Daniela Barcellona et Krzysztof Baczyk.

Une distribution et une production de tonnerre pour donner voix et ampleur au Stabat Mater de Rossini, œuvre qui a pris plus d’une décennie au génie de Pesaro pour la signer. Les quatre solistes – Joyce el-Khoury, Paolo Fanale, Daniela Barcellona et Krzysztof Baczyk –, tous haut de gamme, sont déjà arrivés de l’étranger à Beyrouth pour les ultimes répétitions. Rencontre avec une brochette de chanteurs sous les spots des projecteurs pour parler de cet évènement phare du Festival de Baalbeck. Une rencontre marquée par une confession commune : l’emballement d’être au pays du Cèdre, le plaisir de la gastronomie libanaise, la magnificence de la mer (même polluée, mais personne n’en parle !), la beauté des paysages de montagnes, l’hospitalité, l’incroyable gentillesse et chaleur humaine des gens…

Mais présentons tout d’abord l’orchestre de chambre de la radio roumaine, avec ses cinquante-quatre instrumentistes, qui sera dirigé par maestro père Toufic Maatouk et dominera par ses houles et ses mélodies nuancées les vieilles pierres du site millénaire. Pour remplir le firmament de leur clameur ou de leur soupir, sous les feux de la rampe aussi, les soixante-quatre poumons des choristes de l’Université Antonine et de Notre-Dame de Louaizé.

Le rêve de Baalbeck
Dans le quatuor de solistes, le premier échange de propos est avec Joyce el-Khoury, jeune soprane canadienne d’origine libanaise née à Jounieh en 1982 ! Longue chevelure noire lisse jusqu’aux hanches, yeux de biche, silhouette de mannequin, la cantatrice a déjà participé aux festivals de Beiteddine (elle a donné la réplique à Juan Diego Florez) et d’al-Bustan. Aujourd’hui, elle ne cache pas sa joie des retrouvailles. « Ça me fait du bien de revenir ici, dit-elle, même si je n’y ai pas vécu. Je ne sais comment le dire, c’est comme un sentiment d’appartenance… » Elle vient juste de terminer à Londres au Covent Garden cet opéra de Donizetti qu’on a découvert, L’ange de Nisida. Précieuse révélation !

Que pense-t-elle de sa prestation pour le Stabat Mater ? « C’est la partie qui échoit à une soprane dans cette partition, conclut-elle avec un petit sourire. Il y a des moments très angéliques et d’autres en force, régis par la peur et la crainte du châtiment de Dieu. C’est un passage sublime que n’importe quelle soprane voudrait chanter… Mais surtout chanter à Baalbeck, pour moi, c’est un rêve… »

Et pour le proche avenir, quels projets ? « Tout d’abord, je file vers l’Allemagne, confie-t-elle, pour interpréter à la Staatkapelle de Weimar une œuvre opératique de Liszt qu’on vient de découvrir (décidément, avec elle, c’est la traque et la révélation des perles rares!). Elle s’appelle Sarnadapolo : juste un acte en italien… On dit qu’on trouve là-dedans l’influence de Wagner, Strauss et des films noirs italiens… Et retour à Montréal pour chanter au Festival international arabe un opus de Béchara el-Khoury avec qui je suis en contact pour m’exprimer en arabe. Je n’ai pas perdu la touche, je parle toujours l’arabe… » Et de quitter la salle en lançant un parfait « Iza Allah rad » (si Dieu le veut ! ). Certainement que Dieu le veut, pour notre plaisir et enchantement !


(Lire aussi : Quand les colonnes romaines fredonnent, une nouvelle fois, Oum Kalsoum...)


Coqueluche rieuse
Changement de ton et de registre avec le ténor sicilien Paolo Fanale, véritable étoile montante et coqueluche de la scène lyrique italienne et internationale. Cheveux blonds courts coupés à la brosse, yeux bleus pétillants, stature de rugbyman (le sport est sa seconde passion après le chant), arrière-bras tatoué, le jeune homme de trente-cinq ans en fait dix ans de moins. « Non, ce n’est pas mon premier voyage au Liban, assure-il dans un juvénile élan enthousiaste. J’étais le Rodolpho de La Bohème de Puccini à Beiteddine. Retourner au Liban, c’est comme retourner à ma maison. C’est si similaire à la Sicile ! Comment parler de mon passage dans Stabat Mater? C’est une partie difficile (grand éclat de rire). Surtout avec le ré bémol. Redoutable. Tout le monde ne peut pas faire cela. Et puis, avec Rossini, il y a ce jeu entre la musique et la prière. Pas très catholique ! Rossini ne fait pas tout religieusement. Ma musique contraste avec le texte ! »

On vient d’applaudir Paolo Fanale dans les rôles de Nemorino dans L’elixir d’amour à Vienne et de Don Ottavio dans Don Giovanni à Berlin. Juste après Baalbeck, il plongera à nouveau dans Don Giovanni à Hanovre, ensuite dans Les Troyens de Berlioz pour enchaîner avec Cosi fan tutte au Covent Garden de Londres. Entre-temps, il parle de Baalbeck comme d’un amour retrouvé car c’est le Liban qu’il vénère dans ses paysages, sa gastronomie, sa mer, son soleil et tous ces gens qui parlent avec de grands gestes de la main, comme en Sicile ! Son rêve? Loin de toute velléité de gain inutile, garder la voix propre très longtemps et être en bonne santé.


(Lire aussi : Nous sommes tous les enfants d’Oum Kalsoum)


Ensoleillée
Arrive Daniela Barcellona, mezzo-soprane à la silhouette imposante, babillant en langue italienne, plus ensoleillée que ce soleil qui darde la grande baie vitrée. Première rencontre, tout en tonalités joyeuses et positives avec le pays du Cèdre pour celle qui fut la Léonore de La Favorite de Donizetti à Barcelone. Commentaire sur son aria dans ce Stabat Mater? « C’est une aria simple, avec du plus bas du registre mais pas au plus haut, souligne-t-elle. C’est une vraie prière, une imploration. Je suis à l’intérieur de la musique. Ceci pourrait bien être ma propre prière. Mon but et le devoir d’un chanteur sont de communiquer ces émotions et ces nuances au public. Chanter à Baalbeck, en ce site hautement historique, c’est spécial. Il y a quelque chose là et on en fait partie. Sous les étoiles, tout contribue au chant, l’air, la nuit, l’atmosphère, la lumière, le vent… »

Roucoulent les pigeons
Et pour terminer, la basse polonaise Krzysztof Baczyk de vingt-huit ans. Allure d’enfant de cœur avec un timbre de voix qui fait trembler les murs. Il se racle la gorge et l’on dirait des roucoulements de pigeon en volière. « Il se fait éclaircir la voix », commente maestro Maatouk en lui préparant le café sur l’appareil espresso.

Arrivé la nuit, le jeune homme n’a pas encore vu grand-chose du pays, sauf ce matin quelques embouteillages mais aussi, de loin, la mer et les paysages montagneux. Et ça déclenche une avalanche de commentaires jubilatoires et euphoriques. À peine sorti de L’Ange de fer de Prokofiev à Aix-en-Provence, il affronte Baalbeck qu’il « googelise » sitôt qu’on lui en parle tant il est excité de connaître davantage le site dont la réputation lui fait tourner la tête. Comment perçoit-il son passage dans Stabat Mater ? « Difficile pour une basse », déclare-t-il sans états d’âme, et d’ajouter : « Il faut du talent. C’est une belle musique : je veux la savourer et j’espère que l’audience le fera aussi ! »

Pour cet artiste qui voudrait revenir au Liban pour y passer des vacances, l’essentiel est d’être heureux, en bonne santé, et d’être entouré de gens sympas ! Belle devise de vie et de bien-être pour celui qui va quand même à Hanovre pour endosser le rôle de Masetto dans Don Giovanni !

Le dernier mot et mot-clef est de toute évidence celui de maestro Toufic Maatouk. Quid de ce Stabat Mater qui lui dit tant de choses aux oreilles et au cœur ? « Il y a conflit de compositeurs et compositeurs d’église (tel Palestrina par exemple), explique-t-il. Rossini interprète un texte sacré, liturgique. Avec profondeur et théâtralité. Stabat Mater est une œuvre qui a ouvert la possibilité à certains compositeurs d’opéra de pouvoir toucher ces textes et de les réinterpréter. Et c’est en ce sens qu’on a inclus au programme la dernière partie du Requiem de Verdi, le Liberame… »

*Temple de Bacchus, Baalbeck, à 20h00 précises.
Ce concert unique est produit en collaboration avec l’Institut culturel italien et l’ambassade d’Italie au Liban.



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