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Nos Lecteurs ont la Parole - Nada BEJJANI RAAD

Noces de lilas

Elle était étendue sur le lit, les yeux rivés au ciel, la mine défaite. Elle dit : Appelle ton oncle. Il ne se rend compte de rien ! Il jouait au trictrac. Il arrive courbé, de son pas chancelant, se penche vers elle – il a 100 ans –, veut prendre sa main pour la baiser. Elle la retire rageusement.
— Ce n’est pas le moment ! dit-elle.
Il s’installe, silencieux, en face. Je dis :
— Il a fait chaud ces jours-ci ?
Il fait signe qu’il n’entend pas.
Tout à l’heure, la sieste avait été rude pour elle. Trop longtemps, elle avait sué à grosses gouttes. Pendant que lui, une à une, refermait les fenêtres.
Elle reprend :
— Voilà cinq jours que je lui dis : Je ne finirai pas la semaine, qu’il n’y aura plus personne pour s’occuper de lui.
Je le regarde, inquiète. J’ai dit : Tu entends ? Deux fois de suite, il acquiesce de la tête. Il avait tout compris.
Le mois de mai ici a la couleur lilas, suave et pittoresque des jacarandas. Est-ce l’étoffe du ciel ou bien le temps qu’il fait, est-ce le souffle des siècles sur les murs délabrés, ce qui alentour nous dit, sitôt arrivés, que nous sommes d’ici ?
Le vieux est toujours là, le bras osseux et maigre. Quand il parle, son âme monte comme du fond d’une caverne. Pour dormir, il prend la position du fœtus. Qu’il fasse chaud ou froid, il ferme toutes les fenêtres, car dehors, elle rôde, il la sent, il la voit. Maintenant qu’elle tournoie comme un oiseau de proie, il ne nous entend pas.


Elle était étendue sur le lit, les yeux rivés au ciel, la mine défaite. Elle dit : Appelle ton oncle. Il ne se rend compte de rien ! Il jouait au trictrac. Il arrive courbé, de son pas chancelant, se penche vers elle – il a 100 ans –, veut prendre sa main pour la baiser. Elle la retire rageusement. — Ce n’est pas le moment ! dit-elle.Il s’installe, silencieux, en face. Je...
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