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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Macron vs Macron

Ludovic Marin/AFP

Jupiter peut-il dire pardon à la plèbe ? Peut-il tout simplement admettre qu’il s’est trompé et faire son mea culpa, comme n’importe quel citoyen, sans pour autant perdre une partie de son aura ? C’est le profond dilemme qui doit désormais tracasser nuit et jour Emmanuel Macron. Celui qui a voulu redonner sa dimension sacrée à la fonction présidentielle semble aujourd’hui obligé de descendre de son piédestal pour rendre des comptes aux Français. L’affaire Benalla est passée par là. Elle a touché la Macronie en plein cœur en altérant l’image d’une République exemplaire. Sentiment d’impunité par rapport à la loi, arrangements entre amis, promotion sur des critères non méritocratiques : tout cela sent fort le vieux monde, d’avec lequel le jeune président français voulait pourtant incarner la rupture.

L’Élysée donne l’impression de penser que le temps joue en sa faveur. Que les Français finiront par oublier cette affaire qui est désormais entre les mains de la justice. Plus les jours passent, plus l’affaire Benalla ressemble pourtant à cette scène de Tintin où le capitaine Haddock essaye par tous les moyens de se débarrasser d’un morceau de sparadrap qui lui colle à la peau sans jamais y parvenir. Chaque nouvelle information met un peu plus l’Élysée dans l’embarras et donne à penser qu’il y aura clairement un avant et un après le Benallagate pour Emmanuel Macron. Son image de gendre idéal défenseur des valeurs démocratiques, à un moment où l’État de droit est remis en question aux quatre coins de la planète, va forcément en ressortir écornée en France mais aussi dans le reste du monde.

Il y a une semaine à peine, c’est la photo d’un Macron triomphant et célébrant la victoire de la France en finale de la Coupe du monde qui faisait le tour des réseaux sociaux. C’est aujourd’hui le visage de ce proche encombrant que les médias cherchent à retrouver dans tous les clichés du président, comme s’il révélait, derrière la stratégie de communication, une autre réalité du pouvoir. Est-ce que, en manque de scandale, la presse essaye de faire dire à cette affaire beaucoup plus qu’elle ne l’est ? Ou est-ce qu’au contraire, celle-ci dévoile la face cachée de la Macronie ? Il est trop tôt pour le dire. Mais la prise de parole du président, si elle arrive prochainement, devrait permettre d’apporter un début de réponse.

Que M. Macron ait épargné son barbouze par loyauté ou par sentiment de toute puissance ne change pas grand-chose sur le fond. Le président français a commis une double faute, politique et morale. Il est en train d’en faire une troisième, sur le plan de la communication. Son silence est actuellement son pire ennemi. Il peut toutefois encore rectifier le tir. Cela suppose prendre la parole et admettre son erreur. C’est en cela que l’affaire Benalla est probablement le premier grand tournant du quinquennat Macron : parce qu’elle peut profondément changer le lien qui unit le locataire de l’Élysée à ses compatriotes en général, à ses électeurs en particulier. Soit le président jupitérien présente ses excuses au risque de redevenir humain, selon ses propres normes, c’est-à-dire de se démacroniser, et de montrer ainsi les faiblesses d’un système qui n’était conçu que pour aller de l’avant. Soit il prend le risque de perdre durablement la confiance des Français.

Emmanuel Macron a jusqu’ici fait de la réussite sa meilleure alliée. Il a conquis l’Élysée en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Il a obtenu la majorité à l’Assemblée au nez et à la barbe des partis traditionnels. Il a résisté sans grandes difficultés à la pression de la rue, qui lui promettait l’enfer. L’opposition ne s’est toujours pas remise de l’ouragan politique de ce fameux 14 mai 2017. Le président a un boulevard devant lui, même si sa cote de popularité est en baisse. Mais la réussite lui fait, aujourd’hui, pour la première fois défaut. Et l’oblige à mener plus tôt que prévu ce qui devrait être son combat le plus difficile, contre son pire ennemi : lui-même.



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