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Moyen Orient et Monde - Portrait

Kolinda Grabar-Kitarović : la présidente-supporter

Cette diplomate de carrière profite de la Coupe du monde pour surfer sur la vague de patriotisme qui accompagne l’équipe nationale, tout en reléguant au second plan les scandales touchant la Fédération croate de football.

La présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović offre au président russe Vladimir Poutine un T-shirt de l’équipe nationale croate de football au nom de Poutine. Yuri Kadobnov/Pool

En dépit de la défaite de son pays lors du match de dimanche, la présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović aura réussi sa Coupe du monde. Devenue star des réseaux sociaux en délaissant les tribunes officielles pour se mêler aux supporters, affublée du maillot de l’équipe nationale, ou en empruntant un vol commercial pour se rendre en Russie, elle entend surtout, alors que sa fonction est plutôt représentative, réaffirmer ses deux priorités politiques à destination de son peuple : un patriotisme sans faille et la lutte contre la corruption. 

La vie politique de Kolinda Grabar-Kitarović commence alors que, jeune diplômée en 1993, elle rejoint le parti nationaliste et conservateur au pouvoir, l’Union démocratique croate (HDZ), et est nommée conseillère au ministère des Affaires étrangères. Elle en gravit les échelons durant les années 90, alternant ambassades et ministère, avant d’en être chassée en 2000 lorsque l’opposition sociale-démocrate arrive au pouvoir et épure le corps diplomatique et l’administration des éléments trop liés au HDZ. 

Elle n’eut qu’à attendre trois ans pour retrouver les ors du pouvoir, lorsqu’en 2003 la coalition menée par le Parti social-démocrate (SDP) s’effondre et que des élections anticipées ramènent le HDZ aux manettes de l’État. Élue députée, elle est choisie par le nouveau chef du gouvernement, Ivo Sanader, pour être sa ministre de l’Intégration européenne, chargée de demander l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne et d’en mener les négociations. Deux ans plus tard, ses compétences sont élargies, et son ministère de l’Intégration européenne est fusionné avec le ministère des Affaires étrangères dont elle prend la tête. À l’adhésion à l’UE se rajoute le dossier de l’adhésion à l’OTAN, auquel la Croatie adhérera en 2009, alors que Kolinda Grabar-Kitarović aura quitté le gouvernement. 

Malgré une nouvelle victoire électorale du HDZ en 2007 et sa reconduction au ministère des Affaires étrangères, elle démissionne en 2008 sur fond de désaccords entre elle et un Ivo Sanader à la gestion de plus en plus autoritaire. Elle négocie un point de chute en étant nommée ambassadrice aux États-Unis, pays où elle a vécu à plusieurs reprises en tant qu’étudiante. Elle occupe ce poste jusqu’en 2011 avant d’être nommée assistante du secrétaire général de l’OTAN, où elle est chargée des relations avec le public, et où elle y gagne le surnom, décerné par ses collègues, de Swambo (She Who Must Be Obeyed – « celle qui doit être obéie »). Ces postes internationaux la tiennent alors éloignée de la scène politique croate, où le HDZ, rongé par les conflits internes, est lourdement battu aux élections et cède le pouvoir aux sociaux-démocrates. 



Kolinda Grabar-Kitarovic félicitant Kylian Mbappé après la victoire de la France à Moscou.  AFP / FRANCK FIFE


(Pour mémoire : Les femmes au pouvoir dans le monde)


Un visage présentable du nationalisme
C’est en 2014 qu’elle est rappelée en Croatie par un HDZ en pleine reconstruction qui fait d’elle sa candidate à l’élection présidentielle. Si, depuis 2000, le président croate a peu de pouvoir politique réel, il concentre l’essentiel des fonctions de représentation, ainsi qu’une autorité morale et une influence certaine. Pour Jacques Rupnik, politologue et professeur à Sciences Po, elle est « choisie comme candidate car elle a fait sa carrière à l’international (fonctionnaire du ministère des AE, ministre, ambassadrice), donc elle n’est pas impliquée dans les pratiques corrompues du HDZ au pouvoir. Son Premier ministre Sanader est, je crois, toujours en prison ». Rassemblant son camp politique, jouant sur la fibre nationaliste, tout en condamnant les excès de ceux qui cherchent à réhabiliter la mémoire des oustachis (le parti pronazi avant et pendant la Seconde Guerre mondiale), elle profite de la volonté d’alternance des électeurs pour battre d’une courte tête le président sortant, le social-démocrate Ivo Josipović, devenant ainsi la première femme présidente de la Croatie et la première chef de l’État issue du camp conservateur, après le père de l’indépendance Franjo Tudjman. Comme l’explique Jacques Rupnik, « elle a su donner un visage présentable au nationalisme », contrastant ainsi avec le président sortant qui avait tenté de sortir de cette logique. 


Kolinda Grabar-Kitarovic réconforte Luka Modric après la victoire de la France contre la Croatie. AFP / Jewel SAMAD


Présidente d’un jeune État, Kolinda Grabar-Kitarović participe donc à la ferveur populaire autour des Vatreni, dans un pays où, plus qu’ailleurs, se mêlent football et patriotisme, et où le sport est une affaire d’État, au point qu’il se murmure que l’ancien président Tudjman avait son mot à dire sur la composition de l’équipe. Cependant, cette ferveur portée au plus haut niveau de l’État relègue au second plan les polémiques et les accusations de corruption et de mauvaise gestion touchant la fédération de football croate, ainsi que le capitaine de la sélection Modric, tout en réactivant les craintes de l’opposition vis-à-vis de l’utilisation du football à des fins populistes.


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DU LECHE CUL !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 17, le 16 juillet 2018

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Commentaires (1)

  • DU LECHE CUL !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 17, le 16 juillet 2018

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