À moins de deux mois de l’échéance électorale, et en dépit de tout ce qui se dit sur une volonté internationale et régionale de l’encercler politiquement, le Hezbollah affiche une grande sérénité. Ses candidats annoncés en premier avec ceux du mouvement Amal préparent avec calme leurs apparitions électorales et les meetings auxquels ils comptent participer, tout en se gardant bien de dire que leur victoire est acquise. Pourtant, la plupart d’entre eux sont pratiquement assurés d’être élus et la campagne électorale qu’ils doivent mener est plus pour la forme que par véritable nécessité. Il est vrai que dans ses dernières apparitions télévisées, le secrétaire général du Hezbollah a clairement déclaré à ses partisans que s’ils appuient le courant de la résistance, ils doivent voter pour ses candidats, même s’ils ont des réserves sur le comportement de certains députés ou responsables du parti. En définissant ainsi l’enjeu du vote selon l’équation « pour ou contre la résistance », Hassan Nasrallah a donc invité la base à choisir sans hésiter les candidats du Hezbollah, mettant ainsi un terme au suspense voulu par ceux qui cherchent à grignoter l’influence de cette formation au sein de la communauté chiite.
C’est dire qu’en quelque sorte, la bataille électorale est pratiquement terminée pour le Hezbollah. Son principal souci est aujourd’hui de surveiller les alliances et les listes, et d’estimer avec précision l’octroi des voix préférentielles.
En décidant d’annoncer d’abord son alliance détaillée avec le mouvement Amal, puis la liste de ses candidats, bien avant les autres formations politiques, le Hezbollah a donc choisi la sécurité interne, en évitant à sa base les tiraillements électoraux et les discours violents qui pourraient ébranler les convictions et influer sur le vote. Convaincu que l’enjeu des législatives de 2018 est de chercher à réaliser des percées au sein de la représentation chiite dans le nouveau Parlement, il a préféré fermer autant que possible toutes les brèches potentielles. Mais en se partageant avec le mouvement Amal la plus grande partie des sièges chiites, il a quelque peu pris ses distances avec les autres formations. C’est un peu comme s’il disait à ses alliés des autres communautés : « Nous avons réglé la question de la représentation chiite. À vous d’en faire de même chez vous... ». Ce qui est loin d’être aussi évident, surtout que dans la plupart des circonscriptions, leurs alliés ne parviennent pas à s’entendre... D’ailleurs, un responsable du Hezbollah qui travaille sur le dossier électoral a récemment déclaré dans une réunion politique : « Le problème des prochaines élections est entre nos alliés qui ne parviennent pas à se mettre d’accord... »
Contrairement à la fébrilité qui règne dans la plupart des permanences partisanes et chez un grand nombre de candidats, chez ceux du Hezbollah, le calme est donc de mise. Mais dans la machine électorale du parti, les calculs vont bon train, tout comme les pronostics et les tentatives de réconcilier les uns et les autres. Par exemple, le parti chiite cherche à mettre d’accord le PSNS et le CPL dans plusieurs circonscriptions, sachant que ce dernier considère que là où il y a des sièges chrétiens, c’est à lui qu’ils doivent revenir en premier lieu, alors que le Hezbollah veut aussi ménager ses autres alliés. Cela a été ainsi le cas dans la deuxième circonscription de Beyrouth, où le CPL n’avait pas au départ de candidat et où le Hezbollah a formé une liste avec des personnalités sunnites, avec les Ahbache et le PSNS. Finalement, le CPL a voulu avoir un candidat briguant le siège des minorités et il a voulu prendre la place du candidat du PSNS. Même chose à Baalbeck-Hermel, où le Hezbollah a voulu faire figurer sur sa liste le candidat du PSNS pour le siège grec-catholique, l’ancien ministre Albert Mansour et l’actuel député maronite Émile Rahmé, poussant le CPL à s’allier avec le courant du Futur et les Forces libanaises dans cette circonscription. Dans la circonscription de la Békaa-Ouest, le CPL veut un candidat maronite en plus de l’ancien vice-président de la Chambre Élie Ferzli (grec-orthodoxe) sur la liste du Hezbollah et d’Amal. Mais là il se heurte au refus du président de la Chambre de lui donner deux candidats sur cette liste. À Saïda-Jezzine, la situation est aussi très complexe, Amal et le Hezbollah ayant choisi d’appuyer la liste d’Oussama Saad où figure déjà le candidat maronite Ibrahim Azar (fils de l’ancien député Samir Azar), alors que le CPL n’a pas encore défini ses options sur la liste du Futur ou sur celle du camp adverse, à moins de former une troisième liste. Même chose dans la circonscription de Marjeyoun, Bint-Jbeil...
Dans la circonscription de Kesrouan-Jbeil, les choses se précisent. Il y aura ainsi au moins trois listes, celle du CPL avec Mansour Ghanem el-Bone, Neemat Frem, Ziyad Baroud et bien sûr le général Chamel Roukoz, en tête de liste, avec les députés actuels Simon Abiramia et Walid Khoury. En face, il y aura la liste formée par Farid Haykal el-Khazen avec Farès Souhaid, mais aussi un noyau de liste formé par le Hezbollah et l’ancien ministre Jean-Louis Cardahi. Les FL n’ont pas encore annoncé leur choix et pourraient former une liste indépendante. Il faudra sans doute attendre la troisième semaine de mars pour que les listes se précisent. Mais, en attendant, pour le Hezbollah, réunir ses alliés s’avère une mission presque impossible.
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commentaires (7)
Espérons qu'ils arriveront à mettre d'accord tous les partis patriotes, dont ils sont le seul garant de l'unité..
Jean abou Fayez
21 h 51, le 10 mars 2018