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Nos Lecteurs ont la Parole - Par Gabriel ABOU ADAL

Loi électorale, représentation et communautarisme

Lors des débats portant sur l’adoption de la nouvelle loi électorale, les décideurs politiques libanais n’avaient qu’un mot à la bouche : représentativité. Par là, ils essayaient de camoufler les manœuvres entreprises – tacitement – par les partis pour tenter de « tirer à eux la couverture » et de s’arroger une part aussi grande que possible de ce gigantesque butin qu’est le Parlement. Les discours de certains partis ont notamment été axés sur le « rétablissement des droits des chrétiens ». Ces mêmes partis ont par la suite crié victoire, prétendant que la nouvelle loi permettrait aux Libanais chrétiens de « choisir par leurs voix un nombre de députés le plus élevé depuis Taëf », corrigeant ainsi une « injustice » par laquelle « des députés chrétiens étaient élus par des voix musulmanes ».
Bâti sur l’association de ses diverses communautés au sein d’un seul État, d’une seule patrie, le Liban ne peut survivre, sur le long terme, à un tel discours. Car si les sièges parlementaires sont répartis entre les communautés selon une parité islamo-chrétienne et entre les circonscriptions selon le poids démographique approximatif de chaque communauté (art. 24 de la Constitution), le député ne représente pas pour autant sa communauté. Le député, élu par les voix des électeurs de sa circonscription quelle que soit leur appartenance communautaire, détient un mandat de ces mêmes électeurs pour les représenter à la place de l’Étoile ; de plus, « le membre de la Chambre représente toute la nation » (art. 27 de la Constitution). Un député, fût-il chrétien ou musulman, est ainsi habilité à représenter ceux qui l’ont élu, fussent-ils musulmans ou chrétiens.
Ainsi, les élus aux sièges maronite et grec-catholique de Baalbeck-Hermel représentent leurs électeurs, peu importe que ceux-ci soient à 85 % de confession musulmane ; réciproquement, l’élu au siège chiite de Jbeil représente ses électeurs, peu importe que ceux-ci soient à 75% de confession chrétienne. Car quelle est la différence entre la voix d’un Libanais chrétien et celle d’un Libanais musulman, si ce n’est le registre de la confession dans l’extrait d’état civil ? Ne sont-ils pas tous deux Libanais, fils de la même patrie, habilités à choisir leurs représentants en fonction de leurs opinions politiques ?
Dangereuse, l’idée qui veut que seuls les chrétiens puissent valablement élire un député chrétien ouvre au pied de biche un clivage néfaste entre les communautés, en faisant croire qu’un député chrétien issu d’une circonscription à majorité musulmane « n’est pas bien élu » (sic). Cette idée renforce le communautarisme, tend à faire de la République libanaise un conglomérat de communautés jalouses de leurs prérogatives et étrangères à l’idée d’égalité citoyenne, et s’éloigne de l’esprit originel du pacte.
Prévoyant le respect de la parité et pourvoyant des postes à des membres de toutes les communautés, ce pacte n’en comporte pas moins le principe de démocratie parlementaire, que la représentation des chrétiens par des seuls chrétiens (et vice versa) viendrait détruire. Que soixante-quatre sièges soient réservés à des chrétiens, soit! Cela fait partie de l’ADN de notre République. Mais que trente pour cent (et quelques) de Libanais élisent, sous prétexte qu’ils sont chrétiens, la moitié des députés de la nation est en contradiction flagrante avec (comble de l’ironie !) l’idée même de représentation juste et équitable.
La solution réside dans la formation de partis politiques transcommunautaires basés sur des idéaux politiques. Courageux sera le parti qui décidera de présenter des candidats sérieux dans toutes les circonscriptions et de ne pas « laisser » un siège hors de sa communauté à un autre parti.


Lors des débats portant sur l’adoption de la nouvelle loi électorale, les décideurs politiques libanais n’avaient qu’un mot à la bouche : représentativité. Par là, ils essayaient de camoufler les manœuvres entreprises – tacitement – par les partis pour tenter de « tirer à eux la couverture » et de s’arroger une part aussi grande que possible de ce gigantesque...
commentaires (1)

Quel bon article !

Karim

18 h 04, le 20 avril 2018

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Commentaires (1)

  • Quel bon article !

    Karim

    18 h 04, le 20 avril 2018

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