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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Crise politique et sociale en Jordanie : quels risques pour le royaume et ses voisins?

Le pays fait face à des manifestations de masse contre le gouvernement, mais celles-ci n’ont pas intérêt à durer, tant pour les Jordaniens que pour les pays voisins.

En Jordanie, depuis janvier, plusieurs hausses de prix ont frappé des produits de première nécessité, dont le pain, en raison d’un relèvement des taxes. Khalil Mazraawi/AFP

L’épée de Damoclès placée au-dessus de la tête du Premier ministre jordanien depuis quelques jours aura fini par tomber. Après plusieurs jours de protestations contre la politique économique du gouvernement, le Premier ministre Hani al-Mulqi a présenté hier sa démission après avoir été reçu au palais royal de Amman par le roi Abdallah II. « Le Premier ministre Hani al-Mulqi a présenté cet après-midi sa démission au roi, qui l’a reçu au palais royal à Amman (...) et l’a acceptée », a indiqué à l’AFP une source gouvernementale jordanienne. Selon cette dernière, Abdallah II a chargé le ministre de l’Éducation et ancien économiste à la Banque mondiale, Omar al-Razzaz, de former un nouveau gouvernement. Ce remaniement ministériel intervient au lendemain de plusieurs jours de tensions dans les rues du royaume hachémite durant lesquels des dizaines de milliers de Jordaniens ont manifesté leur colère contre les réformes économiques mises en place par le gouvernement Mulqi pour relancer une économie jordanienne en piteux état.

Ces manifestations sont les plus importantes survenues en Jordanie depuis 2011 et l’épisode du printemps arabe. Même si le roi est impopulaire auprès de la population jordanienne et que d’autres pays comme la Tunisie, la Libye ou l’Égypte ont tous eu droit à des révolutions qui ont écarté le pouvoir en place, le printemps arabe ne s’est pas abattu sur le royaume hachémite avec la même ampleur. À cette époque, les Jordaniens ont fait savoir qu’ils souhaitaient une meilleure qualité de vie. Mais aujourd’hui la tâche s’annonce plus difficile qu’auparavant pour le souverain hachémite. Le quotidien israélien Haaretz est revenu hier sur la crise que traverse le pays. Il a effectué une analyse comparative avec les périodes critiques similaires dans l’histoire du royaume jordanien. « La dernière fois que des manifestations sur fond économique menaçaient la stabilité du régime, c’était en 1989, lorsque les manifestants, dont le nombre était relativement faible, exigeaient le limogeage du Premier ministre Zeid al-Rifai, la levée de l’état d’urgence, la promulgation de réformes, l’annulation de mesures économiques rigoureuses qui comprenaient la fin des subventions et des hausses de prix. Le roi Hussein avait accédé à presque toutes ces demandes. Mais les circonstances ont changé, et le roi Abdallah II est confronté aujourd’hui à l’un des moments les plus critiques de son règne », explique le Haaretz.

Mais une amélioration des conditions de vie de la population doit passer, selon les organismes internationaux, par des réformes demandant aux Jordaniens des sacrifices supplémentaires. C’est ce que fait le Fond monétaire international (FMI). L’organisation a approuvé en 2016 une ligne de crédit de 723 millions de dollars sur trois ans pour le royaume hachémite. En échange, Amman s’était engagé à mettre en place des réformes structurelles et à réduire progressivement sa dette publique à 77 % du PIB d’ici à 2021, contre 95 % en 2017. Mais ce projet et ces réformes demandés par le FMI ont eu un revers terrible pour la population jordanienne qui a vu son niveau de vie baisser.


(Lire aussi : La grogne monte en Jordanie contre les hausses de prix et d'impôts)


Barrage contre l’Iran
Selon les chiffres rapportés par l’hebdomadaire britannique The Economist, 18,5 % de la population sont au chômage, et 20 % des Jordaniens sont à la limite du seuil de pauvreté. Par ailleurs depuis le début de l’année 2018, plusieurs hausses de prix ont touché les produits de première nécessité, en particulier le pain. La même hausse est enregistrée sur les factures de carburant, d’eau, d’électricité, de tabac mais aussi des transports publics. L’addition a été rendue davantage salée avec l’arrivée dans le royaume de plus de 650 000 réfugiés syriens. Mais si la population vit des heures difficiles, l’histoire est tout autre pour l’élite jordanienne proche de la famille royale. Les sujets du roi dénoncent régulièrement la corruption et l’excès de richesse au sein des proches du pouvoir. La contradiction entre les modes de vie des sujets du roi et des proches de la cour royale a également été mise en avant par le Haaretz. « Le public trouve difficile d’accepter les explications économiques en raison de la corruption bureaucratique profonde et des écarts énormes entre les élites proches de la cour royale et ceux qui ont besoin de travailler à deux ou trois emplois (en supposant qu’on puisse les trouver) pour joindre les deux bouts », explique le quotidien israélien. Malgré cela, le roi a conscience de la situation délicate dans laquelle son royaume se trouve. Et pourtant, malgré les appels continus de la population pour la démission du désormais ex-chef du gouvernement, le roi Abdallah II, qui a déjà prouvé qu’il pouvait gérer les crises et maintenir son royaume dans le droit chemin, a appelé samedi soir le gouvernement et le Parlement jordaniens à « mener un dialogue national global et raisonnable à propos du projet de loi sur l’impôt », estimant « injuste que le citoyen paie seul les conséquences des réformes fiscales ».

Car si la crise est dangereuse pour le royaume hachémite lui-même, elle l’est également pour les pays voisins. Le Haaretz insiste sur la position stratégique que représente la Jordanie dans la région. « La Jordanie est un pays stratégiquement important dans le cercle des États arabes pro-occidentaux, une brique importante dans le mur fortifié contre l’Iran (…). Mais lorsque des cris contre le régime et pas seulement contre le Premier ministre sont entendus lors des manifestations, avec des appels à la révocation du roi, une explosion plus importante pourrait constituer une surprise, prenant un virage politique dangereux », conclut-il.



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