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Culture - Exposition

Et vous, pour qui dansez-vous ?

« Dansez sur moi... Ma voix vous montre la voie lactée, la voie clarté. Où les pas ne pèsent pas... Que la vie soit feu d’artifice et la mort un feu de paille », chantait Claude Nougaro. Reem Yassouf invite, à son tour, dans son exposition à « danser pour... »

Une installation de Reem Yassouf à la galerie Art on 56th.

Sa palette et sa touche sont devenues reconnaissables. Les blancs, noirs, gris et couleurs terre de Reem Yassouf appellent et interpellent le regard. Les ombres réalisées à partir de surcharge ou de réduction de teintes créent des espaces flottants, éthérés, entre fiction et réalité. Enfin cette petite alouette qui ne la quitte pas depuis sa dernière exposition à la galerie Art on 56th est son repère, sa signature. On la retrouve au coin de la toile déployant ses ailes vers le haut. Reem Yassouf construit sa toile à la manière d’un architecte. Ses cubes, carrés et formes de toutes sortes délimitent une ville imaginaire ou un pays perdu, parfois réinventé. Par un travail de contrastes entre les couleurs, une porte ou une fenêtre s’ouvre pour se refermer plus loin. Contraste également entre le silence qui nimbe la toile, que contrebalance un mouvement foisonnant créé par les foules agglomérées. C’est après avoir installé le décor qu’elle pose ses silhouettes. Des corps non de couleur chair mais en noir et blanc, qui effectuent des gestes intemporels. « Mon travail est un jeu, une interaction avec la toile. C’est elle qui m’impose la suite de la démarche picturale », signale-t-elle.

Face-à-face
L’artiste, déplacée de Syrie depuis 2012, a posé ses valises à Rouen en 2015 après un court passage à Amman. « J’ai choisi volontairement cette ville, car j’en suis tombée amoureuse, dit-elle. D’ailleurs, ses ruelles et son architecture me rappellent la Syrie. » Tous ces déplacements ont fait d’elle une citoyenne du monde, volontairement pas cloisonnée dans ses problèmes personnels et identitaires, mais les partageant avec tant d’autres. « Nous avons tous, aujourd’hui, de partout sur la planète, les mêmes questionnements, les mêmes angoisses. Cette humanité est devenue presque tout entière reliée par un même destin. » C’est pour cette raison que l’artiste s’est octroyée la liberté de ne pas expliquer son exposition dans une note d’intention. Elle a laissé, au contraire, les visiteurs faire leur propre jugement et distinguer la noirceur des plages blanches, ou voir pointer cette lueur d’espoir même si elle y est parfois imperceptible. Son installation de masques réalisés en mixed media cloîtrés derrière de fins barreaux en fer et dont le regard fixe et absent semble pourtant interroger l’observateur – Face to face – rappelle que chacun de nous est un personnage de la toile de Reem Yassouf. Chacun de nous est l’acteur de cette vie qui se déploie sous nos yeux. Et chacun de nous a son histoire inscrite dans ces silhouettes qui se profilent sur la toile. Les histoires d’amour, de maternité, de paternité, de peur, de ralliement, de querelles, de révoltes, de guerre et de résistance se lisent dans l’attitude de ces grappes d’humains qui se rassemblent en groupes, en ligues et en processions, réclamant leur droit le plus cher : celui à la vie et à la liberté. « Je suis peut-être une et unique, dit Reem Yassouf, mais aussi double et multiple. Je peux aujourd’hui plier la tête, mais la relever le lendemain. Je peux rester immobile mais aussi danser. D’ailleurs c’est pourquoi j’ai donné comme intitulé à mon exposition : “Dance for…”. »
Pour l’artiste, la danse est la meilleure expression du corps. À travers les âges, avant que l’audiovisuel ne naisse, cette discipline artistique a exprimé tant d’émotions. « Remarquez tous ces corps qui se déplacent sur le bitume des routes dans toutes les villes du monde. Leurs mouvements ne sont-ils pas ceux empruntés à la danse ? Celle-ci, quoique guidée par un rythme et par un chorégraphe, est cependant une expression libre et libératoire. » Cet appel à la liberté est paradoxalement représenté par ces fils extrêmement indicibles qui traversent les toiles. Le fil est certes toutes ces chaînes dont les êtres humains tentent de se débarrasser, en dansant. Mais c’est aussi, et avant tout, ce destin qui les relie l’un à l’autre parfois d’une manière invisible. Ceci porte un autre nom : on appelle ça un grand élan d’amour et d’humanité.

*Galerie Art on 56th
 Rue Gemmayzé, Reem Yassouf : « Dance for… ».
Jusqu’au 12 mai. Tél : 01570331.


Pour mémoire

Pour Reem Yassouf, l’enfant prend son envol

Sa palette et sa touche sont devenues reconnaissables. Les blancs, noirs, gris et couleurs terre de Reem Yassouf appellent et interpellent le regard. Les ombres réalisées à partir de surcharge ou de réduction de teintes créent des espaces flottants, éthérés, entre fiction et réalité. Enfin cette petite alouette qui ne la quitte pas depuis sa dernière exposition à la galerie Art on...

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