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Économie - Liban

Que recherche l’Inspection centrale en enquêtant sur Ogero ?

Le directeur général de l’office, Imad Kreidieh, attend « avec impatience » les conclusions du contrôle lancé il y a une semaine.

La polémique lancée par « al-Akhbar » relance la problématique du statut atypique d’Ogero. Photo P. H. B.

Ogero, l’organisme public chargé de gérer le secteur des télécoms au Liban, fait actuellement l’objet d’une enquête diligentée en fin de semaine dernière par l’Inspection centrale (IC), l’administration chargée de conduire des investigations dans la fonction publique.

Selon plusieurs sources, cette procédure a été ouverte suite à la publication, le 31 mai, d’un article du quotidien al-Akhbar pointant du doigt plusieurs aspects de la gestion de cet organisme à la structure singulière et à l’histoire marquée par de nombreuses polémiques, notamment sous la direction du très controversé Abdel Menhem Youssef en poste pendant des années.


Rémunération et recrutement
Cette fois, c’est Imad Kreidieh, successeur de M. Youssef et nommé en janvier 2017, qui est visé. Le journal al-Akhbar lui reproche notamment d’avoir perçu en mai une rémunération de 112 millions de livres libanaises (près de 75 000 dollars). Le quotidien a également publié des chiffres présentés comme les salaires perçus par plusieurs cadres d’Ogero, avec des montants oscillant entre 20 000 et 30 000 dollars sur la même période. 

Parmi les autres griefs, al-Akhbar affirme qu’Ogero a recruté 700 travailleurs journaliers depuis 2017, soit le double du nombre d’embauches sous l’ère Youssef, ajoutant que l’organisme aurait également embauché 400 journaliers peu qualifiés pendant les trois mois précédant les élections législatives du 6 mai. Il accuse en outre Ogero de « gaspiller l’argent public », citant notamment des abus de procédures de gré à gré, des achats d’équipements à des prix plus élevés que ceux du marché ou encore une facture de 300 000 dollars pour rénover l’étage d’un des bâtiments au siège d’Ogero à Jnah (Beyrouth), entre autres.

Ces accusations font fulminer le directeur de l’organisme qui conteste plusieurs points soulevés par al-Akhbar et l’accuse d’omettre des éléments de contexte. « Je ne suis pas pressé de demander réparation, mais j’attends avec impatience les conclusions de l’Inspection centrale pour que l’opinion distingue les faits des rumeurs », a-t-il déclaré à L’Orient-Le Jour dans un entretien livré mardi. 

Grille des salaires
M. Kreidieh commence par contester le caractère exceptionnel de la mobilisation de l’Inspection centrale dans cette affaire. « Ogero fait l’objet d’un contrôle annuel du département financier de l’IC. Ce dernier a simplement été avancé de quelques semaines suite à la publication de l’article d’al-Akhbar », affirme-t-il. Il précise que ces enquêtes « de routine » visent à vérifier la légalité et l’adéquation des décisions prises par l’organisme dans le cadre de sa mission et peuvent déboucher, si la situation le justifie, sur un renvoi devant une juridiction compétente, parquet financier ou encore Cour des comptes. L’Orient-Le Jour a tenté pendant trois jours de solliciter le président de l’IC, le juge Georges Attié, pour recueillir sa version, sans succès.

Si le directeur d’Ogero ne conteste pas formellement les montants des rémunérations avancés par al-Akhbar, il explique que ces derniers répercutent la hausse de la grille des salaires de la fonction publique entrée en vigueur en août 2017, avec effet rétroactif sur dix mois. « Les montants perçus en mai comprennent également tous les attributs et avantages des rémunérations prévues par la loi et les statuts d’Ogero, que nous devons appliquer avec une marge de manœuvre réduite », ajoute-t-il. Il indique enfin que son salaire mensuel s’élève en temps normal à environ 21 millions de livres (environ 14 000 dollars mensuels, rémunération fixe et primes de fonction incluses).

S’agissant du recrutement, M. Kreidieh note qu’il avait constaté dès sa prise de fonction la nécessité de renouveler progressivement les effectifs d’Ogero, qui compte environ 1 500 employés pour une moyenne d’âge de 51 ans. « Nous avons besoin de personnel pour piloter les projets que nous avons lancés, comme le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire qui a déjà démarré », justifie-t-il. Le directeur d’Ogero relève enfin plusieurs inexactitudes dans l’article d’al-Akhbar. Selon lui, le chantier à 300 000 dollars évoqué par le quotidien, et qui correspond à la rénovation du 3e étage d’un des bâtiments d’Ogero à la demande de la direction générale du ministère des Télécoms, a été confié à un entrepreneur via un appel d’offres, pour une facture de 174 000 dollars, entre autres exemples cités.

Le statut d’Ogero
Dans une optique plus large, cette nouvelle polémique qui s’ajoute à la liste de celles auxquelles le nom d’Ogero a déjà été mêlé relance la problématique du statut atypique de l’organisme. 

Ogero est né de la mutation de Radio Orient, une filiale de la société française CSF qui avait obtenu une concession de cinquante ans pour assurer les communications par câble et radio entre les pays du Levant sous mandat français et les autres pays du monde. Dans les années 1970, la concession prend fin, et une loi transforme Radio-Orient en Ogero (Organisme de gestion et d’exploitation de l’ex-Radio-Orient). Le nouvel organisme est alors chargé par le législateur d’exploiter les équipements télégraphiques de l’ex-Radio-Orient dont la propriété a été transférée à l’État. Son nouveau statut est toutefois flou tandis que le législateur le dote d’une certaine indépendance financière qui sert surtout à préserver les privilèges de son personnel.

Dans les années 1990, sous le gouvernement de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri – assassiné en 2005 – Ogero se voit confier par décret les travaux de maintenance du réseau de télécommunication fixe, entre autres. Sous la tutelle du ministère des Télécoms, sa mission va ensuite évoluer pour inclure peu ou prou toutes les composantes du secteur sans que son autonomie administrative et financière ne soit remise en question, en dépit de plusieurs scandales. Si l’organisme agit comme une société privée à bien des égards, ses employés ont toutefois le statut de fonctionnaires – leur grille des salaires a été élaborée en 1995 – et sa mission reste définie par le gouvernement. Ce dernier a enfin étendu les prérogatives d’Ogero en 2018 pour inclure une mission de modernisation des infrastructures télécoms du pays.


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