Rechercher
Rechercher

Idées - Point de vue

Handicap : la richesse d’une différence

Une personne à mobilité réduite travaillant dans un « call center » en 2013. Photo Marisol Rifaï

Régulariser ce qui est en marge des normes établies relève de la responsabilité de l’État, qui se charge d’appliquer des lois et de protéger les intérêts de la population. Mais lorsque la loi s’applique de manière aveugle, en plaçant, sans distinction, tout le monde dans le même panier, nous ne pouvons alors nous empêcher de nous demander « où va le monde ? ».
Le grand problème dans ce cas de figure est l’absence de recours, ou presque, mais surtout le manque de communication. Il arrive souvent que certaines décisions soient prises par anticipation sans une réelle étude du terrain, ou encore sans consulter au préalable les personnes compétentes habilitées à fournir les informations requises, ce qui suscite inéluctablement des réactions négatives et des mouvements de protestation.

Projet lourd de conséquences
Tel a par exemple été le cas ces deux derniers jours avec la mobilisation des personnes portant un handicap (mental, sensoriel, moteur ou social) pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur un problème lourd de conséquence : le projet de baisse du financement étatique accordé aux associations leur venant en aide, dans le cadre des mesures de rigueur budgétaire prévues par le gouvernement. Diminuer ces aides gouvernementales reviendrait à limiter la mission de ces établissements à moyen et long terme, et par conséquent à accélérer le processus de fermeture des institutions en question. Cela aurait pour conséquence inéluctable d’empêcher des centaines de jeunes et d’enfants d’avoir accès à l’enseignement ou la prise en charge multidisciplinaire et psychosociale.
Être « différent » est une des conditions de l’existence humaine et n’a pas toujours une connotation négative. « Il y a de tout pour faire un monde », un dicton qui sous-entend que le monde n’existera et ne s’enrichira que par la diversité de ses habitants, d’où l’importance de la « différence ».

Une personne portant un handicap est certes différente, mais il n’en demeure pas moins qu’elle a le droit à l’instruction, la libre expression, ainsi qu’à l’inclusion sociale et professionnelle. Les associations et institutions spécialisées ont toujours accueilli ces personnes, soit dans le cadre d’un enseignement axé sur le programme libanais avec quelques ajustements, soit dans le cadre d’un programme de prise en charge multidisciplinaire, adapté à la nature et au degré d’intensité de leur handicap.
La mission de ces associations et institutions (au nombre de 103, réparties dans toutes les régions du pays) est des plus difficiles puisqu’elles doivent subvenir non seulement aux besoins scolaires des personnes portant un handicap (équipement, matériel, aides auditives, accessoires moteurs…), mais aussi à leurs besoins quotidiens (en internat comme en externat) – vu que dans leur majorité elles viennent de milieux socialement défavorisés avec des ressources très limitées. Le nombre d’élèves pris en charge varie entre 100 et 400 par établissement spécialisé, suivant les cas. L’existence et la continuité de ces associations qui encadrent la personne portant un handicap dépendent de la générosité ponctuelle de bienfaiteurs particuliers, mais surtout du financement du ministère des Affaires sociales.

Il est important de mentionner dans ce cadre la démarche entreprise par le ministère de l’Éducation qui vise à assurer l’inclusion scolaire dans les écoles publiques libanaises des élèves portant un handicap (léger et moyen) et ceux présentant des troubles d’apprentissage. Cette démarche va permettre à un nombre non négligeable de ces jeunes de fréquenter les mêmes établissements que les tout-venants et de partager les classes, les activités et l’enseignement régulier, ce dernier étant alors partiellement adapté.

Les défis de l’inclusion scolaire
Pourquoi cette inclusion englobe-t-elle un nombre limité d’élèves portant un handicap et non pas la totalité ? Parce que le terrain libanais n’est pas encore prêt à l’inclusion totale de tous les handicaps, les plus sévères et les plus profonds. Le coût d’un tel projet est assez élevé et nécessite des préparations de longues durées et par étapes. Il s’agit en effet : de restructurer et d’équiper les établissements (accès aux handicaps moteurs, systèmes de communication pour handicap sensoriel…) ; de prévoir des enseignements avec support et des enseignants spécialisés (braille pour les malvoyants, langue des signes ou codage pour les personnes sourdes); d’embaucher des professionnels du paramédical (psychologue, orthophoniste, psychomotricien, etc.) pour un suivi visant une meilleure intégration scolaire ; d’assurer des formations aux enseignants des écoles régulières pour les aider à mieux gérer la diversité ; de prévoir des campagnes d’information et de préparation à l’accueil des personnes portant un handicap, destinées aux élèves tout-venant et à leurs familles.

Une étroite collaboration entre le ministère des Affaires sociales et le ministère de l’Éducation est, certes, recommandée, mais les deux volets « régulier » et « spécialisé » existeront toujours. L’inclusion est bénéfique sur le plan psychosocial, mais elle ne pourra pas assurer aux personnes portant un handicap sévère et profond l’enseignement requis. De tels élèves ont besoin d’une prise en charge adaptée à la sévérité de leur handicap, chose qui ne pourrait être assurée dans les écoles régulières, en dehors des conditions précitées, du moins dans un futur proche.

Psychologue clinicienne, présidente du Bureau libanais pour la recherche en surdité et enseignante à l’Université Saint-Joseph.


Lire aussi

« C’est l’État qui est handicapé »


Régulariser ce qui est en marge des normes établies relève de la responsabilité de l’État, qui se charge d’appliquer des lois et de protéger les intérêts de la population. Mais lorsque la loi s’applique de manière aveugle, en plaçant, sans distinction, tout le monde dans le même panier, nous ne pouvons alors nous empêcher de nous demander « où va le monde ? ».Le...

commentaires (2)

IL FAUT QU,ON SE PENCHE VRAIMENT SUR CE PROBLEME SOCIAL ET QU,ON VIENNE EN AIDE AUX HANDICAPES !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 01, le 03 mars 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • IL FAUT QU,ON SE PENCHE VRAIMENT SUR CE PROBLEME SOCIAL ET QU,ON VIENNE EN AIDE AUX HANDICAPES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 01, le 03 mars 2018

  • BRAVO A L'ORIENT POUR SON ENGAGEMENT SOCIAL : 2 ARTICLES EN 3 JOURS SUR LE HANDICAP... DU JAMAIS VU.

    ASSHA Férial

    10 h 08, le 03 mars 2018

Retour en haut