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Culture - DANSE

Au Madina, corps-à-corps pour esprits en déroute

« Falling minds » (Esprits en déroute) au Madina est un spectacle pour illustrer l’éclatement sociétal sous toutes ses formes. De la famille aux groupuscules les plus divers, les normes de vie se lézardent. Avec cinq danseurs formés à une discipline de fer, le corps pour le dire, à travers une chorégraphie signée Nada Kano. Spectacle sobre et captivant malgré quelques mouvements répétitifs.

Sous la flaque de lumière, des danseurs gaulés en sculptures vivantes, exhibant souplesse, énergie, liberté d’expression et vitalité débordante. Photo Tamara Saadé

Le rideau s’ouvre sur une scène quasi nue à part une table qui a l’allure d’un terrain de jeu. Table qui se disloque et sera à la fois banc de réflexion, rocher de Sisyphe, totem, bateau au mât fracassé, compagnon de solitude ou d’infortune. Au fond de l’espace, un mur noir qui se fond aux coulisses marqué de quelques excavations béantes, sources de mystère et d’espoir. Sous la flaque de lumière, cinq jeunes danseurs (trois jeunes filles et deux garçons, dont Chadi Aoun, également cinéaste d'animation sélectionné pour le mois de mai 2018 au prix OLJ-SGBL de la saison 3 de Génération Orient) gaulés en sculptures vivantes, exhibant souplesse, énergie, liberté d’expression et vitalité débordante. Pour une gymnastique acrobatique faite de grâce, de nervosité, de précision, d’éloquence gestuelle abrupte et pointue, aux confins du périlleux.

Pour meubler le silence avant le lever de rideau sur Falling Minds, spectacle de danse de Nada Kano au théâtre al-Madina*, le bruitage d’un vacarme où le ton est à un bavardage désordonné et frénétique. Comme pour une séance de jeu de cartes où joueurs et flâneurs verre en main, par-delà bruit et agitation, tentent de vivre un rêve. Et puis l’assemblée se scinde, se fragmente, se désagrège. Chacun retourne à sa solitude méditative et à son destin.
Une narration qui s’ouvre, dos au public, avec un jeu de fessier, de bras, de mains et de jambes... Comme un adagio de Mahler sur un concept de Béjart, où quelques caresses de la main sur les cheveux font un clin d’œil à Pina Bausch.

Entre onirisme et réalité
Et se déroule le ruban des gestes, des culbutes, des sauts, des retournements, des enjambées, des agglutinations, des séparations, des mouvements et des farandoles où les couples, désunis, mais en constant corps-à-corps, racontent une histoire. Une histoire contemporaine, stridente et tendue, telle une toile à la fois figurative et confuse, aux traits denses.
Univers entre onirisme et réalité se déployant sur une musique allant des vibratos d’une sonate pour violon et piano aux accents des notes dodécaphoniques, en passant par des rythmes barbares et des borborygmes modernes.

Les personnages, parfaitement pirandelliens dans leur quête d’équilibre et d’harmonie pour un bonheur et une stabilité improbables, illustrent l’ardent désir de s’approprier une formule nouvelle d’union ou de félicité. Un modus vivendi personnel à travers une multitude de cabrioles et d’ébats. Se fondre et se (re)trouver sur un rai de lumière, entre des pas de deux hommes ou de deux femmes ou tous sexes confondus. Idées audacieuses et à l’éclat quelque peu révolté et révolutionnaire, loin de tout conformisme étriqué. Dans cette pavane perplexe des corps, il y a comme le désir de balayer les tabous et de secouer la poussière de l’ordre établi…
Si l’idée de ce spectacle offre un vibrant témoignage sur la déroute d’une société en mal de vivre, de compagnonnage ou de parité, elle n’offre cependant pas de solutions à un topique sulfureux et défiant les codes des communautés humaines.
Reste toutefois le plaisir de ce rêve aérien qui ne traîne pas en longueur, malgré des redites gestuelles, dansé avec finesse, subtilité, un certain sens clinique, alliant impudeur et retenue, sans débordements d’émotions ou de sentiments.

*« Falling minds » de Nada Kano au théâtre al-Madina les 18, 19 et 20 mai 2018, à 21h.

Fiche technique
Chorégraphie et direction artistique : Nada Kano
Danseurs : Chadi Aoun, Dimitri Haddad, Lori Kharpoutlian, Reem Naamani, Maria Zgheib
Scénographie : Karim Bekdache
Éclairage : Hagop Derghougassian
Costumes : Patrick Farah


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