Il ne faut pas être dupe. Si Bachar el-Assad a pu se maintenir au pouvoir, c’est essentiellement grâce à l’intervention russe, à partir de septembre 2015. En effet, malgré le soutien de poids de l’Iran et de ses milices chiites (libanaises, irakiennes, pakistanaises et afghanes), le régime syrien était toujours embourbé jusqu’au cou face aux rebelles et jihadistes qui avançaient de toutes parts.
Le soutien militaire et diplomatique russe a réussi à inverser le rapport de force sur le terrain où les Iraniens et leurs affidés ont quand même payé un lourd tribut dans cette guerre.
Face aux rebelles comme à Alep et à Deraa, ou face aux jihadistes de l’État islamique comme à Deir ez-Zor, les milices chiites ont été sur tous les fronts. Mais parallèlement aux combats contre les insurgés, l’Iran tissait patiemment son réseau à travers le territoire syrien en établissant des bases d’entraînement et de renseignement. Le but principal de la République islamique étant la concrétisation sur le terrain d’un axe iranien allant de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas, pour avoir un accès sur la Méditerranée, de manière à protéger le transfert d’armes au Hezbollah et à s’implanter le plus près possible de la frontière israélienne.
Ce qui se faisait discrètement au début du conflit est devenu de plus en plus visible alors que la situation devenait plus favorable pour le régime d’Assad. Et les revendications des autorités iraniennes, qui veulent fructifier les dividendes de leur soutien à Assad, sont devenues plus importantes.
Outre l’établissement de bases militaires permanentes en Syrie pour ses forces et celles des miliciens chiites, Téhéran vise aussi les eaux et les airs : plusieurs médias ont fait état d’une volonté iranienne de construire une base navale à Tartous, une demande rejetée semble-t-il par Moscou. Par ailleurs, l’Iran aurait construit plusieurs installations en Syrie pour développer et renforcer les capacités de ses missiles et de ses drones pour mieux toucher le territoire israélien.
La multiplication des frappes aériennes israéliennes sur les bases iraniennes en Syrie, qu’elles soient au sud de Damas ou le fameux aéroport T4 situé dans la province de Homs, illustre l’accroissement des activités iraniennes dans ce domaine. Rappelons aussi qu’en 2015, un raid israélien sur le Golan syrien avait fait 12 morts : six militaires iraniens dont un général, et six combattants du Hezbollah.
(Lire aussi : Des frappes tardives auront-elles toujours un sens ?)
Conflit israélo-iranien
La dernière frappe israélienne contre l’aéroport T4 qui a visé des installations iraniennes augure néanmoins d’un dérapage possible dans les affrontements entre Iraniens et Israéliens, faisant de la Syrie un terrain de confrontations entre ces deux puissances régionales. Téhéran a averti qu’il va se venger de la mort de ses militaires, alors que Tel-Aviv ne cesse de répéter qu’il ne permettra pas un « ancrage » iranien en Syrie.
Toute escalade entre les deux risque toutefois de déstabiliser le pouvoir de Bachar el-Assad, alors que la Russie cherche par tous les moyens à renforcer et pérenniser le régime syrien. Malgré l’alliance qui les lie, l’agenda iranien en Syrie pourrait donc contrecarrer les plans russes pour leur protégé. Ainsi, aujourd’hui, Bachar est devenu en quelque sorte otage de Moscou et de Téhéran. Et le président syrien doit le savoir très bien, lui qui joue souvent sur les contradictions entre ses ennemis ou ses alliés.
Ainsi, la présence iranienne sur le territoire syrien semble être un fardeau de plus en plus lourd à porter. Il est évident en outre qu’il lui sera très pénible de se débarrasser des Iraniens. Il en a besoin. Mais entre Moscou et Téhéran le choix ne devrait pas être aussi difficile pour le président syrien, d’autant que plusieurs signaux ont été lancés dernièrement de la part des Occidentaux pour l’encourager à couper le lien avec l’Iran.
Le dernier pari en date est venu du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, qui a reconnu que le président syrien restera probablement au pouvoir. « Bachar va rester. Mais je crois que Bachar a intérêt à ne pas laisser les Iraniens faire ce qu’ils veulent » en Syrie, a ainsi affirmé MBS au Time lors de sa visite aux États-Unis. La main tendue du dirigeant saoudien est donc assortie d’une condition : ne pas devenir « une marionnette aux mains de Téhéran ».
Et maintenant qu’une nouvelle phase se profile en Syrie, celle de l’après-guerre, Bachar el-Assad doit donc impérativement refaire ses calculs. La Russie et l’Iran l’ont aidé militairement à se maintenir au pouvoir. Mais ils ne pourront en aucun cas l’aider à reconstruire le pays ravagé par sept ans de guerre. Il aura sûrement besoin des Occidentaux et des Arabes, qui dicteront désormais leurs conditions.
Les victoires militaires du régime syrien depuis cinq ans
Lire aussi
Macron veut bâtir une « alliance stratégique » avec MBS
Raid israélien en Syrie : un tournant dans les relations avec la Russie ?
En vérité, je pense que l'allié de l'occident wahabite bensaoud est l'élément encombrant en priorité. Et le turc aussi .
15 h 23, le 13 avril 2018