Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Rencontre

Les bonheurs de Sophie (Fontanel)

Rien de cendré, rien de gris chez cette écrivaine et rédactrice aux 150 000 adeptes sur Instagram qui, en décidant d’arrêter de se teindre les cheveux comme elle le raconte dans son dernier roman « L’Apparition », a exhumé toutes les nuances d’une liberté qui refuse les diktats d’une féminité codifiée.

Sophie Fontanel en T-shirt Rabih Kayrouz. Photo DR

Cet article aurait pu également s’intituler « Des racines et des elles », un titre qui exprime parfaitement la mutation au cœur de laquelle s’est récemment trouvée Sophie Fontanel. Le jour où elle a refusé de plier face à une société qui dicte aux femmes des croisades à l’ammoniac contre la moindre racine grisonnante, où elle a décidé d’arrêter de se teindre les cheveux, les abandonnant à un destin hésitant entre sel et poivre, on jurerait volontiers qu’il a poussé des ailes à Sophie Fontanel, dont cet épanouissement relativement tardif a été détaillé dans les pages de L’Apparition, paru en août dernier. Et au moment où on l’envisagerait naïvement en contra contrariante, la batailleuse qui prend le contre-pied d’une féminité figée se fait dorloteuse et cajole ses roses cambrées dans des vases en porcelaine blanche alors qu’elle avance : « Je suis féminine parce que je pardonne. Je suis féminine parce que je préférerai toujours la caresse à la baffe. » Mais en l’ignorant, elle vient de nous asséner une claque qui provoque toutefois l’envie de tendre l’autre joue.

Autant Jane Birkin que Francis Huster
Si, aux pieds, Fontanel a enfilé des boots qu’on dirait empruntées à un clown randonneur, si elle revendique ses excès et affirme ses folies en se régalant de mochis au chocolat dont elle dit : « Méfiez-vous, c’est une drogue ! » ses lèvres ne se défont pas d’un vouvoiement qu’une certaine facilité associerait à son enfance passée dans le XVIe arrondissement. Pendant cette période, « dans une famille qui m’a transmis l’amour de la littérature » et où « la beauté était l’apanage de Marc, mon frère aîné », résume-t-elle, les mots étreignent naturellement la petite Sophie, héritière boulimique de la culture, qui dévore Cocteau et La Rochefoucauld pour mieux noircir ses cahiers de poèmes, de scénarios de théâtre et même de paroles de chansons qui feront l’objet de deux albums. À l’époque, quand tous les garçons et filles de son âge se rangeaient dans les cases d’une sexualité normée, la future écrivaine préférait déjà torsader les désirs-désordres de sa personnalité. Elle l’irrigue autant de la dégaine en Levi’s 501 de Jane Birkin, « parce qu’elle proposait quelque chose de réalisable, auquel on pouvait oser ressembler », que de la masculinité de Francis Huster, planquée sous sa frange rideau dans Les Dames de la Côte. « Je m’identifiais à lui, je parlais comme lui », tant et si bien qu’elle se conçoit comme « le garçon et la fille, à la fois ». Ainsi, l’adolescente accroche sa féminité indécise à un vestiaire fluide qui tombe les frontières des genres. « Cette féminité que j’ai interrogée pendant 40 ans de ma vie », songe-t-elle en s’égarant vers la fenêtre où semblent s’accrocher les Tuileries. Par-delà la découverte du pouvoir du verbe, elle réalise tout ce que peut dire un vêtement, chose qui lui vient du versant maternel. « La légende raconte que ma grand-mère arménienne, fuyant la Turquie, avait glissé des pages de Vogue sous sa manche. » Ou sinon de ses premiers séjours à Saint-Tropez au cours desquels elle caresse « les premiers beaux vêtements. Je découvrais en fait l’infini des possibles pour une femme ».


(Lire aussi : Parce que les cheveux gris-blanc sont désormais très tendance)


Des mots et des modes
Des bouquins, les siens et ceux des autres, ainsi que des fringues, autant du trois fois rien que des griffes à trois zéros, s’empilent à parité sur les étagères de celle qui ne cesse de tramer de fantaisie le tissu de sa vie, qui aligne dans une même phrase Audrey Hepburn et Rihanna et vient d’être nommée 8e femme la plus puissante de France par Vanity Fair. Elle officie dix ans chez Elle où elle crée le personnage tendrement déglingué de Fonelle, avant de claquer la porte pour rejoindre les pages mode de L’Obs en 2011, en même temps qu’elle publie L’Envie dans lequel elle romance avec élégance la période, vécue comme un désir d’insubordination, où elle met en suspens sa vie sexuelle. Sans craindre quelque grand écart schizophrène, Sophie Fontanel, qui aime au contraire confondre les mondes, vit aujourd’hui des mots et de la mode. « Je n’y vois aucune schizophrénie. Les mots sont essentiels pour la mode qui peine à trouver un langage journalistique. Et puis, surtout, la mode est une manière de s’écrire, de se lire aussi », nuance cette hybride multimédia, cette décodeuse de tendances, qui se met en scène devant le miroir (désormais iconique) de sa chambre à coucher et sous les yeux de ses 150 000 abonnés sur Instagram. Elle avoue se plaire à jouer « la fausse mannequin parmi les vrais mannequins ». Et de rajouter : « C’est un peu ce que j’ai fait en défilant pour Rabih Kayrouz en janvier dernier au milieu des vrais mannequins. Rabih, que j’adore, a rendu ça très naturel. » Grâce à son personnage romanesque brodé au gré de tenues à la liberté pétulante, tantôt hissée sur échasses, tantôt vissée dans une doudoune façon édredon, un coup petite sœur d’adoption de Nina Companeez et un coup houssée de quotidienneté dans du Uniqlo, elle voudrait « proposer à ceux qui (la) suivent un vestiaire accessible plus qu’une image impénétrable », condense-t-elle avec l’air de se foutre du conformisme maniéré de celles qui pensent faire la pluie et le beau temps sur réseaux sociaux.


(Pour mémoire : « La vocation » de Sophie Fontanel ? Dérider l’univers de la mode)


Ce castelet d’elles
En fait, Sophie Fontanel « adore » le changement. Elle affectionne son métier pour les voyages où elle embarque sa curiosité gourmande, renouvelle les expériences en dépit de celles qui l’ont durcie, recycle sa garde-robe qui lui permet de ranger puis ressortir des Elle passés, se plaît à desquamer ce castelet d’autres soi qui patiente dans son dressing débordé et débordant, tout en se débrouillant pour creuser une lenteur dérobée dans son intérieur dont on pense désormais tout savoir. Erreur. Une fois seule face au miroir de sa salle de bain où il y a « une serviette éponge à rayures et franges ramenée du Liban », la cinquantenaire libérée ne tire pas l’épée contre le temps qui passe. En revanche, elle préfère savourer le virage naturel de la couleur de ses cheveux depuis qu’elle leur refuse toute teinture. « J’ai l’impression d’avoir retiré un masque qui pesait lourd. Et à présent, je voudrais profiter d’avoir les cheveux avec un corps tonique, car la décoloration est en général assortie d’un abandon, ce qui n’est pas mon cas », conclut-elle en passant la main dans sa toison nacre qu’on confondrait avec des longs fils de soie, et que, tout d’un coup, de ce mouvement, naît au creux de la grisaille parisienne une lumière qu’on croirait rêvée. Insoupçonnée, libre, comme ça, de but en blanc.

Cet article aurait pu également s’intituler « Des racines et des elles », un titre qui exprime parfaitement la mutation au cœur de laquelle s’est récemment trouvée Sophie Fontanel. Le jour où elle a refusé de plier face à une société qui dicte aux femmes des croisades à l’ammoniac contre la moindre racine grisonnante, où elle a décidé d’arrêter de se teindre les...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut