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Liban - Société

Quand un candidat à la présidentielle camerounaise offre son billet de retour à une employée de maison

Akéré Muna, au shelter de Caritas, avec des employées de maison africaines dans l’attente de rentrer chez elles. Photo fournie par l’équipe d’Akéré Muna

On l’appelle déjà président, parce qu’il a été bâtonnier du Cameroun et président de l’Union panafricaine des avocats, qu’il est fondateur de Transparency International Cameroun et Afrique et vice-président mondial de l’organisation mère. Parce qu’il a aussi été président du Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine et de son panel qui traite de la gouvernance en Afrique. Akéré Muna, qui a clôturé vendredi une visite de cinq jours au Liban, est un sérieux candidat à l’élection présidentielle au Cameroun, prévue fin septembre-début octobre, cette année. Un rival de taille pour l’actuel président Paul Biya, au pouvoir depuis 35 ans.

Sérieux, non seulement parce qu’il est issu d’une famille politique respectée, qui jouit d’un capital élevé de confiance dans son pays – son père, Salomon Tandeng Muna, ayant été vice-président, Premier ministre et président du Parlement –, mais aussi parce qu’il est lui-même le porte-étendard de la lutte contre la corruption.
Pendant neuf ans, celui qui revendique son appartenance à la société civile camerounaise a ainsi présidé la Conférence internationale anticorruption (IACC). Ce n’est que récemment qu’il a démissionné de ce poste pour se consacrer à sa campagne. Une campagne sous le slogan « Now » (maintenant), avec l’index pointé vers le sol, signe de sa détermination, qui bénéficie du soutien de la Plateforme pour une nouvelle République, des petits partis politiques également. Et qu’il développe avec l’aide de son conseiller de campagne, François Meynent, ex-militant-coordinateur de la campagne En marche ! du chef de l’État français Emmanuel Macron.

Akéré Muna a des atouts de taille : son programme, basé sur trois piliers, la justice sociale, le développement de l’infrastructure et la bonne gouvernance. Sa volonté d’opérer une « mutation systémique ». Son côté rassembleur aussi, dans son pays bilingue, les francophones représentant 80 % de la population et les anglophones 20 %, dont une partie de sécessionnistes. « On me surnomme l’anglophone de culture francophone », dit-il à L’Orient-Le Jour dans une interview exclusive, à l’hôtel Phoenicia de Beyrouth. « Je me sens en mesure de traiter ce problème, ces velléités séparatistes qui prennent parfois une tournure violente, grâce à mon solide background », assure-t-il.

Dans les locaux de Caritas
C’est dans le cadre d’une tournée électorale qui l’a emmené samedi en France que se situe la visite libanaise du candidat déclaré Akéré Muna. Pourquoi au Liban ? D’abord, parce que « la communauté libanaise du Cameroun est forte de 10 000 personnes environ. Elle est particulièrement bien intégrée et très active, et cela me rend admiratif », avoue-t-il. Mais aussi et surtout parce que le pays du Cèdre emploie une main-d’œuvre camerounaise non négligeable, estimée à un millier de personnes environ, plus particulièrement des employées de maison. « Mon objectif est d’ancrer cette relation sur le plan institutionnel, de mettre en place des conventions bilatérales, accompagnées d’un processus de vérification, pour éviter aux citoyens des deux pays de naviguer à vue », explique-t-il.

Particulièrement concerné « par ce qui se passe avec les filles ménagères » et par « l’esclavage en Libye », le candidat camerounais s’est rendu dans les locaux de Caritas à Beyrouth, qui héberge des femmes migrantes en « situation défavorable » (NDLR : privées de liberté par la Sûreté générale), dans l’attente de leur rapatriement. « J’ai été reçu par le président de l’organisation, le père Paul Karam. J’ai eu la possibilité de rencontrer plusieurs femmes africaines et la seule Camerounaise du shelter », raconte-t-il. Saluant « l’atmosphère impeccable » du centre, où « les femmes ont le sourire malgré les drames qu’elles ont vécus », Akéré Muna se penche sur le cas d’une de ses compatriotes peu choyée par la vie. « Envoyée par ses parents pour travailler au Liban, elle est passée par trois familles, avant de tomber aux mains de trafiquants qui l’ont jetée à la rue », dénonce-t-il. Un calvaire que la jeune femme endure depuis plus de 14 mois. Soucieux de la voir rentrer au Cameroun le plus rapidement possible, Me Muna a offert le billet d’avion pour son rapatriement. « Nous espérons l’accueillir au pays très bientôt », lance-t-il avec émotion.

L’expérience libanaise
Cet homme de loi aurait voulu faire plus encore. Connaître les noms de femmes africaines d’autres pays que le Cameroun, en attente de retour chez elles, afin de les aider à finaliser leurs formalités, en contactant notamment des chefs d’État amis. « Mais cela n’a pas été possible, regrette-t-il. Révéler les noms des femmes migrantes placées (NDLR : par la Sûreté générale) chez Caritas est interdit. » Et pourtant, ces femmes ont beaucoup souffert de leurs conditions de travail au Liban, « certaines ont été battues, d’autres violées ». Le candidat à la présidence reconnaît, par le fait même, que la main-d’œuvre camerounaise peut aussi « s’épanouir » au Liban, comme cette « travailleuse camerounaise croisée dans les corridors » de son hôtel, « un merveilleux établissement », constate-t-il.

Également au cœur de la visite libanaise de M. Muna et des membres de sa délégation, différentes rencontres avec des personnalités politiques et économiques, notamment le président de l’Assemblée, Nabih Berry, qui a « une grande expérience de l’Afrique » (M. Berry est né en Sierra Leone), le Premier ministre, Saad Hariri, « pour une visite de courtoisie », le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban, Mohammad Choucair, le président du Conseil économique et social, Charles Arbid, le président de la municipalité de Beyrouth, Jamal Itani, et la présidente du Conseil national de la femme libanaise, Claudine Aoun Roukoz, pour échanger sur « les droits des femmes »...

« Nous avons évoqué les opportunités que le Cameroun peut offrir aux investisseurs libanais, lesquels sont particulièrement appréciés, car ils sont réactifs et rapides. Nous avons envisagé les partenariats possibles. Nous avons aussi pris connaissance, avec le maire de la ville camerounaise de Yabassi, Jacques Maboula Mboya, du processus de reconstruction de la ville de Beyrouth, après la guerre », souligne le candidat. Car à l’instar du Liban, le Cameroun souffre du manque d’infrastructures, de la mauvaise distribution d’eau et d’électricité, de l’absence de planification des villes en développement, de transports urbains défectueux, sans parler des problèmes liés au ramassage des ordures, aux embouteillages monstres, à l’exploitation sauvage du bois… Et il voudrait bien « bénéficier de l’expérience libanaise ». « Le Liban, au moins, a conscience de ses problèmes », conclut-il, saluant « la vision » de ses interlocuteurs libanais.



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