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Culture - Concert

Khaled Mouzanar s’incline devant Bacchus, qui lui sourit...

Hier soir, à l’occasion d’un ciné-concert pour une levée de fonds pour le Festival de Baalbeck, l’auteur-compositeur-interprète a déroulé dix ans de bandes-son cousues au fin fil d’or.

D’extraits de la bande originale de Caramel à ceux, en avant-première, du très attendu Capharnaüm, Khaled Mouzanar a confirmé hier soir son statut et celui de sa femme Nadine Labaki de piliers nationaux de la musique et du cinéma.
Contrairement à ce que laisseraient supposer son CV et sa discographie, Mouzanar n’a pas dérogé à la tradition de sa famille qui exerce dans la bijouterie. Harnaché d’une grande réserve, voilà plus de dix ans qu’il investit le paysage musical à la manière d’un orfèvre, cousant au fin fil d’or ses albums et ceux des autres, emballant la fragile pellicule de sa femme, la réalisatrice et scénariste Nadine Labaki, d’une musique-papier de soie belle à se damner. Hier soir, au temple de Bacchus, à l’occasion d’un concert pour une levée de fonds pour le Festival de Baalbeck, lui, qui avoue préférer le silence feutré de son studio où il taille la matière précieuse de ses chansons, a tout de même ouvert au public sa boîte aux trésors où somnolaient les mélodies de Caramel et Et maintenant on va où ?, et s’impatientent celles de Capharnaüm pour lequel il a enfilé la casquette de producteur en plus de celle de compositeur.


Puzzle musical
Pour ce ciné-concert qui marque ses retrouvailles avec la scène libanaise qu’il n’avait pas foulée depuis le Festival al-Bustan en 2014, Khaled Mouzanar s’est entouré d’une belle équipe dont, en premier plan, la chef d’orchestre Marie-Jeanne Serero, le virtuose Zeid Hamdan, la chorale de l’Institut Sainte-Rafqa, Anastasiya Petryshak au violon, ainsi que Nagim, un chanteur éthiopien repéré à travers une annonce/casting sur Facebook, venu assurer une chanson extraite du saisissant Capharnaüm qui vient de remporter le prix du jury au Festival de Cannes et dont le générique ouvre la soirée. Des premières images de Zain, Rahil et Yonas, dont les destins se mêlent dans ce long-métrage, surgissent alors, projetées sur le mur arrière du temple. « Moi qui suis passionné d’archéologie, je pense n’avoir jamais vu un temple aussi beau que celui-ci. On se sent tout petit par rapport au silence de ces pierres », chuchote presque Khaled Mouzanar. Et on parierait volontiers que les colonnes lui ont rendu la pareille, avec le sourire, tellement étaient émouvantes ces vies en clair-obscur projetées sur elles, et qui ont tout autant ému le public.

Ce morceau place la première pièce du puzzle musical que sera le reste du spectacle. Ainsi, au gré des cordes qui ressemblent à des voilages soulevés par le vent pour les ballades de Et maintenant on va où ?, au violon qui balaie comme des ciels de traîne sur le tango orientalisant de Caramel, au bandonéon, lyre crétoise et synthés qui s’invitent, on s’égare dans les dédales sonores de Mouzanar. Même le timbre de Racha Rizk (qui avait prêté sa voix pour les bandes-son des films de Labaki) semble se moduler à l’intérieur de cette jungle d’instruments, alors qu’elle reprend les titres phares Mreyte ya mreyte, Yimkin law, Kifou hal helou (en duo avec le compositeur) et Yammi, tous écrits par Tania Saleh.


(Lire aussi : "Capharnaüm" de Nadine Labaki, ou juste le droit d’exister...)


« N’en sortez pas indemnes »
Toutefois, dans cette musique kaléidoscope, c’est le piano de Khaled Mouzanar qui gouverne silencieusement tout le reste. Il suffit des premières notes du poignant Sekkar ya banat (extrait de Caramel) pour que le pianiste solitaire, planqué sous ses mèches de jais, installe les spectateurs dans ses longues étendues d’ivoire et d’ébène. Et si l’on retrouve pendant une bonne moitié du concert tous les ingrédients qui font l’épiderme musical du compositeur libanais, c’est quand il déploie (en avant-première) les titres de Capharnaüm que l’on se rend compte du virage musical opéré pour ce film. « Je me demandais sans cesse, en réfléchissant à la bande-son, quelle musique pourrait bien coller avec tout ce que ces personnages vivent et ont à dire ? Quel son accoler aux odeurs des égouts, à la misère et toute la crudité du propos ? Le parti pris a été donc celui de quelque chose de moins mélodique que ce que je fais d’habitude », avait-il auparavant confié.

Le sépia-friandise de la bande-son des deux premiers longs-métrages de Nadine Labaki laisse maintenant la place à un nuancier de gris – gris comme le bitume où évolue Zain, héros du film, qui intente un procès à ses parents pour lui avoir donné la vie. Alors que défilent les images de Capharnaüm, où plane la poésie aigre-douce de Nadine Labaki, Mouzanar et ses musiciens s’en vont traquer les notes indicibles, les fêlures dans les silences, les battements de cœur des instruments, la chair intime des bruits et celles, encore et toujours, des émotions. Comme celle que l’on ressent lorsque le petit Zain rejoint la scène sous une marée d’applaudissements et que Khaled Mouzanar dit : « Cette aventure a changé notre vie, Nadine et moi. J’espère que vous n’en sortirez pas indemnes. »



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