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Culture - Édition

Karnik Tellyan, ou l’art photographique qui sauve une vie...

Un personnage hors normes entre les routes de l’exode arménien et les rocambolesques aventures pour la survie, le bonheur et la dignité. Et l’art de la photographie pour compagnon de témoignage et d’expression. Tout cela à travers un livre intitulé « Karnik Tellyan » alliant textes et photos (éditions al-Ayn, 111 pages), signé Hoda Kassatly, Ani et Sarkis Tellyan.

Les photographies de Karnik Tellyan.

Comme un iceberg dont on ne voit que la pointe mais dont on soupçonne vaguement la part massive et compacte cachée. Telle est l’œuvre photographique de Karnik Tellyan, perpétuel rescapé du génocide arménien et des innombrables guerres du siècle dernier. Une œuvre photographique disséminée et perdue le long d’un parcours cahoteux, tumultueux, tourmenté car marqué par une incroyable adversité. Cependant, sa fille Ani et son fils Sarkis ainsi que Hoda Kassatly, une photographe chevronnée et esthète, ont signé des textes et recomposé le puzzle d’une existence turbulente et riche. Pour sauver la trace d’un homme pour qui la photographie et l’art (de vivre et de composer avec une réalité fuyante) ont été une véritable bouée de sauvetage.
Telle est la trame d’un livre simplement intitulé Karnik Tellyan (éditions al-Ayn Photographies du Moyen-Orient, Collection Traces). Bien sûr, c’est tout d’abord un album de famille, un récit attachant à sauvegarder de l’oubli. Mais aussi un besoin de révéler un talent qui a eu son heure de gloire au Liban et à l’étranger, un hommage à un artiste, un témoignage sur une mouvance sociale, un décryptage de plus sur les éternels recommencements de l’histoire entre destruction et reconstruction.
Car cet artiste, toujours heureux de vivre et d’une sereine combativité, aura traversé tout le XXe siècle, par-delà divers métiers de débrouille pour rester debout, la caméra au poing et l’œil vissé sur l’objectif. Pour parler de la folie des hommes, des bouleversements des nations, des vagues migratoires (qui ne sont pas seulement celles d’aujourd’hui), de l’inaliénable liberté de vivre et de la beauté et de la grandeur de la création de Dieu… Pour évoquer la vie aux sauts forcés et périlleux de ce photographe atypique (aucun métier n’avait de secrets pour lui !), on serait tenté de parler d’un roman picaresque aux détours émouvants et plus imprévisibles que la plus surréaliste des fictions.
De son village à Kayseri (Turquie) en 1904 à son studio de l’avenue des Français à Beyrouth, de ses étonnants périples (le voyage en ce temps-là n’avait pas la facilité actuelle) à sa mort survenue dans la capitale du pays du Cèdre en 1979, que de voyages, que de scènes incroyables dans leur beauté, leur étrangeté, leur moment de réconciliation, leur richesse, leur cruauté... Pour un brin de paix. Comme ces heures passées à jardiner en Candide voltairien dans sa terre et demeure à Dhour Choueir !
Il sillonnera, comme dans un rêve éveillé, une bonne partie de la planète. Ses pas et sa caméra (Bolex 016mm, et plus tard machine Omac, Agfa Variomat et Colourmat ainsi que l’emploi déjà des films Anscochrome) le mèneront d’un petit village d’Anatolie centrale au Liban en passant par l’Allemagne (collaboration et partenariat avec la firme Hegewald), la France, la Grèce, la Corse, l’Italie, la Roumanie, la Bulgarie…
Son regard d’une insatiable curiosité et son objectif toujours à l’affût capteront les images les plus surprenantes, les plus inattendues. Il est un globe-trotter de race avant le terme. Un aventurier de classe, à la fois téméraire, courageux et modeste, qui a du flair et du talent pour saisir l’inédit. Il a réalisé des images du monde (ethniques en bonne et due forme) et effectué un flirt poussé avec les films documentaires en Allemagne dont il sera un vrai porte-étendard. Et en bon Arménien qui ne déroge pas à la réputation et à la légende, ses photos passeport ou portraits de toutes sortes seront estampillés d’un art fait de précision et de savoir-faire remarquable.
En feuilletant ces pages illustrées, une question surgit à l’esprit : quel est le plus important, le parcours invraisemblable d’une vie ou les restes d’une œuvre photographique ?
Une vie plus romanesque que le plus improbable des romans et une œuvre riche mais dont on n’a pu recueillir qu’une mince partie vu que les sanglants événements de la guerre libanaise se sont chargés de détruire toutes ses archives. Ou presque ! Archives patiemment, minutieusement et passionnément rassemblées. Quelques mois avant de mourir (fumeur invétéré, il était atteint d’un emphysème pulmonaire), il avait consacré sa dernière énergie à constituer plusieurs albums. À chacun de ses quatre enfants ainsi que pour sa propre personne !
Un livre vibrant de vie qui marque la lutte de Sisyphe d’un artiste pour qui la vie avait d’impitoyables crocs d’acier. On apprécie le sinueux parcours d’une destinée soutenue par un courage extrême et une vertu inébranlable pour le bonheur. En témoignent ces superbes photographies : leçons de sagesse, de sérénité, de paix intérieure et de tolérance sur la diversité d’être et de se comporter.
Une signature du livre et un événement pour le lancement de l’ouvrage auront lieu vers la mi-mai au Stark Creative Space* (Kaslik Plaza, deuxième étage). Un espace de rencontres musicales et de culture tenu par le petit-fils de l’artiste défunt, le violoniste Zareh Tcheroyan, maître de l’archet précoce (débuts à dix ans !) et aujourd’hui diplômé de la prestigieuse Julliard School de New York. L’argent collecté servira pour la fondation d’un prix pour promouvoir les jeunes talents en photographie.

* Pour plus de détails, contacter :
ztcheroyan@gmail.com

Comme un iceberg dont on ne voit que la pointe mais dont on soupçonne vaguement la part massive et compacte cachée. Telle est l’œuvre photographique de Karnik Tellyan, perpétuel rescapé du génocide arménien et des innombrables guerres du siècle dernier. Une œuvre photographique disséminée et perdue le long d’un parcours cahoteux, tumultueux, tourmenté car marqué par...

commentaires (1)

Toujours de belles découvertes. Bravo et merci l'orient-le-jour.

Sarkis Serge Tateossian

22 h 46, le 24 avril 2018

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Commentaires (1)

  • Toujours de belles découvertes. Bravo et merci l'orient-le-jour.

    Sarkis Serge Tateossian

    22 h 46, le 24 avril 2018

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