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Moyen Orient et Monde - Décryptage

La diplomatie parfois contre nature de l’État hébreu

Toujours en quête de « normalisation », l’État hébreu tisse de nouveaux réseaux d’alliances et des partenariats parfois presque contre nature.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son homologue indien Narendra Modi. Prakash Singh/AFP

Les amis de mes ennemis peuvent tout à fait être mes amis. L’État hébreu a parfaitement compris et accepté le concept, depuis des décennies.

En janvier dernier, le Premier ministre indien Narendra Modi a accueilli chaleureusement son homologue israélien sur le tarmac à New Delhi, pour une visite de cinq jours que Benjamin Netanyahu a qualifiée de « mariage au paradis ». Un mariage au vu et au su de tous les « amis » de l’Inde, parmi lesquels l’Iran, où New Delhi a investi plus de 500 millions de dollars dans le développement du port de Chabahar, et l’Autorité palestinienne à laquelle l’Inde a perpétué son soutien moral en votant en décembre dernier la résolution condamnant l’initiative de Donald Trump sur Jérusalem. Sans transition, Narendra Modi a annoncé qu’il se rendrait à Ramallah courant février. Un exemple parmi tant d’autres de ces amitiés non exclusives que partagent les nouveaux pays ciblés par la diplomatie israélienne.

Cette diplomatie s’est déployée sur des fronts moins connus de la politique étrangère de l’État hébreu : en Argentine, en Colombie et au Mexique en septembre dernier ; en Hongrie en juillet, où Benjamin Netanyahu s’est entretenu avec les dirigeants hongrois, tchèque, slovaque et polonais. La plupart de ces pays se sont abstenus au moment de voter la résolution de l’ONU condamnant l’initiative américaine sur Jérusalem en décembre dernier.

Ces États entretiennent une amitié complexe avec l’État hébreu. Victor Orban, qui a reçu M. Netanyahu cet été à Budapest, a multiplié depuis son arrivée au pouvoir en 2010 les marques de réhabilitation de Miklos Horthy, régent du royaume de Hongrie qui collabora avec l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. L’Argentine a développé des relations diversifiées avec l’Iran. La quasi-totalité des pays d’Amérique latine ont reconnu la Palestine comme État en 2011. Idem pour les États membres du « groupe de Viesegrad » (Pologne, République tchèque, Hongrie et Slovaquie) qui ont franchi ce pas sous la tutelle soviétique en 1988. Tous ces États font aujourd’hui une distinction entre Israël comme belligérant et Israël en tant que partenaire, au même titre que n’importe quel autre État.

« Des unions de circonstances »
Cette normalisation d’Israël est le défi le plus important que relève la diplomatie de l’État hébreu depuis sa création. Les mandats de David Ben Gourion et de Golda Meir ont été les plus concluants en la matière. Le premier a notamment noué des liens personnels avec des leaders non alignés en Asie du Sud-Est. Golda Meir a quant à elle jeté son dévolu sur l’Afrique. L’échange d’ambassades avec ces pays du tiers-monde était toujours accompagné d’une aide au développement et d’offre de formation militaire. À côté de la conviction de partager un sort commun avec les pays du tiers-monde, en tant qu’ex-victime de la domination européenne, Israël espérait de ces relations « fraternelles » qu’elles déboucheraient sur des votes favorables à l’ONU. La normalisation des relations bilatérales entraînerait ainsi une légitimation sur la scène internationale. Cette stratégie axée sur le tiers-monde a décliné brutalement avec la guerre des Six-Jours. L’objectif de normalisation persiste néanmoins dans les décennies qui suivent, même si les moyens pour y parvenir ont largement évolué.

Le premier volet de la stratégie diplomatique israélienne consiste désormais à « séparer le conflit israélo-palestinien du reste, le traiter comme une affaire interne », explique Joanna Dyduch, spécialiste des relations entre Israël et l’Europe centrale et orientale à l’université de Wroclaw (Pologne). M. Netanyahu trouve ainsi une oreille compréhensive chez les gouvernements qui supportent mal que leurs questions domestiques soient politisées au niveau européen ou international, à l’instar de Victor Orban, à couteaux tirés avec l’Europe qui lui reproche régulièrement ses dérives autoritaires. Une Europe dont le Premier ministre israélien s’exaspère régulièrement des résolutions critiquant sa politique en Cisjordanie.

« Le gouvernement Netanyahu ne vise pas la construction de relations durables, mais des unions opportunes de circonstances », détaille Mme Dyduch. Cet aspect est intiment lié à la volonté de minimiser et d’éclipser les enjeux liés au conflit israélo-palestinien. Des enjeux que Benjamin Netanyahu reléguait grossièrement au domaine de la « politique » lors de sa visite en Hongrie. Les relations nouées par l’État hébreu négligent les affinités politiques contraignantes. Elles « accrochent » là où le moindre intérêt commun est atteignable, et se défont aussi facilement. La souplesse et le minimalisme de cette stratégie expliquent que la volte-face de l’Inde à l’ONU n’ait pas irrité outre mesure le Premier ministre israélien.

Les codes de la realpolitik
La diplomatie israélienne joue aussi à fond sa position d’allié privilégié des États-Unis. L’amitié entre les deux pays entraîne indirectement plusieurs unions de circonstances avec des pays redevables des États-Unis, ou qui parce qu’ils souhaitent s’en rapprocher épousent leurs vues pro-israéliennes. « Pour des pays très dépendants des États-Unis comme le Guatemala et le Honduras, le conflit israélo-palestinien est secondaire », explique Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS. « L’essentiel est d’éviter des mesures de rétorsion des États-Unis, qui menacent de s’en prendre aux migrants illégaux en provenance de ces pays », ajoute-t-il. Une dépendance qui éclaire sur la présence de ces États sur la liste des pays ayant voté contre la résolution condamnant la décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.
Sans atteindre ce degré de clientélisme, Israël engrange occasionnellement des soutiens purement instrumentaux de la part d’États souhaitant se rapprocher des États-Unis. « La Pologne désire rejoindre l’OTAN, un but profondément lié aux États-Unis et donc au soutien à Israël », remarque à titre d’exemple Joanna Dyduch. Dans le cas de la Pologne, il s’agit néanmoins davantage d’un surcroît d’énergie à soutenir Israël, puisque ce pays était plus pro-israélien que la moyenne depuis la chute de l’Union soviétique.

La défiance d’Israël à l’égard des Nations unies se double ainsi paradoxalement d’une tentative de jouer le jeu des institutions internationales. L’une des rétributions attendues de ses investissements diplomatiques est en effet que, le moment venu, ces États devront à l’État hébreu un vote favorable aux Nations unies. C’est l’une des formules de la diplomatie israélienne : opposer ce qu’elle considère être des bavardages politiques sur les territoires à ce qu’elle nomme le « pragmatisme », un discours finalement assez convenu parmi les chefs d’État actuellement. La diplomatie du gouvernement Netanyahu n’a en cela rien d’exceptionnel : elle use et abuse des codes de la realpolitik contemporaine.


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commentaires (2)

ILS SONT DES CHAMPIONS DE LA DIPLOMATIE ! LES ARABES... PIONNIERS DES MALADRESSES DIPLOMATIQUES !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 16, le 04 février 2018

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Commentaires (2)

  • ILS SONT DES CHAMPIONS DE LA DIPLOMATIE ! LES ARABES... PIONNIERS DES MALADRESSES DIPLOMATIQUES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 16, le 04 février 2018

  • Vivement le jour où les Libanais vireront en paix avec tous leurs voisins ! Love and peace !

    Bardawil dany

    09 h 47, le 03 février 2018

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