L’événement est de taille : pour la première fois dans l’histoire du Liban, les Libanais de l’étranger ont pu exercer leur droit de vote lors d’élections législatives à partir des pays d’accueil.
Il s’agit d’un développement majeur pour les électeurs de la diaspora, qui, depuis des années, ont été soit privés de cet exercice démocratique, soit contraints de prendre l’avion pour venir voter sur place, un déplacement cautionné par un vote en faveur des partis politiques qui prenaient souvent en charge le prix des billets d’avion.
Pour ce scrutin, 82 970 électeurs de la diaspora, au total, se sont inscrits pour élire les représentants au Parlement sur base de la circonscription dont ils sont originaires.
Hier, c’était au tour des 12 611 Libanais inscrits dans six pays arabes de se rendre aux bureaux de vote, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, au Koweït, au Qatar, à Oman et en Égypte. Demain dimanche, la seconde phase de cette consultation aura lieu dans le reste du monde où devront voter les 70 359 électeurs restants de la diaspora.
Tard en soirée, l’Agence nationale d’information a donné les taux de participation dans cinq des six États où se déroulait le vote : Arabie saoudite 62,4 % ; Égypte 51 % ; Qatar 76,53 % ; Koweït 69,1 % ; Émirats arabes unis 62,8 %.
Retransmise en direct grâce à des caméras installées dans les locaux des ambassades des pays concernés, l’opération électorale s’est déroulée, dans son ensemble, dans un climat relativement serein, en présence des délégués de l’ensemble des partis politiques, à l’exception de ceux du Hezbollah qui ont tenu à faire profil bas dans des pays où ils ne sont pas particulièrement appréciés.
Quelques violations ont toutefois été relevées, notamment par les délégués de l’Association pour la démocratie des élections (LADE) qui ont protesté dès les premières heures du vote contre la présence d’une caméra installée au-dessus de l’isoloir à l’ambassade libanaise à Mascate. Cette faute a immédiatement été rectifiée après que la chambre d’opérations au ministère des Affaires étrangères en a informé les fonctionnaires de l’ambassade qui ont procédé à neutraliser la caméra en la couvrant d’un tissu.
Une autre brèche a été relevée par les membres de la LADE qui ont dénoncé la tentative de certains délégués à Dubaï qui auraient essayé d’inscrire, à la main, les noms de personnes qui ne figuraient pas sur les listes officielles des électeurs, une plainte qu’a démentie le consul sur place, Assaf Doumit, ainsi que le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Hani Chmaytelli. « Il s’agit d’une information mensongère qui n’a aucun fondement », a-t-il dit. « Nous sommes maintenant contraints de surveiller le travail de la LADE qui est censé surveiller les élections », a-t-il ironisé dans une déclaration à la presse.
À Djeddah, une plainte similaire relative à l’absence de certains noms d’électeurs qui se croyaient inscrits sur les listes officielles a été soulevée par des Libanais qui se sont présentés à l’ambassade sans pouvoir exprimer leur vote. L’ambassadeur du Liban en Arabie saoudite, Fawzi Kabbara, qui a fait part de leur « déception, ayant dû traverser de longues distances dans l’espoir de voter », a toutefois précisé qu’il s’agissait d’une erreur d’enregistrement électronique au départ.
(Lire aussi : À Djeddah, les électeurs libanais sous l’œil des caméras)
Le report du transfert des bulletins
Réagissant à une plainte formulée par l’un des électeurs à Dubaï qui avait protesté devant les caméras de la LBCI contre le fait que les enveloppes qui contiennent les bulletins de vote « n’étaient pas scellées », M. Chmaytelli a précisé que les enveloppes « ne doivent pas être scellées ou collées, car cela risque d’endommager le bulletin à l’ouverture de l’enveloppe ».
En soirée, on apprenait toutefois que le service DHL (courrier rapide) chargé d’acheminer au Liban les enveloppes scellées contenant les bulletins de vote des Libanais de l’étranger n’était pas opérationnel les vendredis, un jour chômé dans les pays islamiques, les enveloppes devant attendre le samedi matin pour être envoyées à Beyrouth. En soirée, la LADE a critiqué dans un communiqué le fait que les bulletins de vote n’aient pas été transférés le même jour. L’association a déploré que « les observateurs et les délégués n’aient pas été préalablement informés de ce contretemps pour pouvoir prendre les mesures nécessaires pour suivre de près le mécanisme du transport des colis transportant les bulletins ».
En soirée, l’ambassadeur du Liban aux Émirats, Fouad Dandan, a indiqué que les bulletins de vote de Dubaï et d’Abou Dhabi seront envoyés samedi matin au Liban. Afin de rassurer les délégués des différents partis qui s’inquiétaient de ce temps mort au cours duquel les bulletins ne seront pas surveillés, l’ambassadeur a invité ces derniers à rester sur place jusqu’à l’arrivée, en cours de matinée, des agents du DHL.
Une fois arrivées à destination, les enveloppes seront entreposées au siège de la Banque du Liban puis transportées le 6 mai, dès 11h, par des véhicules des Forces de sécurité intérieure, dans les circonscriptions électorales afférentes où elles seront dépouillées.
(Lire aussi : Ils votent pour la première fois, les Libanais de la diaspora racontent)
Le palais Bustros en effervescence
À Beyrouth, le palais Bustros s’est transformé en une ruche d’abeille aux murs placardés par cinq écrans géants qui retransmettaient, minute par minute, les opérations de vote dans les 32 centres répartis sur les différents États arabes où se déroulait le scrutin. Une logistique mise en place pour rassurer sur la transparence des opérations.
Grâce à une technologie ultrasophistiquée, les représentants des deux ministères, celui de l’Intérieur et des Affaires étrangères, les observateurs, dont des délégations diplomatiques, ont pu suivre minute par minute le déroulement des opérations. Sur l’un des écrans, on pouvait suivre le taux de participation enregistré à différents moments de la journée. À Dubaï, 1 230 électeurs sur les 1 832 avaient déjà voté à 20h, soit deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, prévue à 22h, heure locale, dans la plupart des pays où se déroulait le scrutin, sauf en Égypte, où la fermeture a été fixée à 23h.
Dans l’après-midi, le président de la République, Michel Aoun, s’est rendu au palais Bustros pour s’assurer de la bonne marche des opérations. M. Aoun a qualifié d’ « exploit » le fait de réussir à « organiser des élections dans 40 différents pays dans le monde ». Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, s’est également rendu sur les lieux. Il a salué la « transparence » du vote, indiquant qu’aucune plainte n’avait été enregistrée.
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12 h 03, le 28 avril 2018