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Liban - Législatives 2018 - Interview

Rifi : La souveraineté d’abord

Achraf Rifi lors d’une tournée électorale à Denniyé. Photo d’archives

Dans le cadre de la vaste couverture qu’il assure au processus électoral en cours, L’Orient-Le Jour a pris l’engagement de présenter à ses lecteurs une longue série de portraits et d’interviews express afin de leur permettre de se forger une opinion sur la personnalité et les orientations des différents candidats aux législatives.

Nous poursuivons aujourd’hui la publication d’interviews avec les chefs de parti et les chefs de file des principaux courants qui se disputent l’échiquier politique local. Après Gebran Bassil, Samy Gemayel, Samir Geagea et Michel Pharaon, la parole est donnée à l’ancien ministre Achraf Rifi.

L’ancien ministre Achraf Rifi est déterminé à mener sa bataille souverainiste « jusqu’à (son) dernier souffle ». La virulence de son discours contre les armes du Hezbollah n’est pourtant pas facile à assumer à l’ombre d’un « mandat qui les a normalisées ». Cette virulence lui a valu d’ailleurs l’échec de certaines alliances avec des partis politiques ou des indépendants, pour qui il aurait été trop loin dans ses dénonciations des choix qu’il lui est arrivé de juger « compromissoires » du courant du Futur à l’égard du Hezbollah et du Courant patriotique libre. Pour Achraf Rifi, il ne fait pas de doute que les législatives vont contribuer à l’ancrage politique du Hezbollah. 

« Le projet iranien se focalise désormais sur l’objectif de mettre la main sur tous les rouages du pouvoir. Il a compris qu’à ce stade, l’approche militaire n’est plus opportune dans un pays dont la stabilité est prioritaire pour tous les acteurs. Il se tourne désormais vers les institutions. Et cela, c’est le compromis de la présidentielle qui l’a rendu possible », dit-il. 

Cet enjeu stratégique du Hezbollah serait aussi servi par la nouvelle loi électorale. « Sur le principe, la proportionnelle est plus valable que le mode de scrutin majoritaire. » Toutefois, étant donné que « le Hezbollah tient le pays d’une main de fer, il réussira à former un bloc multiconfessionnel avec au moins six députés sunnites (Saïda, Békaa-Ouest-Rachaya, Beyrouth II, Baalbeck-Hermel, Akkar, Tripoli), tandis que je ne m’attends pas à ce qu’il y ait plus d’un chiite dans un bloc emmené par le courant du Futur ». Le vote préférentiel, lui, aurait plus de désavantages que d’avantages. D’abord en ce qu’il infantilise l’électeur en « limitant sa liberté d’action » – deux votes préférentiels auraient été plus valables, mais auraient renforcé la force de frappe des partis forts. Ensuite parce que ce vote préférentiel par caza nous « ramène à une sorte de loi hybride où prédomine le projet dit orthodoxe ». L’autre vice de facto de ces élections est le fait que « pour la première fois de l’histoire du pays, le gouvernement qui supervise les législatives compte seize candidats, y compris les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères ». Le pouvoir détiendrait ainsi la clé des législatives. 

C’est d’ailleurs le ministère de l’Intérieur, « qui a encerclé la municipalité de Tripoli » et jusqu’au Conseil du développement et de la reconstruction, qui serait responsable du « blocage » des projets du conseil municipal de cette ville. Celui-ci relève d’Achraf Rifi depuis la victoire écrasante de sa liste aux municipales de 2016. Le faible rendement du conseil municipal est utilisé comme argument contre lui, de même que les relations rétablies entre l’Arabie saoudite et le Premier ministre Saad Hariri sont mises en avant pour suggérer que M. Rifi a perdu l’opportunité de se substituer au leader du courant du Futur, en portant la voix de la rue sunnite face au Hezbollah. « Je ne mesure pas mes rapports avec l’Arabie saoudite sur la base des liens de Riyad avec d’autres. Ma relation avec le royaume est constante, et je ne suis pas concerné par le reste », précise-t-il sur ce point. 

Le député sortant Khaled Daher, qui s’était retiré du bloc du Futur, était sur le point de se rallier à sa liste, jusqu’à ce qu’il décide de retourner dans le giron haririen. « C’est une mise en scène qui a joué en notre faveur, spécifiquement au Akkar », dit-il.  C’est plutôt discrètement qu’Achraf Rifi a formé trois listes : à Tripoli-Minié-Denniyé, où il se porte candidat, au Akkar et à Beyrouth II. 

Bien qu’ayant envisagé dans un premier temps des alliances avec les Kataëb, voire les Forces libanaises, ses listes ont fini par se restreindre à une alliance avec des figures de la société civile, « choisies pour leur orientation politique souverainiste, leur niveau d’éducation, leur éthique, leur sens de la responsabilité ». 

Il évoque en même temps ses « alliés naturels » parmi les partis politiques et « les indépendants souverainistes » qu’il appuie dans les circonscriptions où il n’a pas de liste. Il en va ainsi du Parti national libéral dont il soutient le candidat, Camille Chamoun, dans le Chouf, et du candidat Nicolas Skaff à Zahlé.

Il confie également avoir appelé à soutenir la candidature du député sortant Waël Bou Faour au siège druze de la Békaa-Ouest-Rachaya. « Bien qu’il soit candidat sur la liste PSP-Futur, cet appui est en réaction à la démarche de Saad Hariri, qui semble compromettre ses rapports avec le PSP en faveur d’un retour des figures prosyriennes », dit-il.

Notons que le courant du Futur a substitué sur sa liste le candidat au siège grec-orthodoxe Ghassan Skaff au député sortant, membre du Bloc démocratique (joumblattiste), Antoine Saad, comme s’il voulait favoriser par défaut Élie Ferzli, candidat sur la liste de Abdel Rahim Mrad. 

Avec les Kataëb, l’alliance reste implicite, même si elle n’a pas pu être formalisée, pour des raisons purement électorales.  Avec les Forces libanaises, rien n’a pu être fait, « bien que je l’aie souhaité ». « Ils ont semble-t-il été embarrassés par le plafond de notre discours, surtout qu’ils semblent avoir des engagements envers le courant du Futur. »

C’est en tout cas avec « ses alliés naturels » qu’Achraf Rifi envisagerait de « coopérer au sein du Parlement ». Il prévoit de former « un bloc parlementaire de l’opposition ». Ce sera un moyen pour lui d’exercer « pour la première fois » l’opposition, plutôt « l’affrontement de l’intérieur du Parlement ». Un « bloc très actif, quelle qu’en soit la taille », orienté sur deux projets : celui de « la souveraineté de l’État » et celui de « la lutte contre la corruption et la dilapidation des deniers publics au détriment de régions livrées à la misère ». Mais, dit-il, « le premier dossier passe avant le second. Puisque aucune réforme structurelle de l’État n’est envisageable tant que l’État est phagocyté par le mini-État ».  Il dit compter surtout sur les jeunes pour relayer son combat, d’autres s’étant lassés beaucoup trop tôt.


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commentaires (2)

IL A RAISON POUR UNE FOIS , MAIS QU'IL NOUS LAQUELLE DE SOUVERAINETÉ. ?

FRIK-A-FRAK

12 h 10, le 04 mai 2018

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Commentaires (2)

  • IL A RAISON POUR UNE FOIS , MAIS QU'IL NOUS LAQUELLE DE SOUVERAINETÉ. ?

    FRIK-A-FRAK

    12 h 10, le 04 mai 2018

  • UN VRAI LIBANAIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 20, le 04 mai 2018

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